C O N C E R T S 
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
 
......
MADRID
25/03/03

Mariola Cantarero
Rossini
Concert monographique

Mariola Cantarero, soprano
Rockwell Blake, ténor

Choeur et orchestre du Teatro Real
Dir. Ottavio Dantone

Madrid, 25 mars 2003


Après l'offensive wagnérienne de la Walkyrie avec Domingo et Meier en mars, et avant La Favorite programmée en avril, le Teatro Real proposait un concert dans lequel un "vétéran" rossinien parrainait un jeune espoir du chant espagnol. Ces deux interprètes ont déjà chanté ensemble dans la production du Viaggio a Reims à La Corogne et à San Sébastien l'été dernier. Pesaro est aussi un autre de leurs points communs, mais le ténor américain s'y produit depuis 1983 alors que la jeune soprano n'y est intervenue qu'une fois.

Il faut saluer l'effort qui consiste à proposer un programme hors des sentiers battus et à donner les airs dans leur intégralité, qui plus est avec la participation du choeur chaque fois qu'elle est requise. Après une ouverture de Tancredi assez incolore, Mariela Cantarero ouvre le feu avec l'air d'Elisabetta, regina d'Inghilterra "Sento un'interna voce". De beaux piani, une bonne technique du souffle compensent des aigus un rien acides. Rockwell Blake prend le relais avec l'air de Zelmira "Terra amica". Le médium et les graves ont du mal à passer la rampe, bien que le Real ne soit pas une salle immense et que l'acoustique y soit plutôt flatteuse, le timbre a toujours eu ses détracteurs et le chef a tendance à couvrir le soliste. Ces réserves étant faites, son interprétation s'avère une prouesse technique et le souffle semble inextinguible quand il monte au contre-ré dans la cadence. Le concert se poursuit avec l'air d'Amenaide "Gran Dio", interprété avec musicalité et émotion par la soprano originaire de Grenade. Un duo conclut la première partie : il s'agit du duo Elisabetta/Norfolk "Colmo di duol" dans lequel Cantarero montre une certaine autorité dans l'accent, malgré son jeune âge. L'équilibre entre les deux voix est satisfaisant.

Après l'ouverture de La gazza ladra, plus convaincante, Blake se lance avec un enthousiasme communicatif dans l'air d'Alberto de L'occasione fa il ladro. Ce qu'il fait sur le si bémol final ("libertà") est littéralement inouï : qui peut attaquer ainsi forte cette note, la réduire au pianissimo et reprendre le crescendo jusqu'à la dernière mesure de l'orchestre, le tout dans un seul souffle ? Un tour de force rendu possible par une technique prodigieuse. Cantarero exécute ensuite l'air d'Adèle du Comte Ory "En proie à la tristesse" qu'elle chantait quelques jours auparavant en italien dans la production barcelonaise du Viaggio a Reims. La voix est égale sur toute la tessiture et l'interprète s'efforce de proposer des variations originales dans les reprises. Là encore on pourra regretter que le contre-mi bémol dont elle gratifie la cadence entre les deux strophes de la cabalette (mais qu'elle ne reproduit pas à la fin) soit un peu agressif et manque de rondeur. Le ténor américain enchaîne avec un "Cessa di piu resistere" d'anthologie ; que dire qui n'ait déjà été dit sur son morceau de bravoure ? Le concert s'achève officiellement avec le duo Adèle/le comte Ory "Ah ! Quel respect, madame" dans lequel les deux interprètes font assaut d'entrain, mais ont tendance à en rajouter dans les mimiques pour compenser l'absence de mise en scène. Concernant les bis, le public est resté sur sa faim puisqu'il s'attendait à quelques morceaux brillants, mais s'est vu proposer deux duos lents tirés de L'occasione impropres à déchaîner le délire, mais idoines pour sortir du théâtre assagis. Il faut avouer que les deux interprètes en on fait des tonnes et se situaient à la limite du cabotinage. Ceci n'enlève rien à un concert intéressant, à bien des égards.
Il faut souhaiter que la jeune Mariela Cantarero (programmée dans rien moins que Don Pasquale à Rome, Lakmé à Oviedo, La Sonnambula à Florence ou I Puritani à Las Palmas) tienne ses promesses et puisse chanter aussi bien que Rockwell Blake après 25 ans de carrière.
 
 

Valéry Fleurquin
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]