De par
son unité d'atmosphère, sa persistance du décor, la
tragédie de Maria Stuarda rencontre et prolonge celle d'Anna
Bolena. Mais cette fois la hache du bourreau devient croix de rédemption,
de libération...
Reconnaissons que la faible structure
dramatique de Stuarda - sans doute la partition la plus originale
de Donizetti - repose sur l'affrontement de deux reines. Comme sur un ring
de boxe, voilà un affrontement de deux cantatrices dont on attend
le meilleur. Deux femmes donc, deux " monstres " qui vont rivaliser pour
nous de fioritures, ornements, aigus, pour la plus grande joie d'un public
connaisseur qui ne demande qu'à compter les coups sous l'oeil complice
et médiateur du chef d'orchestre.
Sur sa lancée, celle d'une
audace éclectique qui lui fait grand honneur, Renée Auphan
a donc choisi d'offrir, pour clore la saison et pour la première
fois dans l'histoire de l'Opéra de Marseille, ce royal crêpage
de chignons.
Rien à dire sur la production
du Théâtre de Bergame. Franceso Esposito reste dans la tradition.
Des décors et costumes de bon goût, point d'effets gratuits.
C'est tant mieux.
Venons en aux protagonistes : à
droite, la détentrice du (rôle) titre : Angela Biancas Gulin
; à gauche, Marie-Ange Todorovitch, challenger.
Au premier round la seconde
n'eut guère de mal à s'imposer et triompher. Elle était
seule en scène. Des si bémols et naturels en pagaille. Il
fallait le faire dans cette fournaise phocéenne. Donner vie théâtralement
à la Reine Vierge reste également un exploit et une prise
de rôle réussie pour cette attachante artiste. On connaît
son tempérament de feu.
Au second round le combat a
vraiment commencé. Les deux dames s'affrontent, on le sait, dans
une joute verbale sans merci, jetant l'une et l'autre tous leurs atouts
dans la balance.
Trois fois hélas pour la sympathique
Angela Biancas Gulin (fille de qui vous savez). La lutte était inégale.
La soprano, en méforme vocale et physique évidente, projette
un timbre ingrat, des notes mal assurées, une voix en piteux état.
Mais le pire était à
venir, après l'entracte.
Précédée d'une
annonce quémandant toute notre indulgence, Angela Biancas Gulin,
dans une salle à la chaleur caniculaire, avec un métier en
béton, relève le gant et monte bravement sur scène...
pour s'évanouir quelques minutes plus tard au grand effroi de ses
partenaires, du chef et de la salle.
Dans l'impossibilité de reprendre
le spectacle, tout le monde rentra donc chez soi. Frustré certainement
de la grandiose scène de la montée au supplice que, de toute
façon, Angela Biancas Gulin aurait été incapable d'assumer
jusqu'au bout.
Que reste-il alors de cette soirée-sauna
lyrique ? Un ténor à oublier au plus vite ou qui nous doit
une revanche, les interventions percutantes de Wojtek Smilek (Cecil) et
Franck Ferrari (Talbot), qui par leur poids musical ne faisaient pas tapisserie,
rendant ainsi justice à deux rôles secondaires, et le bel
arbitrage de Patrick Davin, qui fit sortir de leurs gonds, et l'Orchestre
et les Choeurs de l'Opéra de Marseille.
Une soirée perdue alors ? Pas
tout à fait... Il y avait LA Todorovitch dans toute sa splendeur
vocale et dramatique, deux belles basses, un chef courageux... et rien
que pour cela...
Christian COLOMBEAU