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PARIS
29/05/2007
Janice Baird © DR
Richard STRAUSS (1864-1949)
Salomé
Drame musical en un acte
D’après la pièce d’Oscar Wilde
Création, Dresde, 1905
Version de concert
Salomé, Janice Baird
Narraboth, Wookyung Kim
Iokanaan, Alan Titus
Herodias, Anja Silja
Hérode, Chris Merritt
Le page, Hanne Fischer
Orchestre philharmonique de Strasbourg
Marc Albretch
Paris,
Salle Pleyel, 29 Mai 2007
Version de concert
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La musique sans le théâtre
Sans dispositif scénique élaboré, sans mise en
scène impertinente, bien des mélomanes disent
apprécier d’autant mieux la musique et le chant. Aussi
théâtrale que soit l’œuvre, celle-ci peut
conserver en version de concert toute son intensité dramatique.
Un bel exemple en a été donné en mars dernier avec
l’opéra de Chostakovitch Katerina Ismaïlova au théâtre du Châtelet.
Pour cette Salomé,
très attendue Salle Pleyel, bien que trois des principaux
interprètes de la distribution initiale aient été
remplacés, musiciens et chanteurs ont réussi à
maintenir la barre à la hauteur du drame musical de Richard
Strauss. Mais qu’en est-il de l’impact
théâtral du livret adapté de la pièce du
génial Oscar Wilde ?
Sous la conduite vive et souple de son nouveau directeur musical, Marc
Albretch, chef dansant, à la gestuelle sinueuse, qui
privilégie le brillant et la mélodie, l’Orchestre
philharmonique de Strasbourg sonne haut et fort. Trop fort ? La
réponse semble varier quelque peu en fonction de la place
occupée dans la salle. Du haut du premier balcon, cuivres, bois
et percussions dominent au détriment des cordes et surtout des
voix, mais le discours musical reste limpide et souvent superbe.
Particulièrement mémorables : l’insolence des
flûtes, le spasme des contrebasses au moment de la
décapitation et, naturellement, une danse des sept voiles
d’une sensualité musicale qu’aucune vision orientale
lascive ne vient concurrencer.
Privés de mise en espace pour évoluer, sans aucun
éclairage particulier pour sublimer leur présence, les
personnages ont du mal à émerger au milieu
d’instruments qui charment, grondent, assourdissent. Il faut tout
le talent d’acteur d’un Chris Merritt pour y parvenir.
Malgré une voix assez usée, détimbrée et de
peu d’ampleur, le ténor américain construit un
excellent tétrarque et réussit à faire passer en
finesse toutes les nuances du rôle : fascination,
émotion, irritation, détresse… À ses
côtés, Anja Silja, auréolée de ses
succès légendaires à Bayreuth, confère une
majesté certaine à une Herodias d’autant mieux
venue qu’elle fut elle-même une Salomé que beaucoup
gardent en mémoire.
Les autres interprètes chantent agréablement, mais jouent
peu. Très applaudi à la fin du concert, Wookyung Kim, un
beau ténor lyrique dont le nom n’a été
annoncé ni dans le programme ni dans la salle, surprend le
public par sa sensibilité et sa voix lumineuse dans Narraboth
— un rôle court mais aux accents infiniment touchants.
Notons aussi le quintette des juifs (quatre ténors et une basse)
tout à fait bien en place.
Restent les deux protagonistes. Alan Titus possède la voix
large, puissante, à l’aigu facile, nécessaire pour
interpréter Iokanaan. Il impressionne quand il chante du fond de
sa citerne (en l’occurrence du bas de l’escalier qui
accède au parterre). Le timbre est assez beau, mais
l’impassibilité de l’acteur, pour ne pas dire sa
neutralité, est-elle apte à déclencher chez une
jeune fille le violent besoin de fusion charnelle qui lui
révèle d’emblée que « le
mystère de l’amour est encore plus fort que celui de la
mort » ?
Pour la princesse Salomé, on attendait impatiemment les
débuts à Paris de Nina Stemme. Néanmoins, Janice
Baird, interprète internationalement acclamée de
Brünnhilde et d’Elektra, était
précédée d’une rumeur favorable.
Assurément, la soprano américaine a une belle
présence scénique. Cependant, peut-être
passagèrement fatiguée, la voix ne passe pas vraiment la
rampe. Malgré son engagement dramatique évident, elle a
du mal à s’imposer pleinement dans ce rôle
redoutable. En plus d’être victime de l’acoustique,
le serait-elle aussi d’un certain manque d’attention du
chef à l’égard des chanteurs ? Difficile dans ces
conditions — surtout privée de ses voiles et de sa
tête coupée servie sur un plateau — d’incarner
la vierge séductrice et butée qui ordonne une mort atroce
pour assouvir sur une bouche sans vie son irrépressible et
fulgurant désir amoureux.
Heureux cependant — et globalement à juste titre —
le public parisien n’a pas été avare de bravos.
Ceux-ci couvraient facilement quelques huées dispersées
— apparemment à l’encontre du chef. Et pour la
petite histoire, certains spectateurs affirmaient avoir pu lire sur les
lèvres de Chris Merritt, ému aux larmes par son
succès : « I love Paris ! »
Brigitte CORMIER
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