OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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PARIS
09/11/2007
 

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Igor STRAVINSKY (1882-1971)

The Rake's progress

opéra en trois actes et un épilogue (1951)

Trulove : Gregory Reinhart
Anne : Olga Peretyako
Tom Rakewell : Tom Randle
Nick Shadow : David Pittsinger
Mother Goose : Nuala Willis
Baba the Turk: Elsa Maurus
Sellem : Simeon Esper

Ensemble Orchestral de Paris
Direction Frédéric Chaslin
Mise en scène André Engel
Décors de Nicky Rieti
Lumière André Diot
Costumes Nicole Galerne et Chantal de la Coste
Chorégraphie Françoise Grès et Frédérique Chauveaux

Théâtre des Champs-Elysées 9 novembre 2007

Carrière bien remplie, pour un débauché plein de charme


Pas moins de deux Rake's progress à Paris cette saison et par deux fortes personnalités de la scène, André Engel et Olivier Py (*). La production du premier présentée trois soirs au Théâtre des Champs-Elysées, a déjà été vue en 2001, ainsi qu'à Lausanne et à Bordeaux voici quelques années. Adepte des transpositions limpides et des années trente, notamment pour Louise déplacée dans le Paris du front populaire (Bastille 2007), Engel situe l'opéra de Stravinsky dans l'Amérique de cette époque, marquée par les comédies musicales vues à Broadway et au cinéma avec Fred Astaire et Ginger Rodgers. Les décors de Nicky Rieti, désuets, hollywoodiens ou réalistes, insistent sur l'illusion, le caractère factice et éphémère qui sert de toile de fond à cette "carrière" totalement fantasmée et finalement rattrapée par la morale.

Rien de tragique ou de démoniaque dans cet univers où tout s'enchaîne dans le plus grand naturel et où le timide Tom se laisse manipuler par un sympathique serviteur (Shadow, son ombre), qui lui fait connaître la belle vie, loin de sa jolie fiancée, qui pourtant lui restera fidèle. L'argent coule à flot, Tom devient un gentleman, vit une vie de plaisirs et d'expériences sans fin, repoussant celle qui l'aime, au profit d’une femme à barbe, pendant toute une année. Arrivé au terme de ce « pacte », passé dans l’insouciance, Tom parvient à déjouer le plan machiavélique fomenté par ce diable de Shadow, qui disparaît à tout jamais en lui confisquant tout de même sa raison, avant d'échouer lamentablement dans un asile de fous et d'obtenir le pardon de la douce Anne Trulove (véritable amour !).

Ivresse des cabarets où Tom chante tel Mario Lanza "Love, too frequently betrayed" ("Amour trop souvent trahi") devant une foule conquise, luxueux appartement avec vue sur gratte-ciels, tout concourt à l'enivrement, à l'euphorie, à la perte des repères, à l'oubli de soi, mais également des autres. Cette adaptation légère, teintée d'humour et parsemée d’amusantes chorégraphies, aux antipodes de celle de Peter Sellars, carcérale et douloureuse (Châtelet 1996), ou d'Alfredo Arias, oppressante derrière les strass et les paillettes (Aix-en-Provence 1992), ne manque ni d'équilibre, ni de pertinence : le spectacle est résolument plaisant, sans pour autant transporter.

La faute incombe à Frédéric Chaslin qui s'est emparé de cette partition néo-mozartienne, où se lit l'héritage du passé (de Bach, pour les usages techniques, récitatifs secs et arias où la voix accompagnée par un petit orchestre et un instrument soliste, et de Haendel pour le langage particulier de ses oratorios), en la cantonnant uniformément à de la musique de chambre.

Ce piège évité par Kent Nagano (à Aix et au disque, Erato 1996) et par Seiji Ozawa (intégrale Philips parue en 1997), pour ne citer qu'eux, permettait à l'auditeur de goûter pleinement à la pensée du compositeur et de mesurer ses dons créatifs, dans une confrontation constante entre tradition et modernité, obtenue avec un orchestre imposant. Le résultat aurait sans doute été plus probant avec une autre formation que l'Ensemble Orchestral de Paris, dont les sonorités émaciées, le manque de souplesse et la difficulté à restituer clairement les rythmes quasi calligraphiés érigés par Stravinsky en rhétorique, finissent par rendre cette musique raide et mécanique.

La distribution est heureusement satisfaisante avec en premier lieu Tom Randle, qui dessine avec subtilité et une certaine tendresse, un Tom Rakewell suffisamment naïf pour être pardonné de ses incartades. Sa voix de ténor n'est pas large, à la différence de Jerry Hadley, magnifique dans ce rôle à Aix et en studio, mais le timbre est séduisant et le comédien, qui faisait partie de la création, d’une belle assurance. Lui est associé un Nick Shadow servile et incisif, campé avec une conviction bonhomme par la basse David Pittsinger. Olga Peretyako avec ses faux airs de Sophie Marceau, insuffle sa vivacité, sa sensibilité et sa résistance aux déboires, au rôle d'Anne confiée à l'origine à Elisabeth Schwarzkopf, qu'elle chante, dans la lignée de Dawn Upshaw, admirablement bien. Elsa Maurus n'est pas inoubliable dans Baba, mais comment venir à bout d'une écriture aussi archaïque, Gregory Reinhart (Trulove), Nuala Willis (Mother Goose) et Simeon Esper (Sellem), complétant honorablement cette savoureuse galerie de portraits.

Prochaine escale en pays stravinskien, à partir du 3 mars au Palais Garnier, avec la nouvelle production d'Olivier Py.


François LESUEUR



Note

(*) Olivier Py pour le Rake’s Progress à Garnier
Luc Bondy étant finalement indisponible pour des raisons de santé, on apprenait le 31 octobe dernier que c’est Olivier Py, le nouveau directeur de l’Odéon, qui mettra en scène la nouvelle production du Rake’s Progress de Stravinski au Palais Garnier. Les représentations sont programmées du 3 au 24 mars 2008.

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