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VERSAILLES
22/09/06
Olivier Schneebeli © Nicole Bergé
Te Deum : Hymne royale
Claude Lejeune (ca.1530-1600)
Eustache Du Caurroy (1549-1609)
Guillaume Bouzignac (1587-1643)
Marc-Antoine Charpentier (1643-1704)
Bruno Le Levreur, bas-dessus
Robert Getchell, haute-contre
Jean-François Novelli, taille
Edwin Crossley-Mercer, basse-taille
Les Pages, les Chantres & les Symphonistes
du Centre de Musique Baroque de Versailles
Direction : Olivier Schneebeli
Samedi 23 Septembre
en la Cathédrale Saint-Louis de Versailles.
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De bien joli(e)s pages
Après avoir malencontreusement confondu l’église
Notre-Dame et la Cathédrale Saint-Louis de Versailles (pourquoi
ne pas avoir conservé le cadre somptueux de la Chapelle royale
du Château avec son admirable voûte de Coypel ?), nous
sommes finalement arrivés dans la blanche nef de ce grand
vaisseau de pierre inauguré en août 1754, trempés
par une soudaine averse qui nous punissait de notre errance coupable.
Nos frissons se partagèrent donc entre un rhume naissant et une
émotion esthétique sincère. Loin des idées
reçues du Te Deum conçu
comme une grosse machine de propagande politique marquant les
évènements glorieux du règne de Louis XIV et de
ses successeurs, Olivier Schneebeli a choisi de se concentrer sur des
pièces moins ostentatoires de la première moitié
du XVIIème siècle, et sur un
« petit » Te Deum à 4 voix de Charpentier (non, non, pas celui de l’Eurovision).
Le Te Deum de Claude Lejeune,
sur un texte en vieux françois d’Agrippa
d’Aubigné révèle une écriture encore
teintée de Renaissance. Le chœur homogène et
aéré - avec ses Pages habillés en joli pourpoint
Louis XIII noir à crevés rouges - se marie parfaitement
aux sonorités des sacqueboutes et cornets qui
l’accompagnent avec allant et fraîcheur. En revanche, la
version de Du Caurroy est aussi belle qu’austère. Ecrit en
style alterné (avec du plain-chant), ce Te Deum
semble obéir aux canons de clarté et
d’intelligibilité du Concile de Trente. Le chœur,
cette fois-ci ample et évocateur, charme par les aigus limpides
des Chantres, mais cette polyphonie simple manque singulièrement
de pompe et n’illustre pas assez la variété du
texte. Guillaume Bouzignac vient heureusement sauver la situation avec
quelques courts motets : un Jubilate Deo bondissant (malgré les aigus fatigués et pincés du bas-dessus) et un magnifique In pace in idipsum joué avec un tempo solennel et enveloppant, où le chœur a dénoté une très belle vocalité.
Si le Te Deum H 148 (1699) de
Charpentier ne bénéficie pas de la renommée et des
moyens de celui de 1692 qui célébrait la victoire de
Steinkerke, le compositeur offre une composition fine, sensible et
d’une grande ferveur. Les interventions solistes de Robert
Getchell ont été étonnantes de noblesse et de
justesse, et l’on saluera encore une fois le travail de
l’un des meilleurs hautes contres du moment, hélas trop
peu connu du grand public. Toutefois, le chœur des solistes a
paru un peu en retrait, et un continuo un peu plus fourni
n’aurait pas été déplaisant, le seul luth ou
théorbe restant quasi-inaudible. Le concert s’est conclu
par un Ego Gaudebo de Bouzignac à dire vrai assez quelconque, suivi par son Te Deum
qui n’a pu éclipser le souvenir encore résonnant de
celui de Charpentier, à la fois plus ciselé et plus
attrayant. Inverser l’ordre des morceaux en plaçant
Bouzignac plus tôt aurait été plus judicieux.
En bref, on retiendra de ce concert deux moments mémorables : le motet In pace in idipsum de Bouzignac et le Te Deum
de Charpentier où les Pages et les Chantres se sont
montrés tout à fait dignes de leur réputation de
précision et d’excellence.
Viet-Linh NGUYEN
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