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BERN
11/10/2003
Ensemble, & Ursula Fueri-Bernhard
& Hans-Peter Koenig
© Stadttheaterbern
Richard WAGNER
Tannhaüser
Direction musicale : Miguel Gomez-Martinez
Mise en scène : Eike Grams
Décors : Eberhard Matthies
Costumes : Renate Schmitzer
Hans-Peter König (Landgraf Hermann)
Albert Bonnema (Tannhäuser)
Detlef Roth (Wolfram von Eschenbach)
Andreas Hermann (Walther von der Vogelweide)
Klaus Wallprecht (Biterolf)
Jan-Martin Mächler (Heinrich
der Schreiber)
Richard Ackermann (Reinmar von Zweter)
Ursula Füri-Bernhard (Elisabeth)
Katja Lytting (Venus)
Simon Arnold (un pâtre)
Solistes du Luzerner Kantorei Chor
Choeur auxiliaire du Choeur du Stadttheater
de Berne
Luzerner Knabenkantorei
Berner Symphonie-Orchester
Choeur du Luzerner Kantorei,
choeur auxiliaire du Stadttheater
de Berne
et choeur d'enfants du Luzerner Knabenkantorei
sous la direction de Lech-Rudolf Gorywoda
Représentation du 11 octobre
2003
Prochaines représentations
les 19 et 26 octobre,
7, 13 et 26 décembre 2003
et 10 janvier 2004
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Ce sont les premiers accords de l'ouverture
d'un opéra qui scellent bien souvent le climat d'une soirée.
Ainsi, au lieu du lyrisme attendu, une certaine pâleur sonore a tôt
fait de montrer les limites du Berner Symphonie-Orchester devant
une partition qui semble excéder ses moyens techniques. L'étoffe
orchestrale de Tannhaüser touche au divin. Wagner l'a voulue
ainsi. Pleine, façonnée dans une pâte harmonique riche,
on attend sa rondeur éthérée, ses éclatements
harmoniques précédant ses replis intimes. L'ensemble bernois,
si souvent enthousiasmant, n'arrive pourtant pas à nuancer ses effets,
le chef espagnol Miguel Gomez-Martinez ne l'aidant guère
à traduire le romantisme du drame wagnérien. Du grand tapis
harmonique, il ne reste que des images décousues faites de touches
musicales sans grande signification. Des cordes souvent trop faibles abandonnent
le discours à des cuivres trop bruyants. Alors qu'on attend de l'orchestre
une certaine prise de pouvoir sur l'intrigue, il se borne à l'accompagnement
de chanteurs plus souvent en récital qu'au théâtre.
Parfois retrouvé, il s'offre pourtant des moments de pure poésie
comme dans ce magnifique choeur des pèlerins ou cette admirable
romance de Wolfram ("Ô douce étoile").
Detlef Roth et Albert Bonnema
© Stadttheaterbern
Si elle ne peut être comparée
à celles affichées par les plus grandes scènes lyriques,
la distribution bernoise se révèle d'un bon niveau. Les voix
sont belles, bien travaillées même, on si aimerait parfois
que les artistes s'impliquent davantage. Dans le rôle-titre, Albert
Bonnema (Tannhäuser) reste toutefois d'une rudesse extrême
qui s'apaisera au fil des actes. Dans la troupe du Stadttheater de Berne
jusqu'en 1995, le chanteur s'affirme depuis dans les rôles de "heldentenor".
Strauss, Wagner, Berg, Weill le forment au rôle qu'il aborde
pour la première fois sur la scène bernoise. Souvent tendus,
ses aigus pincés l'empêchent d'amadouer son personnage et
de lui donner les quelques douceurs espérées lors de sa première
rencontre avec Elizabeth. Autre ex-compagnon de la troupe, la basse Hans-Peter
König (Landgraf Hermann) possède un splendide instrument
dont il use avec sincérité et musicalité. A ses côtés,
le velours du baryton Detlef Roth (Wolfram von Eschenbach) fait
vivre le bonheur. Favorisé par deux des plus belles pages de l'opéra,
ses romances envahissent l'espace et se déversent sur un orchestre
tout à coup métamorphosé. A noter l'excellence du
ténor Andreas Hermann (Walther von der Vogelweide), nouvelle
recrue du Stadttheater, dont la superbe voix mozartienne convient magnifiquement
à ce rôle. Côté féminin, si la mezzo suédoise
Katja Lytting (Venus) est une belle enjoleuse, la palme revient
à la soprano bernoise Ursula Füri-Bernhard (Elisabeth).
Fidèle depuis huit ans à la scène de sa ville, ses
qualités vocales n'ont cessé de progresser. Ici, elle affirme
sa puissance et sa maîtrise. Pas un voile, pas une inexactitude,
pas la moindre hésitation ne vient troubler une voix conduite avec
intelligence et lyrisme. Devant la vaillance et l'éclat du chant,
on en oublie la médiocrité de l'actrice.
Aujourd'hui, on ne raconte plus Tannhaüser,
on le psychanalyse. Si cela ne pose aucun problème au spectateur
germanique, tant cette légende est ancrée dans la culture
nationale, il n'en est pas de même pour le profane francophone. Ainsi
la mise en scène d'Eike Grams, appréciée du
public local, déconcerte le béotien (que je suis). Au risque
de paraître ignare, il lui faudra attendre le dernier acte pour saisir
les choix scéniques, qui s'attachent à montrer l'enfermement
intellectuel du héros. Dans le grand cube de miroirs aux couleurs
changeantes, seul Tannhaüser semble avoir conscience de ce monde clos,
les autres protagonistes se mouvant sans appréhension du décor.
Les rouges pour Venusberg, noirs lors de la disparition d'Elizabeth ou
blancs pour le retour de Tannhaüser, éclairent le poème
wagnérien avec force. Cependant, la caractérisation du héros
tout au long de son épopée laisse perplexe. Apparaissant
comme un personnage imbu de lui-même, un" spécialiste" de
l'amour, son ambiguïté ne convainc pas. Si Eike Gramss nous
a habitué à des mises en scène et à des lectures
plus abouties, il faut louer le courage de ce directeur qui ose présenter
des productions de grands opéras, malgré l'exiguïté
de la scène bernoise.
Jacques Schmitt
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