Force est de constater que les expériences
de théâtre musical sont de moins en moins présentes
dans la programmation de nos théâtres. Ce genre qui devait
succéder et survivre à l'Opéra n'a en effet trouvé
ni sa place, ni ses créateurs, le répertoire, si on peut
dire, ne se cantonnant pratiquement qu'au seul Kurt Weill.
C'est justement un de ses inédits
(il s'agit surtout de la dernière oeuvre de Weill) que l'ensemble
ECUME (Ensemble Choral Universitaire de Montpellier) nous propose de découvrir,
Lost in the Stars, dont le propos annonce avec véhémence
l'installation d'une société raciste en Afrique du Sud.
L'oeuvre est construite autour de quatre
rôles principaux dont un récitant (renvoyant au coryphée
de la tragédie grecque) mais surtout autour d'un choeur important
occupant une place dominante.
La réussite du spectacle est
totale, notons l'implication tant vocale que scénique de tous les
participants. La musique n'est jamais desservie, ni par l'orchestre ni
par les solistes et encore moins par ce choeur; il est important de souligner
que tous les participants sont des amateurs encadrés par des professionnels.
Cette réussite tient en grande
partie à cet encadrement, à commencer par le jeune metteur
en scène Didier Kersten. Il donne vie à cette oeuvre et à
cette masse chorale sans jamais encombrer la scène ni surcharger
le discours d'un sujet déjà grave. Nous retrouvons la maîtrise
des déplacements de foules qu'il nous avait déjà montrée
dans son Vaisseau fantôme à l'Opéra de Massy. Mais
aujourd'hui, il charge seul ce choeur de nous donner les indications de
temps et de décors, dépouillant totalement l'espace et ne
s'appuyant que sur quelques accessoires et surtout sur un travail d'éclairages
splendide. Il obtient un résultat surprenant par son efficacité
et sa beauté plastique, les re-positionnements du choeur étant
accomplis dans un contexte dramatique réfléchi et d'une manière
impeccable.
Les costumes également reprennent
cette vision de simplicité et de cohérence visuelle : chaque
homme est d'abord vêtu d'une simple tunique rouge puis se couvre
d'éléments blancs ou noirs pour nous montrer de quel camp
il retourne (dénonçant par là même l'universalité
des hommes sous la couleur).
Il nous reste en mémoire de
fabuleux tableaux dont la violence colorée répond à
la douleur que nous infligent les propos politiques dénoncés
par l'oeuvre. Un spectacle intense, conçu par des maîtres
d'oeuvre qui savent ce que théâtre et musique signifient et
qui donnent à voir d'une manière magistrale une oeuvre poignante,
à l'heure où d'autres pays connaissent également les
jougs de l'intolérance, de la domination et du racisme.
Loïc Lachenal