Cette production de La petite renarde
rusée par l'Académie Européenne de Musique a été
très controversée, certaines représentations ont même
été sifflées. Cependant, celle du 27 juillet s'est
terminée sous les acclamations. D'où viennent ces humeurs
et ces accueils contradictoires ?
Sans conteste, la principale critique
à adresser au spectacle est la réduction de l'orchestration
à seize instruments, réduction due à Jonathan Dove.
Soyons clair : aucun compositeur, du plus obscur au plus célèbre,
ne mérite qu'un tel traitement soit infligé à son
oeuvre, sous quelque prétexte que ce soit. D'autant plus que l'exécution
des instrumentistes de l'Académie Européenne de Musique est
assez aléatoire : il est difficile de supposer que les sonorités
douteuses qu'on entend de temps à autre soient imprimées
sur la partition !
La mise en scène a été
également très diversement appréciée, fraîche
selon les uns, irritante selon les autres, et dans les faits un peu trop
hermétique. Qui peut sans explication préalable reconnaître
le rêve de la renarde dans une danseuse descendue d'un filin, sur
le pied de laquelle l'héroïne s'accroche ?
Les décors, astucieux, rappelant
l'origine du livret, une bande dessinée du début du siècle,
sont constitués de dessins noirs dans des cases de papier blanc,
qu'on peut même déchirer pour ménager des ouvertures.
Les costumes sont amusants et refusent
ouvertement toute référence animalière : les poules
sont par exemple vêtues de robes moulantes et de talons aiguilles
rouges, le blaireau, enveloppé dans une couverture, fume la pipe,
la famille renard est en tenue de ville...
Le soin de personnifier les animaux
est laissé à trois danseurs contemporains, ce qui est une
idée d'autant plus séduisante qu'ils sont vraiment excellents.
Cependant, leur présence devient peu à peu envahissante,
et même carrément agaçante lors de la mort de la renarde.
De la même façon, l'ouverture
sans musique pendant laquelle les danseurs miment les habitants de la forêt
alors que les spectateurs gagnent leur place, n'a pas été
bien perçue : une partie du public a pensé qu'il s'agissait
d'un échauffement, la majorité n'a pas regardé, ce
qui est bien dommage au regard du talent des exécutants.
Mais le bonheur de cette soirée
était ailleurs, dans la découverte de jeunes voix : les chanteurs
sont tous âgés de moins de trente ans, et bourrés de
talents.
Yvette Bonner, renarde en salopette,
est confondante de vivacité, d'aisance scénique, de fraîcheur
vocale. Ronan Nédélec est un garde-chasse pétri d'humanité.
Doté d'un timbre splendide, il s'inscrit dans la tradition des grands
barytons français.
Mais ce ne sont pas les seuls dignes
d'éloge : Olivier Dumait, déjà remarqué l'année
dernière en prologue du Tour d'Ecrou, Boris Grappe, Paul-Henri
Vila possèdent des vois enthousiasmantes, déjà largement
plus que des promesses, des voix de futurs grands. On disait également
grand bien en coulisse de Petra Simkova, malheureusement en mauvaise forme
le soir du 27 juillet.
C'est ainsi que l'Académie Européenne
de Musique a gagné son pari, en nous faisant découvrir dès
aujourd'hui les vedettes de demain.
Catherine Scholler