Cette production de Klaus Michael
Grüber du dernier ouvrage wagnérien est célèbre.
Créée en 1989 à Amsterdam, elle a tourné ensuite
en Europe (Londres, Madrid, Florence Amsterdam et Paris) et nous arrive
aujourd'hui à Strasbourg par la volonté du nouveau directeur
de l'Opéra National du Rhin, Nicholas Snowman qui, comme certains,
considère grandement cette mise en scène, allant même
jusqu'à dire que rien de mieux n'a été fait depuis
Wieland Wagner.
Je ne partage pas l'enthousiasme des
uns et des autres face à ce travail qui m'a laissé, pour
le moins, mitigé.
Le parti pris est d'un grand statisme.
Ce n'est guère gênant pour les actes I et III, mais cela le
devient un peu pour l'acte II où la scène de séduction
voit Parsifal et Kundry debout du début à la fin de l'acte,
ne se regardant pas, mais se rapprochant progressivement l'un de l'autre
jusqu'au baiser fatal. Le statisme est compensé par de beaux jeux
de lumière, modelant l'espace scénique, mais les "poursuites"
systématiques sur chaque protagoniste finissent par lasser.
La direction d'acteurs est, elle aussi,
sobre et précise. Les personnages sont bien caractérisés,
mais on pourra trouver celui d'Amfortas un peu trop caricatural (un maquillage
outré y participe largement), on a aussi du mal à vraiment
comprendre la raison d'être de son immense prothèse du bras
droit qui descend jusqu'au sol et se termine par une roue... Le personnage
semble davantage abattu par la douleur que par la honte.
Les costumes jouent aussi la carte
du dépouillement, surtout en ce qui concerne Parsifal, affublé
d'une tenue verte des plus curieuses et guère seyante (le noir du
dernier acte sera plus convaincant). On trouvera davantage de fantaisie
et de variété dans les décors : des fûts (entre
troncs d'arbre et structure métallique), laissant place à
une longue table qui traverse tout le plateau (rappelant telle Cène
d'un tableau de la Renaissance) au premier acte, et des taches de couleur
lumineuses, à la Miró, au deuxième. En revanche, on
écarquille les yeux à la découverte du cabinet de
Klingsor, avec son immense requin suspendu au plafond, à la vue
du massif rocheux du deuxième acte avec ses grandes feuilles vert
pomme et ses cactus (on est en plein kitsch), et, surtout, du tipi à
moitié recouvert de peaux de moutons (pardon, de neige) qui représente
l'antre de Gurnemanz au troisième acte, avec son petit banc en rondins
de bois... Grotesque. Il est tout de même navrant de ne pouvoir s'empêcher
de pouffer de rire sur une musique aussi sublime (prélude de l'acte
III !...). Il en va également ainsi de l'effondrement du royaume
de Klingsor, où le massif rocheux s'ouvre en deux et dont les "statues"
qui l'ornent se plient de même... Là-encore, on frôle
le ridicule.
Quelques réussites au milieu
de cette indigence, comme une très belle scène des filles
fleurs (particulièrement bien choisies d'ailleurs, tant vocalement
que physiquement), toutes au sol, qui se relèvent doucement et balancent
sensuellement leur bras tels les pétales de fleurs carnivores ;
l'entrée des chevaliers à l'acte III, cachés derrière
des armures et qui s'avancent lentement vers le devant de la scène
ou encore l'image finale d'un Parsifal "illuminé" tournant son regard
vers les hauteurs.
(Filles Fleurs, ©
Alain Kaiser)
Devant une mise en scène où
le dénuement le dispute au statisme, un poids énorme repose
sur les épaules des chanteurs. L'équipe réunie convainc
pleinement, sans doute grâce à la présence de Klaus
Michael Grüber à Strasbourg pour les répétitions.
Le fait est assez rare pour être signalé.
Ce sont d'emblée les noms de
Friedemann Röhlig et de Jeanne-Michèle Charbonnet qui viennent
à l'esprit. Le premier campe un Gurnemanz tout à fait exceptionnel.
La beauté et la puissance de l'organe, l'endurance et la finesse
du chanteur (tout juste remarque-t-on quelques faux-départs dus
vraisemblablement au trac), la sobriété du jeu, d'où
se dégage une grande bonté, offrent des moments absolumentmémorables.
Jamais les longs monologues de Gurnemanz n'auront paru si vivants et radieux.
Quant à Jeanne-Michèle Charbonnet, elle affiche une superbe
voix de mezzo, son chant intense et son investissement dramatique en font
une Kundry remarquable, mais aussi très touchante dans les actes
I et III. Le Parsifal de Frank Van Allen met un peu de temps à s'imposer
: son physique, son costume et son entrée précipitée
au premier acte ne l'aident pas beaucoup, mais il se montre véritablement
émouvant au deuxième acte et sa beauté illumine le
final. Il possède une solide voix d'heldentenor et le rôle
ne lui pose pas de problème.
Est-ce dû, là encore,
à la mise en scène ? Je n'ai guère été
sensible à l'Amfortas de Claudio Otelli. Rien de désagréable,
rien d'enthousiasmant non plus. L'excellence de Gurnemanz le dessert dans
sa première apparition, mais seul, surtout au troisième acte,
il convainc davantage, même s'il a tendance à en faire un
peu trop.
La voix de Tomas Möwes (Klingsor)
montre des signes de fatigue (large et désagréable vibrato),
accentués par un chant qui semble engorgé. Certes, avec les
mêmes caractéristiques, un chanteur comme Franz Mazura marquait
dans le même rôle ; Tomas Möwes, lui, a du mal à
se hisser au même niveau.
Les filles fleurs, nous l'avons dit,
sont parfaitement distribuées, tout comme certains seconds rôles
: on distinguera notamment l'écuyer de Fausto Reinhart et Hye-Youn
Lee, à la fois en écuyer et en fille-fleur, tous deux excellents.
Les choeurs ne déméritent pas, surtout au troisième
acte, même si on aurait souhaité qu'ils soient plus fournis.
Mention spéciale au choeur féminin à l'acte II.
(Final, © Alain Kaiser)
Le chef d'orchestre Günther Neuhold
a choisi de nous offrir un Parsifal enlevé, ce qui pourra
déplaire aux tenants (j'en suis) de la solennité à
la Knappertsbusch ou à la Levine. N'empêche, le travail qu'il
a effectué avec un Philharmonique de Strasbourg en grande forme,
est tout à fait remarquable de précision et de propreté.
Pierre-Emmanuel Lephay
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Prochaines représentations
:
à Strasbourg, Opéra :
les 25, 28, 30 octobre à 18 h., 2 novembre à 15h., 4 et 8
novembre à 18h.
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à Mulhouse, La Filature :14
novembre à 18 h. et 16 novembre à 15 h.
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