Dans le cadre du Festival Europalia,
la Pologne est à l'honneur cette année. Splendide concert
à Bruxelles, où se produisaient l'Orchestre symphonique national
de la Radio polonaise, le choeur de la Radio polonaise de Cracovie, Elzbieta
Szmytka (soprano), Ewa Marciniek (alto), et Wojciech Drabowicz (baryton),
sous la direction experte d'Antoni Wit. Programme polonais, bien sûr,
avec deux oeuvres fortes, et judicieusement choisies : toutes deux forment
en effet un hommage à la Vierge Marie, très révérée
au pays de Gorecki et de Szymanowski. Du premier, la célèbre
Symphonie n°3 "des chants plaintifs" de 1976, qui connut immédiatement
un succès mondial (300.000 disques vendus !). Son langage est certes
simple et direct, tonalissime, mais il réconcilia une belle frange
de la jeunesse devenue hostile à la musique contemporaine, ce qui
n'est point son moindre mérite. Elzbieta Szmytka y fut admirable,
alliant sa voix de grand soprano lyrique (Roxane, dans Le Roi Roger), à
la pureté enfantine requise par certains des textes choisis par
Gorecki. L'émotion a régné dans son chant d'une absolue
perfection, jusqu'à l'adieu pur et consolateur de la prière
finale, doucement rythmée par le piano et les accords soyeux des
cordes. Impeccable mise en place (non évidente dans le premier mouvement
!) d'un Wit dominateur.
Changement total avec le Stabat Mater
de Szymanowski (1929), chef-d'oeuvre suprême du compositeur. Page
intime (l'introduction est pure musique de chambre et le tutti ne se déchaîne
que deux fois), ce Stabat Mater figure au panthéon de la musique
sacrée du XXe siècle. L'émotion culmine au quatrième
mouvement, pour soprano, alto et choeur a capella, moment d'une inexprimable
beauté, exprimant toute l'essence de l'inspiration extatique de
Szymanowski. Moins "spectaculaire" que la symphonie de Gorecki, il va plus
loin dans l'intériorité par la rigueur serrée de son
propos. Si le baryton fut quelques fois couvert, l'alto remarquable de
Ewa Marciniec fut une belle découverte, et ses duos avec Szmytka
un pur enchantement sonore. Le public ne s'y est pas trompé, et
a réservé une ovation sans fin aux interprètes, après
quelques secondes d'un silence poignant... Public majoritairement jeune
(15-30 ans), ce qui est hautement réjouissant. Une soirée
merveilleuse, donc, et qui démontre à l'envi la vitalité
et la réception de la musique de notre temps !
Bruno Peeters