LE BEAU, LA BELLE ET LE TRUAND
Dans cette seconde distribution de
la reprise de Rigoletto, Lado Atanelli succède à Leo Nucci
: il n'y a pas grand-chose à reprocher à cette belle voix
bien timbrée, puissante et bien timbrée et l'acteur n'est
pas mauvais.
Rien à voir pourtant avec l'incarnation
(au sens propre du terme) de Leo Nucci. C'est toute la différence
entre un bon chanteur et un immense artiste : Atanelli joue Rigoletto ;
Nucci le vit.
Le public ne s'y trompe pas qui lui
fait un bon succès là où Nucci obtenait un triomphe.
Sumi Jo confirme son déclin
: quand elle n'est pas forte, la voix pincée est affligée
d'un chevrotement serré ; les notes forte sont quant à elles
à la limite de la justesse et les suraigus sont carrément
faux avec un mi bémol pénible.
Au dernier acte, Jo surmonte toutefois
ses problèmes techniques (lors de sa mort elle réussit même
à transformer un aigu forte en piano instantanément et sans
coupure, comme deux bandes qu'on aurait raboutées : l'effet est
impressionnant). Surtout, le personnage prend enfin du relief et devient
réellement émouvant.
Déjà entendu en juin
2000 dans cette même production, le Duc de Marcello Alvarez séduit
toujours par un chant stylé et une voix ensoleillée. Il faut
toutefois reconnaître que la fréquentation récente
de rôles plus
lourds a contribué à
une légère dégradation de la ductilité de l'instrument
: "Questa o quella" est juste effleuré, "Parmi veder les lagrime"
repose surtout sur l'insolence de la voix et la beauté du timbre,
la cabalette qui suit le laisse en difficulté (les graves ont du
mal à sortir et le contre ré est absent)... seul le dernier
acte convainc totalement avec un quator absolument superbe. Alors qu'il
disposait de nombreux atouts pour devenir le successeur d'Alfredo Kraus,
Alvarez semble plutôt suivre les pas de Luciano : pourquoi pas, mais
c'est bien dommage pour le bel canto.
Eldar Aliev incarne un bon Sparafucile,
plus sonore que Willard White.
Nancy Herrera reste une Maddalena un
peu trop discrète (le quatuor de l'acte IV est plutôt un trio...).
La direction de Daniel Oren reste toujours
attentive aux chanteurs, sans toutefois que la mayonnaise prenne aussi
bien qu'avec la première distribution.
Un ultime regret en conclusion de cette
série : il aurait suffi qu'Alvarez chante avec Nucci et Swenson
pour que Bastille tienne là un des plus beau spectacles ; dommage...
Placido Carrerotti