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PARIS
27/09 & 04/10/2006
© Opéra de Paris
Richard STRAUSS (1864-1949)
Salomé
Drame lyrique en un acte (1905)
Livret tiré de la pièce d’Oscar Wilde
dans une traduction allemande de Hedwig Lachmann
En langue allemande
Direction musicale Hartmut Haenchen
Mise en scène Lev Dodin
Assistant à la mise en scène Valery Galendeev
Décors et costumes David Borovsky
Lumières Jean Kalman
Chorégraphie Jourii Vassilkov
Dramaturgie Mikhail Stronine
Salomé : Catherine Naglestad
Herodes : Chris Merritt
Herodias : Jane Henschel
Jochanaan : Evgeny Nikitin
Narraboth :Tomislav Mužek
Page der Herodias: Ulrike Mayer
Erster Jude : Wolfgang Ablinger-Sperrhacke
Zweiter Jude : Eric Huchet
Dritter Jude : Mihajlo Arsenski
Vierter Jude : Andreas Jäggi
Fünfter Jude : Yuri Kissin
Erster Nazarener : Ilya Bannik
Zweiter Nazarener : Paul Gay
Erster Soldat : Friedemann Röhlig
Zweiter Soldat : Scott Wilde
Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Paris, les 27 septembre et 4 octobre 2006
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TROP SAGE SALOME
Dernière production de Richard Strauss de la période
Hugues Gall, la « Salomé » de Lev Dodin
n’était pas particulièrement une
réussite : une production trop sage, sans véritable
cohésion théâtrale, des décors passe-partout
et des costumes hideux, et qui bénéficiait
néanmoins de la présence de Karita Mattila, chanteuse
d’exception, dans une incarnation de Lolita biblique, quelque peu
discutable, mais qui avait
le mérite d’exister. Sa reprise ne dissipe pas nos
réserves, malgré (ou peut-être à cause de)
la présence du metteur en scène pour les
répétitions.
Avec Catherine Naglestad, nous disposons d’une Salomé
à la voix splendide (le bas médium rappellerait presque
celui de Fleming), aux aigus généreux, pratiquement
jamais mise en difficulté par une partition
particulièrement éprouvante (la première partie de
l’ouvrage, un peu trop grave pour le soprano, appelle des
précautions de la fosse pour éviter de noyer la chanteuse
sous les décibels). Malheureusement, ces belles qualités
ne suffisent pas à créer un personnage et cette
Salomé est théâtralement inexistante : la
Danse des Sept Voiles est donnée comme une démonstration
de gymnastique rythmique, le corps nu offert en conclusion
n’appelant pas plus de pensées malsaines qu’un
documentaire norvégien des années 20 sur les bienfaits du
naturisme.
Car c’est bien là que le bas blesse et cette
Salomé a tout d’une brave fille : lui
présente-t-on la tête de Jochanaan qu’elle prend
l’air pincée et faussement détaché de la
grande bourgeoise qui vient de trouver un cheveu dans la soupe. Quant
au baiser final, il n’a pas plus d’entrain qu’un
exercice de secourisme effectué sur ne poupée gonflable.
C’est bien beau de détecter de jeunes talents (et
Catherine Naglestad en est assurément un) mais il ne faut pas
non plus les lancer dans des rôles qui nécessite un
minimum de maturité artistique ou une préparation
adéquate.
Si on s’ennuie ferme pendant la première demi-heure, tout
change quand enfin Hérode parait. Nous avions déjà
dit tout le bien que nous pensions de
Chris Merritt en 2003 mais le crû 2006 est encore
meilleur : la voix est plus lumineuse, sans vibrato marqué
et passant particulièrement bien la fosse. Surtout, le
personnage est encore plus exagéré dans sa
dégradation, c’est celui d’un homme perdu, au sens
propre, comme au sens figuré du terme, cachant sa
déréliction sous le masque d’un matérialisme
libidineux. Du grand art.
Nemorino en fin de saison dernière, Tomislav Mužek est un beau Narraboth, bien chantant mais au volume un peu faible.
Evgeny Nikitin est en revanche un Jochanaan particulièrement
moyen, sans puissance et un peu dépassé par un rôle
dans lequel il ne laissera aucun souvenir.
Jane Henschel n’a certes pas l’aura d’Anja Silja
entendue lors de la précédente édition, mais la
voix est d’une autre fraîcheur et le personnage bien
campé, même s’il parait un peu fade à
côté de celui d’Hérode..
Les petits rôles sont excellemment tenus, à
l’exception du page d’Ulrike Mayer, totalement inaudible.
Sans vouloir faire preuve de chauvinisme excessif, nous ne manquons pas
de mauvais chanteur français pour aller en chercher en
Allemagne !
Dans la fosse, Hartmut Haenchen délivre un travail très
soigné : tous les pupitres sont bien en place et les
détails orchestraux ressortent particulièrement.
C’est ce qu’on appelle aujourd’hui « une
direction analytique » c’est-à-dire ce
qu’on appelait autrefois (quand on était poli et bien
élevé) une direction métronomique. C’est du
dernier chic : il faut dire que, depuis quelque temps à
l’ONP, on peut crier au génie quand les instrumentistes
démarrent en même temps ou se retrouvent au point
d’orgue.
Théâtralement, l’orchestre de Haenchen n’a en
malheureusement pas grand chose à dire : cette
Salomé n’a rien de sensuel, rien de malsain, rien
d’inquiétant ni rien d’érotique. La Danse des
Sept Voiles est un monument d’incompréhension, le chef
impulsant les rythmes (théoriquement) lancinants de valse comme
s’il s’agissait de l’ouvrage d’un autre
Strauss. La disposition actuelle des musiciens enfin (cuivres et
trompettes sur les côtés, à proximité des
murs réfléchissant le son ; cordes au milieu, dans
le vide) n’arrange pas l’écoute.
En conclusion, on songe que, sous une autre baguette, Catherine
Naglestad aurait sans doute su nous ensorceler : le jeune soprano
reste assurément une voix à suivre et trouvera
peut-être le chef ou le metteur en scène qui saura faire
d’elle la grande Salomé dont elle a les moyens vocaux.
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