C O N C E R T S 
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
...
 
......
NEW YORK
12/03/04

Ruth Ann Swenson
RIGOLETTO

Opéra en 3 actes de Giacomo Puccini
D'après la pièce de Victor Hugo

Production : Otto Schenk
Décors et costumes : Zack Brown
Lumières : Gil Wechsler

Rigoletto : Franz Grundheber
Gilda : Ruth Ann Swenson
Le Duc de Mantoue : Ramon Vargas
Sparafucile : Stephen Milling (débuts)
Maddalena : Irina Mishura
Monterone : James Courtney
Giovanna : Jane Shaulis
Borsa : Bernard Fitch
Marullo : Sebastian Catana
Comtesse Ceprano : Sandra Piques Eddy
Un page : Lynn Taylor
Le chef des gardes : John Shelhart

Orchestre et Choeurs
du Metropolitan Opera de New-York

Direction : Marco Armiliato
 

New-York, Metropolitan Opera
le 12 mars 2004


PAPY FAIT DE LA RESISTANCE

Pour cette reprise du spectacle d'Otto Shenk déjà chroniqué dans nos colonnes (1), nous retrouvons deux habitués.

A tout seigneur tout honneur : Ramon Vargas apporte au Duc de Mantoue la somptuosité d'un timbre chaleureux et un investissement dramatique qui l'honore. Vocalement, les choses ne sont plus si roses : la fréquentation de rôles plus lourds (Hoffmann, Don Carlo, Riccardo) lui vaut aujourd'hui une voix plus dramatique ; dans ces conditions, les aigus sont souvent difficiles (2), les vocalises et trilles souvent escamotées. Espérons que cette belle voix n'aura pas quitté trop prématurément son répertoire d'élection (3).

La Gilda de Ruth Ann Swenson n'est plus une surprise non plus. Comme je l'écrivais dans la chronique déjà mentionnée (1), cette belle artiste est sans doute mal distribuée dans ce rôle qui exige une voix plus dramatique. Convenons qu'avec le temps, la voix s'est épaissie et s'approche davantage de la typologie vocale requise. Mais, là aussi, cette évolution se fait au détriment de la souplesse vocale : trilles et notes piquées sont carrément éludées et les piani encore plus rares qu'en 2002. Swenson campe néanmoins une Gilda émouvante et finit par remporter un triomphe au rideau final.

A l'inverse, le Rigoletto de Franz Grundheber est plutôt une curiosité, ce chanteur s'étant en grande partie consacré au répertoire allemand (ne citons que ses Wozzeck, Orest, Kurwenal, Cardillac, Barak, Mandryka ou encore le Hollandais) (4). Après environ quarante ans d'un tel régime, son état vocal tient du miracle : un volume impressionnant, des aigus extravertis, un vibrato discret et contrôlé ... c'est assez incroyable. Certes, nous entendons bien un baryton de l'école allemande (avec ses libertés belcantistes et ce timbre si caractéristique) et on pourrait dénoncer une certaine inadéquation stylistique si les Italiens n'avaient pas été les premiers à proposer des incarnations ultra véristes du personnage. Dramatiquement, c'est un peu plus routinier : les "petites phrases" habilement caractérisées (du style "Che sento !", "Io la lingua", etc.) alternant avec des airs débités sur un ton un peu trop monochrome.

Les seconds rôles sont incarnés par les vieux habitués de la maison, toujours aussi efficaces, à l'exception de Sparafucile, rôle pour lequel Stephen Milling faisait ses débuts : l'artiste est physiquement imposant (un géant danois) et les moyens impressionnants, quoique pas encore franchement maîtrisés (une basse à suivre en tout cas).

La direction de Marco Armiliato est plus professionnelle qu'inspirée : pas d'anicroches entre le plateau et la fosse, mais pas de véritable drame non plus malgré des chanteurs plutôt engagés. Il faut dire que la production d'Otto Shenk est un cadre bien sage pour ce chef-d'oeuvre de noirceur.
  


Placido Carrerotti
Notes

1. Rigoletto, New York le 6 avril 2002 : http://www.forumopera.com/concerts/rigoletto-met.htm
2. Notamment lors de la première scène du premier acte, meurtrière : ré-écoutez Di Stefano dans l'intégrale commerciale d'EMI !

3. Je pense à ses admirables interprétations d'Edgardo ou à son magnifique enregistrement de La Favorite.

4. Franz Grundheber n'en néglige pas pour autant le répertoire italien : il est d'ailleurs le premier baryton allemand à avoir incarné, dix fois, Rigoletto au Metropolitan (en 1999 et 2001).

[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]