Il faut
croire que Rome n'a pas un public fidèle et que la capitale de l'Italie
ne dispose pas d'un grand nombre de dilettanti. Le nombre de places
vides est quelque peu inquiétant surtout quand l'oeuvre n'est pas
donnée dix ou douze fois, mais sept. Le même ouvrage donné
l'an dernier en version intégrale à Madrid faisait salle
comble pour un plus grand nombre de représentations. A Rome, certains
spectateurs partent avant la fin du spectacle...
Il faut dire que la soirée ne
passera pas dans les annales. Tout d'abord nous nous attendions à
une exécution intégrale mais certaines coupes se sont abattues
sur la partition. Ainsi le premier air d'Idreno disparaît. Faut-il
s'en réjouir quand on entend la vocalisation laborieuse du ténor
ce soir-là ?
Si Michele Pertusi nous est annoncé
comme le remplaçant de Mirco Palazzi, en revanche, aucune annonce
n'avait été faite concernant Carmen Oprisanu. Or celle-ci
se présente avec une voix à peine audible, sans graves ni
aigus, émettant une série de couacs dans des passages pourtant
peu exposés. Méforme passagère ou imprudence face
au rôle périlleux d'Arsace? Sa Rosine entendue quelques semaines
plus tôt à Vienne nous avait tout de même semblé
convenable à défaut d'être mémorable. Elle chante
donc ce qu'elle peut de son air d'entrée, de son duo et se voit
remplacée au cours de l'acte par Daniela Barcellona. Nous entendons
enfin une voix, prudente dans l'aigu mais avec une bonne assise et des
graves impressionnants (1).
Prudent aussi, mais cette fois-ci dans
la virtuosité, tel se montre Michele Pertusi. Ceci dit, son Assur
est d'une bonne tenue générale et fort applaudi. Andrea Giovannini
en Idreno laisse craindre le pire dès ses premières vocalises.
Il nous fait amèrement regretter Antonino Siragusa, qui alternait
avec lui à Rome et nous avait laissé un bon souvenir à
Madrid, l'an dernier. Son deuxième air n'est pas coupé, lui,
mais il nous indiffère tant il est platement exécuté.
Reste la Semiramide d'Anna Rita Taliento.
La voix possède un timbre accrocheur et les traits sont fluides,
sans être transcendants. Mais il ne faudra pas exiger des aigus brillants
ni des feux d'artifice de cette jeune soprano. L'incarnation est d'autant
plus méritoire que Pizzi la fait rester en scène du début
à la fin. Quand elle ne chante pas, la reine de Babylone s'allonge
(et rêve ?) sur le lit occupant le centre de la scène.
La direction de Gelmetti déçoit,
non seulement pour les coupures, mais aussi quelques tempi, engourdis.
Quitte à choisir, nous préférons une direction fougueuse
et trop rapide à celle qui ralentit trop souvent. Parmi les choeurs,
le pupitre des ténors attaque trop bas les aigus... Aigus dont les
principaux solistes seront avares d'une manière générale.
Terminons avec la nouvelle production
de Pier Luigi Pizzi. Décor unique : entre mausolée et église
baroque, avec le lit de Semiramide au centre. Pas de Semiramide antique
mais un grand prêtre Oroe habillé comme un évêque
de l'époque de Voltaire. Les choeurs entrent et sortent assis sur
des gradins qui glissent de chaque côté de la scène.
Seuls les solistes chantent donc debout. Comme souvent chez Pizzi, le résultat
est esthétiquement réussi, mais un peu ennuyeux. Ceci dit,
cela vaut mieux que le vaisseau spatial de Pesaro revu à Madrid
!
Valéry FLEURQUIN
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(1) Pour la petite histoire, Daniela
Barcellona, dans son deuxième duo avec Semiramide, ornemente vers
le grave au point de descendre jusqu'au... si grave, certes peu timbré,
mais rarement entendu sur scène par une voix de femme.