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LAUSANNE
11/09/04
Il Signor Bruschino
© Photos Marc Vanappelghem
Gioacchino Rossini (1792-1868)
IL SIGNOR BRUSCHINO
Farsa giocosa en un acte
Livret de Giuseppe Foppa
Nouvelle production de l'Opéra
de Lausanne
Giorgio Caoduro (Gaudenzio),
Corinna Mologni (Sofia),
Roberto De Candia (Bruschino padre),
Riccardo Botta (Florville),
Stuart Patterson (Commissario),
Evgueniy Alexiev (Filiberto),
Delphine Gillot (Marianna),
Humberto Ayerbe Pino (Bruschino
figlio).
Giacomo PUCCINI (1858-1924)
GIANNI SCHICCHI
Opéra en un acte
Livret de Giovacchino Forzano
Nouvelle production de l'Opéra
de Lausanne
Roberto De Candia (Gianni Schicchi),
Corinna Mologni (Lauretta),
Cinzia De Mola (Zita),
Riccardo Botta (Rinuccio),
Stuart Patterson (Gherardo),
Katia Vellataz (Nella),
Evgueniy Alexiev (Betto),
Alessandro Svab (Simone),
Giorgio Caoduro (Marco),
Delphine Gillot (La ciesca),
Alexandre Diakoff (Notaio /Dottore)
ORCHESTRE DE CHAMBRE DE LAUSANNE
Corrado Rovaris, direction musicale
Mariame Clément, mise en
scène
Julia Hansen, décors et costumes
Hervé Audibert, lumières
LAUSANNE
11*, 13, 15, 17 et 19 septembre
2004
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L'opéra à jouer
ou l'opéra à chanter
La réunion de deux opéras
au comique aussi différents que Il Signor Bruschino
de Rossini et Gianni Schicchi de Puccini dans une même soirée
pouvait paraître une gageure. Plus de cent ans séparent les
oeuvres. Cent ans d'évolution du théâtre lyrique, cent
ans d'évolution de la musique, des mentalités, de l'humour.
Un défi relevé avec brio par la metteur en scène Mariame
Clément. Cette nouvelle venue dans le monde lyrique est une véritable
découverte.
La jeune franco-iranienne démontre
un superbe talent de conteuse. Dans des oeuvres où le passage du
comique à la vulgarité est vite franchi, la jeune femme sait
restreindre son discours scénique à la simplicité,
l'humour et l'ironie. Faisant fi de toutes références faciles
à l'actualité, délaissant la mode des symboles, elle
pose ses personnages avec une formidable clarté. De chacun, elle
tire la charge humoristique qu'il est capable d'offrir. Ainsi, rien n'est
surjoué. Pour une première mise en scène, c'est un
coup de maître ! Le public généralement bon enfant
de Lausanne a offert un triomphe à la metteur en scène qui,
grâce à la subtilité de son approche scénique,
réussit un véritable tour de force. Non seulement on rit,
mais, chose rare à l'opéra, on éclate de rire. Bruyamment,
sans aucune retenue. Et tant pis si on couvre irrespectueusement la musique,
puisque le plaisir du public est la mission première du spectacle.
Grâce à Marianne Clément, le contrat est pleinement
rempli. Un intelligent décor unique (Julia Hansen) transforme habilement
une habitation seigneuriale pour Gianni Schicchi en un bâtiment
administratif aux fresques du 13e et du 15e siècles percées
sans ménagement pour y placer un ascenseur constamment en panne
et d'une grande efficacité comique. Le défi n'était
pas seulement théâtral mais aussi musical puisque les mêmes
chanteurs étaient les protagonistes des deux opéras.
IL SIGNOR BRUSCHINO
Pour le premier opéra, oeuvre
de jeunesse de Rossini (1813), Marianne Clément choisit la transposition
à une époque récente. Dans cette suite de quiproquos,
d'entrées et de sorties, de gags, de chutes, elle exploite toutes
les ficelles du théâtre "à la Feydeau". Même
avec ses quelques très belles pages musicales, typiques du divertissement
que cette oeuvre devait susciter auprès de son public d'alors, IlSignor
Bruschino reste un opéra à jouer. Avec sa succession
de gags illustrant le comique des scènes, difficile de juger la
réelle tenue vocale des interprètes. Cependant, d'emblée
la voix du ténor Riccardo Botta (Florville) charme par son phrasé
et ses belles colorations. Habité par la grâce d'une voix
non nasillarde, le ténor italien livre l'image d'un parfait amoureux.
Musicalement, il n'est guère aidé par ses complices de scène,
peut-être qu'un peu plus de puissance (il était annoncé
légèrement souffrant !) lui aurait permis de mieux s'intégrer
dans les ensembles. Le baryton Giorgio Caoduro (Gaudenzio) possède,
quant à lui, un impressionnant instrument vocal. Abondamment chargé
d'harmoniques, il aurait toutefois intérêt à le traiter
avec moins de volume sonore, se ménageant ainsi le loisir de peaufiner
son discours théâtral et musical. Efficace et charmante, la
soprano milanaise Corinna Mologni (Sofia), à côté d'un
très professionnel Roberto De Candia (Bruschino padre) paraissant
toutefois peu à l'aise dans ce rôle comique.
GIANNI SCHICCHI
Gianni Schicchi
© Photos Marc Vanappelghem
Quand débute la partition
de Puccini, l'ambiance musicale s'élargit immédiatement dans
un lyrisme exacerbé qui donne aux chanteurs la possibilité
d'une expression vocale beaucoup plus intéressante que dans l'opéra
de Rossini. La comédie est maintenant grinçante, le comique
ironique. Si le geste était vif dans la farce rossinienne, dans
cette comédie de l'avarice, Marianne Clément favorise le
regard et l'attitude. Drapés dans leurs amples habits du Moyen Age,
ses personnages s'habillent de cupidité. Détestables, ils
versent dans le pathétique. On ne rit plus, on sourit à ce
gênant miroir de la société, de nous-mêmes. Chef-d'oeuvre
incontestable de Puccini, Gianni Schicchi est, lui, un opéra
à chanter. Chaque protagoniste s'empare de cette vaste et belle
musique pour s'offrir le plaisir de chanter pour chanter. Ainsi Roberto
De Candia (Gianni Schicchi) se saisit du rôle-titre avec une
voix timbrée, empreinte d'une autorité musicale remarquable.
Autant son pâle Signor Bruschino décevait, autant ici il enthousiasme.
C'est aussi la soprano Corinna Mologni (Lauretta) qui laisse entendre un
très beau et très lyrique "O mio babbino caro". De son côté,
le ténor Riccardo Botta (Rinuccio) n'a pas la voix du rôle.
Son "Avete torto !" laisse paraître rapidement ses limites vocales.
Un certain manque de brillance affadit malheureusement son personnage.
Parmi les plus petits rôles, tous excellemment tenus, l'assurance
vocale de la mezzo-soprano Cinzia De Mola (Zita) ainsi que l'élégance
du baryton Alessandro Svab (Simone) révèlent de véritables
talents.
De son côté, l'Orchestre
de Chambre de Lausanne n'est pas apparu à son meilleur niveau. La
faute à Corrado Rovaris qui, particulièrement avec Rossini,
confondait vélocité et légèreté, obligeant
l'orchestre à des prouesses techniques au lieu d'en exploiter le
son qu'il a si beau.
Jacques SCHMITT
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