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PARIS
21/02/2006
Giuseppe VERDI
RIGOLETTO
Opéra en trois actes
Livret de Francesco Maria Piave
D’après Le Roi s’amuse, de Victor Hugo
Mise en scène : Jérôme Savary
Décors : Michel Lebois
Costumes : Jacques Schmidt et Emmanuel Peduzi
Eclairages : Alain Poisson
Bülent Külekci : Le duc de Mantoue
Andrzej Dobber : Rigoletto
Laura Claycomb : Gilda
Ain Anger : Sparafucile
Dagmar Peckova : Maddalena
Martine Mahé : Giovanna
Philippe Fourcade : Monterone
Sergei Stilmachenko : Marullo
Mihajlo Arsenski : Matteo Borsa
Yuri Kissin : Ceprano
Natacha Constantin : La comtesse
Jian-Hong Zhao : Un huissier
Laetitia Singleton : Un page
Orchestre et chœurs de l’Opéra de Paris
Direction : Renato Palumbo
Paris, Opéra-Bastille, le 21 février 2006
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LE ROI SE S'AMUSE PAS
Il y a plusieurs manières de chanter Rigoletto ; les
artistes les plus extravertis tirent le rôle vers le
vérisme (c’est parfois bien utile pour cacher certaines
failles techniques) ; d’autres, moins engagés
dramatiquement, chantent le rôle en belcantistes ; les
chanteurs exceptionnels savent jouer des deux registres : ce fut
le cas de Leo Nucci en ces mêmes lieux. Andrzej Dobber
n’est hélas ni l’un ni l’autre :
malgré quelques accents émouvants de temps à
autre, son Rigoletto est globalement terne, sans éclat, avec un
timbre passe-partout, une technique peu aboutie, une absence de
coloration et sans véritable engagement. Visuellement, le
personnage n’existe tout simplement pas, les sons sortant du
gosier du baryton sans que le visage ou le corps ne traduisent la
moindre expression.
Bülent Külekci est un duc au chant vulgaire, martelant
ses notes forte, sans le moindre legato, et ne respectant la valeur des
notes que lorsque ça l’arrange. Il réussit
l’exploit de ne déclencher aucun applaudissement à
l’issue de sa Donna è mobile :
chapeau ! Tout aussi prudent que son confrère, le
ténor ne tente aucun des suraigus traditionnels : un bon couac
aurait pourtant sauvé sa prestation de l’ennui.
Rentré chez soi, on se précipitera su un enregistrement
de Carlo Bergonzi ou d’Alfredo Kraus, histoire de se laver les
oreilles avant l’inévitable infection.
Pendant quelques minutes, la Gilda de Laura Claycomb fait impression,
notamment grâce à une infinité de richesses dans la
coloration. Son Signor ne principe
est tout simplement délicieux, la chanteuse réussissant
à faire passer tout un éventail d’émotion
par le seul pouvoir de son chant. Le Caro nome est tout aussi remarquable, terminé à l’ancienne par une cadence culminant sur un contre mi terminé pianissimo.
Ce sera la seule ovation de la soirée. Malheureusement, les
choses se gâtent par la suite, la chanteuse étant
régulièrement couverte par l’orchestre ou par ses
partenaires plus prodigues de décibels que de nuances (le
mi-bémol du duo de la vengeance disparaît ainsi dans le
brouhaha général).
Ain Anger est un Sparafucile aux moyens impressionnants mais qui
semble plus chanter pour épater la galerie que pour camper un
vrai personnage dans une distribution homogène (le pourrait-il
du reste ?). Dagmar Peckova est une Maddalena
fâchée avec ses deux voix. Changeant
systématiquement de registres entre deux notes, elle fait
plutôt penser à une caricature de Michel Serrault dans La Cage aux Folles, mais victime de la grippe aviaire.
Les rôles secondaires sont dans l’ensemble très
bons : on exceptera hélas la Giovanna de Martine
Mahé, artiste que nous avons longtemps appréciée,
mais qui a bien du mal à cacher l’usure manifeste de ses
moyens.
Il arrive qu’une distribution médiocre soit sauvée
par un chef de génie : ce n’est pas le cas avec
Renato Palumbo dont la direction précipitée contribue au
contraire au naufrage. Usant de tempi
d’une rapidité extrême, le chef italien abat
(c’est le cas de le dire) son « Rigoletto »
en 1h55, pratiquement sans coupures (à l’exception de la
reprise de la cabalette du duc). A titre de comparaison, Riccardo Muti,
pourtant peu suspect de mollesse, se traîne à 2h02 !
Dans ces conditions, Signor ne principe est pris sur un tempo
de valse-musette ; quant au duo de la vengeance, c’est
carrément un french cancan. Même les chanteurs sont
largués et les décalages sont fréquents : un
point commun hélas à beaucoup de spectacles
récents de l’Opéra de Paris. Nul point
d’orgue, nulle attention aux chanteurs ; aucune respiration
dans cette direction étouffante : l’orchestre
n’est jamais protagoniste du drame, et pas même soutien des
chanteurs.
La mise en scène très illustrative de Jérôme
Savary sait se faire oublier devant des chanteurs de rêve.
Rarement ses défauts ont paru aussi criants que ce soir :
un écrin tape à l‘œil un peu mastoc,
des éclairages sans génie (la scène de
l’orage est une des plus pitoyables qui soit) et une absence de
direction d’acteurs.
Cette nouvelle édition de « Rigoletto » se
classe sans conteste comme la plus mauvaise à ce jour : ne
nous avait-on pourtant promis que la qualité artistique
progresserait spectaculairement ?
Placido Carrerotti
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