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BRUXELLES
11/10/2004
© DR
Franz Schubert
Winterreise
Récital Thomas Quasthoff,
baryton-basse
et Wolfram Rieger, piano
Théâtre Royal de la Monnaie,
Bruxelles le 11 octobre 2004
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Je suis venu en étranger,
je repars en étranger. Tout est dit dès les premières
notes ; Thomas Quasthoff instaure un climat poétique particulièrement
propice, la beauté de la voix fait oublier tout contexte. Pendant
près d'une heure et demie, deux artistes vont nous entraîner
dans le monde étrange de Wilhelm Müller magnifié par
Schubert, au romantisme exacerbé, lourd comme le destin, où
le désespoir n'est jamais loin, si noir qu'il porte en lui toute
la tendresse du monde.
Exploitant les richesses immenses du
texte, sondant le sens avec un scrupuleux respect, habile à déjouer
les difficultés de la partition, par exemple en allégeant
les aigus un peu tendus en des demi-teintes délicieusement poétiques,
merveilleusement musicien d'un bout à l'autre de la soirée,
Quasthoff dépeint avec sobriété et lenteur les états
d'âme du poète aux amours malheureuses, transcendées
par le sentiment de la nature. Il sculpte chaque phrase avec un legato
parfait, construit pour chaque lied un univers sonore propre, mais
conçoit aussi le cycle dans sa globalité, enchaînant
parfois sans attendre deux ou trois numéros pour créer une
tension particulière et assurer la continuité du discours
poétique. Sa vision du cycle est à la fois lyrique - c'est
le timbre particulièrement chaud de la voix qui le veut - et intimiste,
aux confins de la confidence murmurée, dans une très grande
économie de moyens, mais avec une sincérité de chaque
instant. Sa large palette de couleurs comprend des nuances particulièrement
raffinées, des contrastes étonnants, affirmés avec
vigueur et détermination, absolument convaincants.
A ses côtés, merveilleusement
imaginatif et précis, répondant à chaque inflexion
de la voix, tirant de son instrument des couleurs d'une délicatesse
extrême, osant aussi laisser murmurer son instrument, Wolfgang Rieger
contribue sans cesse à établir ou à maintenir le climat
poétique schubertien et se hisse ici au rang des plus grands. Lied
après lied, les deux complices parviennent à capter
l'attention du public au point de faire cesser les toux (ou presque). La
tension est parfaitement perceptible, la salle retient son souffle. Un
très long moment de silence et dix minutes de standing ovation saluent
cette prestation réellement exceptionnelle.
Claude JOTTRAND
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