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GENEVE
29/03/05
Gaetano DONIZETTI (1797-1848)
MARIA STUARDA
Tragédie lyrique en trois actes
Livret de Giuseppe Bardari
d'après la pièce de
Friedrich Schiller
Nouvelle production
en coproduction avec le Théâtre
de Caen
Joyce Di Donato (Elisabetta),
Gabriele Fontana (Maria Stuarda),
Eric Cutler (Roberto, Conte di Leicester),
Giovanni Furlanetto (Giorgio Talbot),
Mario Giossi (Lord Guglielmo Cecil),
Marion Ammann (Anna Kennedy).
Alain Garichot (mise en scène)
Alain Lagarde (décors)
Claude Masson (costumes)
Stéphanie Daniel (éclairages)
Orchestre de la Suisse Romande
Evelino Pido, direction
Choeur du Grand Théâtre
de Genève
Ching-Lien Wu, cheffe de choeur
Genève, Grand Théâtre
Mardi 29 mars 2005
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La superbe du belcanto retrouvée
Dans une oeuvre où l'action
théâtrale se limite à de grands dialogues qui sont
autant de prétextes à des arias de belle facture, Alain Garichot
assure une direction d'acteurs admirable. Soulignant le détail des
attitudes, des gestes, des regards, son travail dramaturgique auprès
des chanteurs est remarquable. Un minutieux travail de cinéaste
qui aurait mérité d'être vu en gros plans. Et pourtant,
à l'heure du salut, le metteur en scène a été
chahuté par quelques mécontents. Injustice ? Sa responsabilité
de chef de plateau le rend garant du spectacle dans son ensemble et si
sa direction d'acteurs est irréprochable, quel manque de goût
dans "ses décors" (Alain Lagarde), quelle platitude dans "ses éclairages"
(Stéphanie Daniel) et quel dommage que les beaux tissus de "ses
costumes" (Claude Masson) ne se voient qu'au moment du salut final ! Qu'avaient
à faire ces grands panneaux vitrés sans vie sur les côtés
de la scène et pourquoi cette tranchée depuis laquelle des
reines-troncs, comme des speakerines du petit écran, s'expriment
aux pieds de leurs sujets ? Et fallait-il vraiment qu'on ne distingue pas
les protagonistes, noyés qu'ils étaient dans des halos de
lumières sans reliefs ?
Fort heureusement, musicalement le spectacle
émerge de ce qui aurait pu se solder par une production que le public
aurait taxée du sempiternel et incolore qualificatif de "pas mal".
L'énergie avec laquelle la baguette d'Evelino Pido attaque l'ouverture
augure des moments d'intensité démesurée qui trouvent
leur première concrétisation avec l'entrée étourdissante
de la mezzo soprano Joyce Di Donato (Elisabetta). De ses aigus triomphants,
elle lance ses airs avec une autorité qui alerte chacun de la souveraineté
indiscutable de son personnage. Joignant le geste à la voix, un
bras brusquement à demi levé, trois doigts jaillissant d'une
main crispée, elle impose sa royauté. En reine du plateau,
elle scelle le climat. S'approchant de l'amant qu'elle convoite, elle l'embrasse
soudain fougueusement, dans un baiser osé, admirable geste faisant
enfin pénétrer le théâtre, le vrai, dans l'univers
du belcanto si souvent laissé à la seule expression vocale.
Crânement, elle dicte ses désirs d'amour à un Eric
Cutler (Roberto, Conte di Leicester) désemparé. La voix claire,
le phrasé bien modelé, la première impression des
limites vocales du ténor américain s'efface rapidement. Au
fil des airs, il s'avère excellent chanteur même si on aurait
aimé plus de nuances et de couleurs. La profondeur vocale de Giovanni
Furlanetto (Giorgio Talbot) l'amène à camper un affable défenseur
de Maria Stuarda alors que d'une voix volontairement quelque peu ingrate,
le baryton italien Mario Giossi (Lord Guglielmo Cecil) compose parfaitement
l'antipathique ennemi de la Reine Elisabetta. De son côté,
la Suissesse Marion Ammann (Anna Kennedy) s'acquitte bien de sa tâche
de dame de compagnie de Maria Stuarda.
Montserrat Caballé, Joan Sutherland,
Leyla Gencer, Beverly Sills. Devant de telles références
du rôle-titre, que pouvait-on attendre de Gabriele Fontana (Maria
Stuarda) ? Si ces premières notes semblent pâlottes face à
la véhémence de sa rivale, la subtilité de son chant
peu à peu impose l'image de la femme blessée. De la blanche
innocence au rouge sang du sacrifice en passant par le noir du deuil de
son trône, sa voix comme son costume se colore des ambiances qu'elle
traverse. De ses très beaux pianissimi alternant avec la
puissance de ses forte, la soprano allemande suggère d'abord la
compassion qui, dans les moments intenses de sa confrontation avec la reine
d'Ecosse, se métamorphose en élégance royale pour
enfin éclore dans la fureur paroxystique de sa dignité outragée.
C'est tout le talent de cette chanteuse, sobre, efficace, pleine de la
musicalité d'un belcanto épanoui.
Si cette production reste visuellement
moyenne, elle offre par contre le bonheur de retrouver la superbe du belcanto
grâce à l'exceptionnelle tenue vocale des protagonistes, qui
font démentir l'idée de plus en plus répandue que
le belcanto n'existe plus faute de voix. Le Grand-Théâtre
de Genève peut sans problèmes engager cette belle distribution
pour sa prochaine production d'Anna Bolena. Ah ? Ce n'est pas encore
prévu ? Dommage.
Jacques SCHMITT
Prochaines représentations
: les 31 mars 2005 et les 2, 4, 6 et 8 avril 2005
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