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VALENCIA
17/10/2006
© Eva Ripoll
Vicente MARTIN Y SOLER (1754-1806)
LA FESTA DEL VILLAGGIO
Opera buffa en deux actes
Livret : à ce jour auteur anonyme
Edition de Leonard J.Weisman
Première exécution depuis le XIX°siècle
Mise en espace, Alexander Hérold
Laura, Amparo Navarro
Clara, Marina Pardo
Inès, Eugenia Pont-Burgoyne
Lope, Emilio Sanchez
Giannotto, Carlos Lopez Galarza
Basilio, Jose Antonio Carril
El Marquès, Tomas Puig
Orchestre Estil Concertant
Directrice artistique, Marisa Esparza
Concertino, Hiro Kurosaki
Chef, Juan Luis Martinez
Version de concert avec mouvements scéniques
Valencia, Palau de la Musica, Sala Iturbi
17 Octobre 2006
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Pour
le bicentenaire de la mort de Vicente Martin y Soler, un congrès
international lui est consacré à Valencia, sa ville
natale. On pouvait espérer qu’à cette occasion les
autorités locales et régionales se donneraient les moyens
nécessaires à une célébration
éclatante. Il n’en est rien, et les palinodies incessantes
qui font croupir dans les limbes le projet d’un festival
dédié aux 19 opéras et aux nombreux ballets de ce
compositeur semblent toujours d’actualité.
On ne peut par conséquent que considérer avec sympathie
les sacrifices consentis par l’équipe qui a permis la
résurrection – même sans les chœurs et les
danses - du dernier opéra connu de Martin y Soler.
Créé en 1798 à Saint-Pétersbourg où
la Grande Catherine avait appelé le musicien dès 1789, il
représente peut-être le meilleur de sa production.
Le musicologue à l’origine de la restitution de la
partition émet l’hypothèse d’une contagion de
l’écriture de Martin y Soler par Mozart. L’on sait
que dans Don Giovanni le livret et la musique évoquent Una Cosa Rara, (livret de Da Ponte) qui avait détourné la faveur du public viennois des Nozze di Figaro.
Non seulement les numéros musicaux présentent une grande
variété, de l’aria au sextuor, mais les airs
s’enrichissent de nuances expressives qui épousent au plus
près le texte même lorsqu’ils observent les formes
traditionnelles.
Du librettiste, on ignore le nom. On peut cependant affirmer qu’il connaissait les livrets de Da Ponte, au moins celui de Cosi :
dans une cavatine le personnage, incertain de la fidélité
de sa bien-aimée, fait appel à ses connaissances, ou
plutôt à celles de l’homme savant de son entourage,
le maître d’école. Celui-ci, « qui a
étudié (et) qui sait l’alphabet par
cœur » lui a cité un auteur qui
dit : « La fidélité en amour est
comme l’arabe perdrix », soit dans le
texte « Come l’araba pernice è in amor
fedeltà », ce qui n’est rien d’autre que
la version rustico-espagnole de « l’araba
fenice » dont parle Don Alfonso : « E
la fede delle femmine come l’araba fenice ». En outre
le texte porte la marque d’un auteur rompu aux sous-entendus
relatifs au domaine érotique destinés à amuser
alors que les héroïnes sont censées être des
rosières dont le marquis seigneur du lieu récompensera la
vertu en célébrant leurs justes noces avec leurs promis
pendant la fête du village.
L’intrigue repose donc sur ces projets de mariage, conçus
par deux hommes qui ont chacun une femme, nièce et sœur,
à échanger. Problème, si Clara, la nièce de
Basilio, est amoureuse de son promis Giannotto, la sœur de ce
dernier, Laura, n’a nulle envie d’épouser Basilio,
car elle est secrètement éprise de Lope, un fringant
militaire, qui le lui rend bien. Comment faire pour échapper
à cette union voulue par Giannotto ? Car Basilio
n’est pas le premier venu, il est le maire du village et le
protégé du marquis. Tout finira pour le mieux, quand
l’aristocrate, imprégné d’idées
modernes, laissera Laura choisir qui elle veut épouser.
Ainsi prend fin la crise qui a vu les préjugés et les
craintes des hommes confrontés aux revendications
féminines. Les caractères des uns et des autres sont
à l’origine des situations d’affrontement –
Giannotto est irascible et jaloux, Clara est franche et
décidée, Lope a la tête près du bonnet
– mais aussi du comique – l’entêtement de
Giannotto, la fatuité de Basilio, sa pleutrerie, la
désinvolture d’Inès, cousine de Despina.
© Eva Ripoll
Privée
des ressources qui auraient permis une représentation
théâtrale « normale »
l’équipe a présenté une version mise en
espace. Alexander Hérold - un descendant du musicien –
tire parti de toutes les possibilités pour varier les
entrées et sorties, latérales sur la scène, par
les côtés de la tribune du fond, frontale au parterre, et
au moyen de deux bancs « de pierre »
disposés de part et d’autre à
l’avant-scène parvient à rendre vivantes les
situations.
Les chanteurs, vêtus en notables campagnards fin XVIII°,
s’engagent à fond dans la partie ; le ténor
Emilio Sanchez, dans le rôle de Lope, le baryton Carlos Lopez
Galarza en Giannotto et la soprano Amparo Navarro qui chante Laura sont
remarquables, favorisés peut-être par les airs qui leur
sont dévolus, mais leurs compagnons ne déméritent
pas. Le mezzo Marina Pardo rend justice aux divers aspects du
personnage de Clara et le baryton José Antonio Carril vient
à bout des passages syllabés convenablement.
L’ensemble Estil Concertant fait penser aux Talens Lyriques de
Christophe Rousset ; à géométrie variable, il
rassemble des instrumentistes dont certains bien connus pour leur
participation à d’autres ensembles qui nous sont plus
familiers, comme Huro Kurosaki, longtemps partenaire de William
Christie. Créé par Marisa Esparza, flûtiste, en
1998, l’ensemble joue sur instruments anciens. Dans le superbe
auditorium Iturbi, où le bois domine, sous la direction
d’un Juan Luis Martinez privilégiant parfois le cantabile
sur la dynamique et les articulations – après une
ouverture un peu anémiée – les musiciens (28 dont
17 cordes) mettent tout leur cœur à servir cette musique
parfois prévisible mais toujours charmante et où brillent
des gemmes comme la cavatine de Clara au premier acte ou le rondo de
Laura au second, ainsi que tout le finale. Les coupures
effectuées dans les récitatifs parfois redondants ne sont
pas sensibles, et donnent peut-être à la
représentation un rythme plus enlevé que ne le serait
celui de l’œuvre originale. Elle est encore à
redécouvrir !
Maurice Salles
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