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STRASBOURG
24/05/2007
Nadja Michael © DR
Richard STRAUSS (1864-1949)
Salomé
Opéra en un acte
Livret d’après Oscar Wilde traduit par Hedwig Lachmann
Salomé : Nadja Michael
Herodias : Anja Silja
Hérode : Chris Merritt
Jochanaan : Alan Titus
Narraboth : Rainer Trost
Un page : Hanne Fischer
Les 5 juifs : Oliver Ringelhahn, Kenneth Roberson, Peter Maus, Kevin Conners, Alfred Kuhn
1° nazaréen/2° soldat : Andreas Hörl
1° soldat : Andreas Kohn
2° nazaréen : Carlos Aguirre
Un cappadocien : Patrick Bollaire
Un esclave : Naïra Ghazaryan
Orchestre Philharmonique de Strasbourg
Direction musicale : Marc Albrecht
Strasbourg
Palais de la musique et des congrès, 24 mai 2007
Version de concert
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Le Philharmonique de Strasbourg redore son blason
Nous avons été ici même souvent fort critique
envers l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg dans ses
prestations dans la fosse de l’Opéra du Rhin, et ce,
à regret. C’est donc avec un immense plaisir que nous
avons retrouvé ce soir une formation splendide, brillant de tous
ses feux.
L’écriture de Richard Strauss – l’un des plus
grands orchestrateurs du XXe siècle – étant
particulièrement rutilante, virtuose et exigeante, la
réussite n’en est que plus remarquable : cuivres
sûrs, bois superbes, cordes rondes, percussions impeccables (dans
lesquelles on comptait un des six membres des fameuses
« Percussions de Strasbourg »), il n’est
pas un pupitre qui ne soit à louer. Les musiciens qui se
surpassent sont visiblement galvanisés par l’enjeu –
la distribution, le concert à Paris qui suivra – et par
leur chef Marc Albrecht qui pourtant semble tout à fait calme et
se montre relativement économe dans sa gestique. Sa lecture
électrique et sonore (peut-être un peu trop parfois pour
les chanteurs) n’en est pas moins d’une belle clarté
et surtout d’une extrême précision. Elle semble
cependant peiner à trouver ses marques jusqu’à la
fin de la scène entre Salomé et Jochanaan mais culmine
dans une exceptionnelle « Danse des 7 voiles »
dont le fini et le modelé instrumental sont absolument
magnifiques.
Les chanteurs sont eux aussi portés par cette lecture volcanique
et offrent des prestations remarquables. On pourra rechigner et
souhaiter parfois un peu plus de finesse et de nuances, la lecture est
en effet très « physique », tant de la
part du chef que des chanteurs, mais leurs personnalités sont
pour la plupart si fortes que l’on est happé par la force
et le magnétisme qui se dégagent de l’ensemble.
Pourtant, la soirée commence mal avec la défection de
Nina Stemme (une information que l’Orchestre attend le dernier
moment pour annoncer, alors qu’elle traînait sur les forums
plusieurs jours auparavant...) qui devait faire ici sa première
Salomé. Rude tâche pour Nadja Michael qui la remplace pour
les représentations strasbourgeoises (c’est Janice Baird
qui prendra le rôle à Paris) et qui offre une admirable et
très prenante incarnation du personnage. La chanteuse, qui
débuta sa carrière comme mezzo, impressionne par des
graves sonores (le sol bémol grave qui clôture son
monologue final est d’une présence incroyable) et par des
aigus très déployés (mais parfois un peu bas
lorsqu’ils sont émis mezzo forte ou piano, ce qui gâche, hélas, certaines phrases par ailleurs magnifiques).
Ce chant très expansif fait songer à celui de Karen
Huffstodt dans la Salomé en français dirigée par
Kent Nagano, mais on est à l’opposé de celui de
Hildegard Behrens ou de Montserrat Caballé qui montraient des
Salomé plus « enfantines » et par
conséquent, plus effrayantes encore. Ici, nous avons à
faire à une femme déterminée et prête
à tout pour assouvir son phantasme et moins à une petite
fille gâtée, si ce n’est pourrie,
déconnectée de la réalité comme le
décrit le superbe texte d’Oscar Wilde. Cette
caractérisation différente est cependant tout à
fait envisageable, surtout si l’implication de la chanteuse
dégage une telle énergie (auto-) destructrice.
Le fait d’avoir comme Herodias Anja Silja est tout à fait
intéressant tant les deux vocalités sont proches :
chant extrêmement puissant et vibrant, qui fait des
étincelles, et rend ce tandem mère-fille crédible.
On aime ou on n’aime pas la Silja d’aujourd’hui, ses
stridences, ses trous dans le medium compensés par des
incarnations saisissantes. Pour notre part, nous sommes absolument
conquis par cette personnalité éblouissante, qui ne peut
laisser indifférent. L’aura que Silja dégage et qui
fait qu’on ne voit qu’elle lorsqu’elle se trouve sur
scène, l’actrice absolument sidérante,
l’intelligence de l’incarnation et du chant nous laissent
totalement coi.
Face à elle, l’Hérode de Chris Merritt, une autre
légende du chant, est tout aussi exceptionnel tant sur le plan
vocal que dramatique. Ne faisant qu’une bouchée d’un
rôle extraordinairement difficile (la partition ferait faire des
cauchemars à n’importe quel ténor), il
stupéfie par son aisance et son incarnation vigoureuse. On
pourra peut-être lui reprocher de recourir assez
fréquemment au sprechgesang
et d’en faire parfois un peu trop, mais là encore, tout
cela participe d’une lecture globale très physique de
l’ouvrage.
Le Jochanaan d’Alan Titus est peut-être ce qu’il y a
de moins enthousiasmant dans la soirée. Nous avons à
faire à un indéniable professionnel, une voix solide mais
un peu usée, une incarnation monolithique qui ne donne pas le
frisson, si ce n’est lorsque la partition vous cloue au fauteuil
(ses dernières paroles avant qu’il ne quitte
Salomé).
Le Narraboth de Rainer Trost est décevant, la voix semble
instable, les aigus peu sûrs et le timbre guère charmeur.
Tous les autres rôles sont par contre remarquablement tenus, des
extraordinaires cinq juifs et du page superbe d’Hanna Fischer
jusqu’au plus court d’entre eux, celui de l’esclave,
que Naïra Ghazaryan marque fortement de son empreinte !
Il y a deux ans, pour son « intronisation »
à Strasbourg, Marc Abrecht, le directeur musical de
l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, dirigeait la symphonie
« Résurrection » de Gustav Mahler. Le
symbole était évident, mais il était alors sans
doute trop tôt pour parler de résurrection, la
« vraie », c’était ce soir.
Pierre-Emmanuel LEPHAY
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