C O N C E R T S
 
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BRUXELLES
14/10/2004

© DR
Récital Andreas SCHOLL

Georg Friedrich HAENDEL

Nel dolce tempo HWV 135a
Lungi da me, pensier tiranno HWV 125a
Cantates pour soprano et basse continue 

Chaconne en sol majeur pour clavecin HWV 435

Dolc'è pur d'amor l'affanno HWV 109b
Cantate pour soprano et basse continue 

Joseph HAYDN

Recollection, canzonetta en fa majeur Hob. XXVIa 26
Despair, canzonetta en mi majeur Hob. XXVIa 28
The Wanderer, canzonetta en sol mineur Hob. XXVIa 32

Wolfgang Amadeus MOZART

Fantaisie pour clavier en ré mineur, KV 397

Ah Spiegarti, oh Dio, KV 178
Abendempfindung an Laura, KV 523
 

Andreas Scholl, contre - ténor
Markus Markl, clavecin et pianoforte

Conservatoire de Bruxelles - 14 octobre 2004



Le public a véritablement pris d'assaut le conservatoire de Bruxelles jeudi dernier : du parterre au poulailler, des fonds de loge jusqu'à la scène où il investissait quelques gradins (position fort exposée lorsque un portable incongru vient à sonner !). Mais pourquoi ai - je eu l'impression, tenace, qu'un demi - siècle après les débuts d'Alfred Deller, cette foule venait encore et avant tout admirer un phénomène vocal ? Peut - être en raison du niveau de l'applaudimètre, sans rapport avec une première partie routinière et décevante.

Il est vrai qu'on s'enivre sans partage de la lumière profuse du timbre, des aigus tour à tour brillants et suaves, de la beauté intrinsèque d'un organe aux ressources dynamiques peu communes chez les contre - ténors. Dommage, toutefois, que les émotions restent surtout esthétiques... Après une incursion dans l'Arcadie méconnue mais assez fade des Gasparini et Marcello, Andreas Scholl retrouve déjà les sentiers battus avec des cantates pour soprano de Haendel, depuis longtemps dépoussiérées et à l'affiche des concerts - du moins nous épargnent - elles certains passages en registre de poitrine abrupts et disgracieux dont l'Allemand était devenu familier. Au risque de me répéter, je reste perplexe devant le décalage criant qui s'opère entre l'extrême mobilité du visage de l'artiste, lequel d'ailleurs ne tient pas en place, s'avance, agite les bras, se retourne ou se met de profil pour interpeller une maîtresse imaginaire, et l'inaltérable angélisme du chant auquel manquent toujours - personnalité du timbre et falsetto obligent - la variété des couleurs et les attaques incisives susceptibles de traduire ses intentions dramatiques. Manifestement tendu, Scholl se racle légèrement la gorge à plusieurs reprises (séquelles d'un refroidissement ?) et semble obnubilé par sa seule performance vocale, irréprochable, mais lisse, à l'instar de ses ornements, éprouvés et impersonnels.

Contre toute attente, le chanteur se montre nettement plus engagé et convaincant dans une seconde partie traversée par le Sturm und Drang - n'était - ce un faux départ chez Mozart, qui nous rappelle que le géant athlétique est heureusement un être aussi vulnérable que vous et moi. Les canzonette de Haydn trouvent chez lui une attention au mot, une vérité et une véhémence des accents confondante. On se surprend à oublier la plastique de l'instrument et à vibrer à l'unisson de la pauvre Anne Hunter (Despair). Le musicien semble enfin se livrer et nous touche droit au coeur dans un Abendempfindung à l'ineffable mélancolie. Accompagnateur officiel de la star depuis douze ans, Markl se révèle un partenaire idéal et l'on songe à la complicité de leurs maîtres respectifs, René Jacobs et Andreas Staïer, qui voici une quinzaine d'années donnaient en récital l'ode à Laure mais aussi An Chloé, réunissant les deux lieder composés le 24 juin 1787 par un Mozart visionnaire.

Markl a deux occasions de s'exprimer en soliste : une chaconne en sol majeur de Haendel, rendez - vous plutôt manqué, et la sublime fantaisie en ré mineur de Mozart, abordée avec une grande finesse et un sens très poétique de la respiration qui visiblement séduit l'auditoire.

Un seul bis, mais de pure félicité : le rondeau de Ruggiero dans Alcina, ce Verdi prati à la tendresse berçante qui voit fleurir un sourire rêveur sur les lèvres de la soprano américaine Mary Elisabeth Williams, finaliste du dernier Concours Musical Reine Elisabeth en compétition quelques mois plus tôt devant un jury où siégeait... Andreas Scholl.
 
 

Bernard SCHREUDERS
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