JAPO-NIAISERIE
Fasciné par le portrait d'une
princesse japonaise, Kornélis souhaiterait pouvoir lui donner vie.
Il n'a pas remarqué l'amour que lui porte sa cousine Léa
et s'en désintéresse au profit de ses chimères. Kornélis
découvre une recette miracle dans un livre de magie : une potion
qui comblera ses voeux.
Ladite potion le plonge en effet dans
des hallucinations : la princesse lui apparaît sous les traits de
Léa, habillée à la japonaise.
Quand Kornélis se réveille,
c'est pour se découvrir amoureux de sa cousine : tout est bien qui
finit bien.
L'action est située en Hollande,
ce qui confirme que, dès 1872, ce pays avait une réputation
bien acquise d'usage immodéré des drogues dures aux effets
hallucinogènes...
Sur ce livret charmant mais d'une rare
insignifiance, Camille Saint-Saëns a commis une partition fine et
élégante, renouvelant l'image de sérieux qui colle
au compositeur. Les mélodies en sont charmantes et originales :
si ça ne ressemble pas au Saint-Saëns que nous connaissons
au travers des Samson et Dalila, Henry VIII ou Etienne Marcel,
ça ne ressemble pas non plus à la production habituelle d'opéra-comique.
Alexander Swan campe un Kornélis
tout en délicatesse. Spécialiste des rôles légers
(la Manon Lescaut d'Auber à Wexford ou Almaviva du Barbiere
à l'Opéra de Saint Etienne), son style est assez caractéristique
d'une certaine école anglaise, illustrée par des chanteurs
comme John Aler.
Autant dire que la partition ne lui
pose aucun problème, la voix recourant largement au registre mixte,
même dans le médium. On pourra toutefois préférer
des émissions plus brillantes car celle-ci n'est pas exempte de
monotonie.
Fille de l'immense ténor d'opérette
Henri Legay, Aurélia tente de se faire un nom et nul doute qu'elle
finira par y arriver. Des moyens très corrects, une bonne base technique,
un abattage certain et surtout une prononciation soignée de la langue
française (indispensable dans ce répertoire) : un exemple
que pourrait suivre pas mal de ses compatriotes.
Créé en 1997 par le chef
d'orchestre Jean-Luc Tingaud, à l'initiative de Manuel Rosenthal,
l'orchestre "OstinatO" continue son petit bonhomme de chemin, en progrès
constant à chaque nouvelle apparition.
La formation, de type "orchestre de
chambre", qui réunit de jeunes instrumentistes, vise à leur
offrir un apprentissage du métier de musicien d'orchestre.
Grâce à la direction attentive
de Jean-Luc Tingaud, chanteurs et musiciens réussissent l'épreuve
de la scène, sans que la qualité stylistique ne soit sacrifiée.
Une jolie réussite.
L'ouvrage étant assez court
(45 minutes), une première partie nous permet de découvrir
d'autres aspects de l'art de Saint-Saëns.
Le mélodiste, au travers de
L'Attente et de La Cloche, pour soprano, ou de L'Enlèvement
pour ténor. Le musicien de chambre avec la Romance pour
flûte et orchestre, où l'on apprécie le talent de Philippe
Pierlot ; puis la superbe et surprenante Tarentelle pour flûte
et clarinette avec Florent Héau.
Les pages symphoniques sont plus contrastées
: la barcarolle Une nuit à Lisbonne ne convainc guère,
au contraire du superbe Rouet d'Omphale.
Un programme diversifié et d'une
grande intelligence comme on voit.
Placido Carrerotti