RIENZI ? RIEZ-EN !
ONF a eu l'excellente idée de
proposer au public parisien "Rienzi", enfant mal aimé d'oncle Richard
et des wagnériens de stricte obédience.
Souvent présenté comme
"le meilleur opéra de Meyerbeer" (ou le plus mauvais de Wagner,
c'est selon), l'oeuvre est composée dans un style imitant le grand
opéra à la française (d'ailleurs, à quand de
vrais Grands Opéras Français par l'ONF ?). La littérature
a souligné les similitudes avec les Huguenots (final du III dans
les deux cas), mais aussi avec la Muette de Portici d'Auber (Amour sacré
de la Patrie) : il s'agit d'ailleurs plutôt de ressemblances sur
la forme.
En revanche, on pourrait presque parler
d'emprunts pour certaines scènes directement inspirées du
Rossini de Guillaume Tell, voire du Siège de Corinthe. A l'inverse,
l'oeuvre annonce le Vaisseau fantôme, notamment dans le traitement
des choeurs, Tannhauser et Lohengrin pour celui des voix. L'ensemble constitue
une oeuvre très agréable et qui gagnerait à être
donnée plus souvent, les coupures opérées (plus d'une
demie heure de musique !), ne se justifiant que pour des raisons d'organisation.
Annoncé souffrant (est-ce que
ça faisait vraiment une différence à ce stade de sa
carrière ?), Thomas Moser est un Rienzi plutôt fatigué.
S'il se tire des passages héroïques, la voix mixte lui pose
problème (un comble pour un ténor mozartien à l'origine)
et bon nombre de passages sont carrément chantés faux. Pire,
la couleur, geignarde, est uniforme et finit par causer un certain ennui.
Je n'ai pas entendu une traitre note
sortir de la bouche de Nancy Gustavson : je ne peux donc objectivement
commenter sa prestation (elle devait confondre avec le rôle titre
de la Muette de Portici).
Yvonne Naef campe le rôle (travesti)
d'Adriano. Cette excellente chanteuse, très à l'aise dans
le contralto de la Marfa de Khovantschina de Zürich il y a quelques
semaines, est bien plus exposée dans cette tessiture très
tendue. Air et cabalette de l'acte III la trouvent en grandes difficultés
dans les aigus (air, cabalette, rôle travesti : on comprend que Wagner
ait renié son oeuvre !). Il faut quand même reconnaitre que
c'est la seule chanteuse qui se défonce dans la soirée et
que son interprétation reste globalement très excitante.
Les autres rôles sont de peu
d'importance et très moyennement chantés : je n'insiste pas.
Les choeurs sont nombreux : la comparaison
est cruelle avec ceux de l'Opéra de Paris, car le volume est loin
d'être au rendez-vous !
Même constatation en ce qui concerne
l'orchestre, un peu dépassé.
Remplaçant Jeffrey Tate, Claus-Peter
Flor assure une direction professionnelle mais sans génie particulier.
Une soirée "apéritive"
qui aiguise notre impatience à entendre le Rienzi promis par Mortier
en ouverture de sa première saison parisienne.