C'est
un lieu qui n'était pas fait pour des concerts ; une piscine art
déco, pensez donc ! Depuis sa reconversion en musée il y
a quelques années, avec un succès jamais démenti,
cette fameuse piscine est devenu un des lieux de la métropole lilloise
où les concerts sont très prisés aussi bien du public
que des artistes. Il faut dire que l'acoustique y est excellente et que
l'atmosphère complètement décalée avec l'univers
de Monteverdi, par exemple, n'est pas étrangère à
la réussite de ce concert. Ce Combattimento s'est avéré
une petite merveille.
Jean-Claude Malgoire, à
l'apogée d'une sacrée carrière, semble respirer avec
Claudio en toute simplicité. On sent dans son approche stylistique
une évidente familiarité qui le fait dialoguer avec le public.
Il a ainsi conçu un programme tout à fait convaincant autour
du Combattimento, si court il est vrai, et nous a proposé
en préambule des pièces instrumentales contemporaines de
Monteverdi - Uccellini, Kapsberger, Ortiz et Castello - chaque pièce
ayant été choisie pour présenter les instruments qu'affectionnait
Monteverdi (théorbe, violon et viole de gambe dont il jouait lui-même)
et les faire entendre en solo. Une mention toute particulière au
théorbiste/guitariste Ronaldo Lopes pour l'éloquence et la
finesse de son jeu et à la continuiste Violaine Cochard, toujours
très à l'écoute de ses partenaires.
Faire entendre au cours de
ce concert le lamento d'Ariana était aussi une bonne idée
et nous a fait comme toujours regretter que cet opéra de Monteverdi
- peut-être son plus beau ? - soit aujourd'hui perdu. Hjördis
Thébault a su ce soir-là traduire avec beaucoup d'émotion
et d'expressivité retenue l'amour et la désolation d'Ariane.
Quant au Combattimento,
extrait du VIIIème livre de madrigaux créé à
Venise en 1624, ce fut un moment de pur bonheur jubilatoire. En guise d'introduction,
Jean-Claude Malgoire se livra à une brève analyse musicale
de la pièce, exemples musicaux à l'appui. L'exercice aurait
pu rappeler le bon vieux temps des JMF à ceux qui l'ont connu, mais
il s'est finalement révélé tout à fait passionnant.
Cet opéra miniature fut magnifiquement servi par les trois protagonistes,
mais le nom à retenir est celui de Kobie Van Rensburg, qui fit merveille
dans le rôle du récitant. Tout au long de ce long récitatif
qui nous conte l'histoire de Tancrède et Clorinde, le ténor
a su tenir en haleine le public, au demeurant séduit par la beauté
et la souplesse de sa voix. Monteverdi aurait sûrement applaudi à
cette vision sensible et maîtrisée de son chef-d'oeuvre qui
n'exclut pas la fragilité, mais sans jamais en trahir l'esprit.