Universellement
connu grâce à ses musiques de films -ceux de Fellini notamment
- Nino Rota n'en est pas moins l'auteur d'une oeuvre abondante et variée.
Cet ancien lauréat de L'Académie Sainte Cécile de
Rome a en effet composé nombre d'ouvrages lyriques parmi lesquels
Il Cappello di paglia di Firenze, des ballets, de la musique de chambre,
trois symphonies et plusieurs concertos dont celui qui nous était
proposé ce soir-là. Créé en 1962, sous la direction
de Bruno Maderna, le concerto soirée, rend hommage aux musiques
de salon de la fin du XIXème siècle. Résolument tournée
vers le passé, la partition, répartie en quatre mouvements,
alterne l'humour, la nostalgie et la fantaisie la plus débridée
(on n'est pas loin de l'univers d'un Satie), et comporte également
quelques réminiscences de musiques de film, Huit et demi notamment.
Enrica Ciccarelli en donne
une lecture vive et convaincante. On apprécie la fluidité
de son toucher dans le second mouvement andante malinconico et sa virtuosité
sans faille dans le quatrième et dernier, can-can, qui lui vaut
un triomphe personnel amplement mérité. Elle offrira en bis
un prélude pour la main gauche de Scriabine d'excellente facture.
Cependant, le "plat de résistance"
de la soirée était constitué par Rita, ou le mari
battu de Donizetti. Composée à Paris vers 1841 sur un
livret français, cette farce en un acte fut créée
à l'Opéra-Comique en 1860, douze ans après la mort
du compositeur. Elle conte les aventures d'une aubergiste qui tyrannise
son second mari. Le retour au village du premier, qu'elle croyait mort,
provoque une série de situations cocasses, à la limite du
scabreux, dans l'esprit de la commedia dell'arte. Le titre original,
Deux
hommes et une femme, était plus explicite.
L'oeuvre, sans prétention,
est agréablement troussée et comporte quelques jolis airs,
notamment celui du ténor "Je suis joyeux comme un pinson" que Juan
Diego Florez a gravé en italien dans un récent récital
consacré à Donizetti et Bellini. C'est, du reste, dans sa
version italienne que la partition a connu quelques reprises dans le courant
du XXème siècle. Au cours de la saison passée, on
a pu également l'entendre à Paris en français, le
temps d'un concert à l'Opéra-Comique le 15 mars dernier.
On attendait dans le rôle
titre Sumi Jo, mais souffrante, elle fut remplacée par Valeria Esposito
qui s'est tirée honorablement de son rôle. Le timbre n'est
pas exceptionnel, mais la voix est plutôt bien projetée et
le personnage crédible. Cependant, les ornementations, exécutées
avec précision, demeurent bien sages. Nul doute qu'avec Sumi Jo
on aurait eu droit à un festival de contre notes. Il en est de même
pour Fabrice Mantegna qui occulte l'aigu final de son air. Si le ténor
sait se montrer tout à fait convaincant en mari battu, la ligne
de chant demeure fruste et privée de legato. Finalement,
la distribution est dominée par le Gasparo tout en malice d'Evguenyi
Alexiev qui remporte un triomphe bien mérité. Triomphe partagé
avec Marco Guidarini qui, à la tête de son Orchestre Philharmonique
de Nice, s'est montré tout aussi à son affaire dans Rota
que dans Donizetti. Sa direction énergique et d'une grande précision
laisse augurer d'une belle carrière. A suivre.
On ne peut que regretter
l'absence des dialogues parlés, remplacés par des textes
écrits et dits par Guy Carlier. Ce sympathique animateur de radio
ne manque pas de talent ni d'humour et ses interventions font mouche. Toutefois,
les allusions nombreuses au monde de la politique et de la télévision
dénaturent quelque peu l'oeuvre et la tirent vers l'opérette
de boulevard. C'est efficace, le public s'amuse beaucoup, mais est-ce vraiment
dans l'esprit de Donizetti ?
Une soirée sans prétention
et somme toute agréable, cependant la création in loco
de Rita méritait sans doute mieux.