Une conception
cohérente, des décors suggestifs, des costumes colorés,
une chorégraphie déjantée, des interprètes
honorables, une direction musicale et un orchestre très satisfaisants...
Pourquoi dans ces conditions, cette représentation de La Périchole
ne
nous a-t-elle pas comblé ?
Peut-être parce que d'un spectacle
signé Laurent Pelly nous attendions plus de vie et de rythme. Certes,
les représentations d'après-midi, un lendemain de fête,
sont souvent laborieuses pour tout le monde. Mais le très nombreux
public de l'Opéra-Comédie, aux réactions rares et
tièdes, s'est pourtant animé au moment du finale. Le fait
est que la reprise de cette coproduction Marseille - Montpellier - Caën
et Opéra de Nancy et de Lorraine n'a pas été effectuée
par le metteur en scène lui-même.
C'est peut-être aussi parce que
Laurent Pelly, transposant l'intrigue au milieu du XXème siècle,
abandonne l'imagerie traditionnelle du royaume d'opérette où
les souverains s'entichent de chanteuses des rues. Le rideau se lève
sur un décor urbain dont le délabrement, peut-être
trace de combats passés, reflète l'incurie des pouvoirs publics.
En arrière-plan, sur des éperons rocheux des Andes, des amoncellements
de maisonnettes en équilibre précaire, comme dans les tristement
célèbres favellas .
Les signes du totalitarisme sont là
: quadrillage de la population par les espions du régime, culte
de la personnalité, hommages sur commande, impossibilité
pour les artistes de vivre dignement. Le vice-roi est un despote, l'uniforme
militaire est sa tenue de prédilection et, à l'occasion,
il fait le salut fasciste.
Cette conception fonctionne, elle est
cohérente et rend à l'oeuvre un poids qui lui est souvent
refusé ; mais ces allusions à une réalité des
plus graves empêchent aussi de s'amuser vraiment en contemplant cette
fiction. L'uniforme des dames de la Cour - toutes Jolie Madame années
50 -, la présence fréquente de soldats, la prison, l'arbitraire,
la répression générale lors de la recherche des évadés,
tout va dans le sens d'une lecture exclusivement et sans doute excessivement
sérieuse de l'oeuvre .
Enfin, la distribution n'a pas l'éclat
qui suscite l'effervescence chez le spectateur. Les seconds rôles
masculins n'appellent aucune remarque particulière. Les trois cousines
remplissent honorablement leur office. Bernard Van der Meersch et Erick
Freulon, respectivement Panatellas et Hinoyosa, sont serviles à
souhait et tentent d'être cocasses. Jean-François Lapointe
est un vice-roi bien chantant, quoique gêné dans les graves,
et avec la fatuité requise. Marc Laho est Piquillo Comédien
modestement convaincant, son timbre n'a pas pour nous de séduction
particulière ; son chant, que nous suivons depuis dix ans, ne nous
semble pas s'être amélioré de façon significative
. Néanmoins, il a des partisans, puisqu'au rideau final, il reçoit
quelques ovations.
Heureusement, Stéphanie d'Oustrac
complète la distribution. Dans un rôle que désormais
elle connaît bien, elle allie séduction vocale et physique.
Très élégamment costumée, elle est une Périchole
charmeuse, fuyant l'effet, jamais vulgaire, à la voix soyeuse et
contrôlée, hormis quelques aigus un peu forcés. Le
public lui a réservé un triomphe.
Vif succès aussi pour le quadrille
de danseurs en uniforme militaire qui passe du pas cadencé aux entrechats
de ballerines, vraie note burlesque d'une chorégraphie qui n'est
pas la plus inspirée de Laura Scozzi Les choristes, associés
à la gestuelle, semblent avoir du mal à la maîtriser
; il est vrai que Turandot les a mobilisés jusqu'au 9 décembre.
Mais leur participation vocale est sans défaut.
Dès le prélude, les musiciens
de l'Orchestre National de Montpellier se sont mis en valeur, aussi bien
lors des interventions solistes (clarinette, violoncelle) qu'ensemble.
Claude Schnitzler a obtenu un parfait équilibre fosse-plateau et
rendu perceptible son amour de cette musique. Vives ovations pour eux,
amplement méritées.
Maurice SALLES