Très beau spectacle que ce
retour d'Ulysse produit par le Festival d'Aix en Provence et dont Lausanne n'est qu'une étape de la tournée internationale
que doit effectuer la production. En effet, il n'y avait pas besoin d'être
grand amateur et fin connaisseur de la musique de Monteverdi pour pouvoir
passer une excellente soirée, malgré la relative longueur de l'oeuvre (plus
de trois heures). La "faute" en revient principalement au metteur en scène,
Adrian Noble, qui avec de petits moyens et des décors fort dépouillés
réussit malgré tout à nous proposer une mise en scène vivante et pas
ennuyeuse pour deux sous. De plus, il évite de surcharger ses effets et les
chanteurs (tous excellents acteurs au demeurant) jouent tous juste. Et sa
fidélité à l'oeuvre n'exclut pas quelques idées scéniques qui font toutes
mouche, comme par exemple le fait de voir Minerve guider les flèches que
tire Ulysse sur les prétendants, ou de voir le personnage de la Fragilité
Humaine entièrement nu, ce qui, une fois n'est pas coutume, peut être taxé
d'effet à bon escient.
Dans la fosse, William Christie se montre un peu
moins inspiré avec ses Arts Florissants. Certes ses tempi sont
intéressants et il soutient bien les chanteurs, mais on avait souvent l'impression que les
instrumentistes jouaient chacun pour soi et ne formaient pas un véritable
orchestre, ce qui était parfaitement flagrant lors de l'introduction. Le
plateau vocal est, lui, inégal tant le bon et même l'excellent y cotoient le
moyen voire le franchement médiocre. En tête d'affiche, on notera tout de
même l'extraordinaire Ulysse de Kresimir Spicer une magnifique voix de ténor
à la limite du baryton qui se révèle idéal pour un rôle qui fut, à son
heure, chanté par Thomas Allen et qui devrait exceller dans des rôles de
ténor/baryton comme Pelléas, Fieramosca ou le Duc de Rothsay. Les deux
autres grands triomphateurs de la soirée sont, eux aussi, des ténors, à
savoir Joseph Cornwell, Eumée, qui avec sa voix plus ténorale n'a rien à
envier à Kresimir Spicer, ni sur le plan vocal ni sur celui de la présence,
et Robert Burt, un Iro irrésistible de drôlerie lors de ses trop brèves
apparitions en scène. Et si côté féminin, hormis la très bonne Melanto de
Katalin Karolyi, on est bien moins bien servi, je décernerai quand même une
mention à Rachid Ben Abdeslam (La Fragilité Humaine), un contre-ténor qui
devrait faire parler de lui dans un avenir rapproché ainsi qu'à Paul-Henri
Vila, nettement meilleur dans le rôle de Neptune que dans celui du Temps, et
qui de par sa présence vocale et scénique et de par ses splendides et
puissantes notes graves a su hisser le rôle du Dieu de la Mer au niveau des
touts premiers rôles de cet opéra.
En bref, malgré quelques réserves ça et
là, ce retour d'Ulysse vaut véritablement que vous lui consacriez une soirée
si d'aventure la tournée passait non loin de chez vous.
Antoine Bernheim
Liste des autres
dates de concert de cette tournée:
Lausanne:
24/02, 26/02, 27/02, 1/03, 3/03
Paris (opera comique):
12/03, 13/03, 15/03, 16/03
Londres (barbican):
17/03 version concert
Caen :
22/03, 24/03
New-York
7/04, 8/04, 10/04, 11/04, 13/04, 14/04
Vienne :
11/05, 12/05, 14/05, 15/05, 17/05
Bordeaux :
24/05, 26/05, 28/05, 29/05, 31/05, 1/06
Aix en provence :
12/07, 14/07, 15/07, 17/07, 18/07, 20/07