Une Tosca
de plus. Le mélomane blasé qui a vu et revu des Tosca exige
soit une production innovante, bien jouée, soit une distribution
qui sort de l'ordinaire, ou du moins une soprano, un ténor et/ou
un baryton de haut niveau, à défaut de réunir trois
solistes d'exception.
Le vétéran Nello Santi
dirige Tosca sans partition, comme à l'accoutumée.
Le petit reproche qu'on peut lui faire est d'adopter parfois des tempi
alanguis, mais les chanteurs qu'il suit dans leurs moindres respirations
ne s'en plaindront pas. Pour le reste, sa direction est dramatique et l'équilibre
fosse-scène globalement respecté.
La mise en scène traditionnelle
de Gilbert Deflo remonte à 2000 et assure à l'intrigue une
lisibilité sans surprise. Le tandem Frigerio/Squarciapino illustre
une Tosca 1800 de bon goût. Seul détail au dénouement,
Tosca ne se jette pas dans le vide mais se poignarde. D'une manière
générale, le jeu des artistes est assez conventionnel, parfois
même figé. Mais le mélodrame a ses conventions, il
est vrai. L'affrontement Tosca/Scarpia puis le meurtre du baron semblent
se jouer de la même manière dans un grand nombre de théâtres.
C'est donc vers l'aspect vocal que
se tourne notre curiosité. Les seconds rôles sont bien tenus,
avec une mention particulière pour le Cesare Angelotti de Peter
Kálmán. Pour le trio des solistes, commençons par
le méchant, le Scarpia de Renato Bruson. Dire que la voix d'un homme
à la carrière aussi longue a perdu en harmoniques, que le
timbre est parfois rêche et le vibrato bien présent
n'a rien d'une révélation. On peut regretter la voix d'il
y a vingt-cinq ans, ou tout aussi bien admirer la capacité qu'a
conservé cet artiste d'offrir un Scarpia crédible vocalement.
Un Scarpia qui impressionne encore, malgré ses limites.
Le timbre de Vincenzo La Scola est
certes plus jeune mais l'aigu, plutôt pâle, manque de brillant.
Son interprétation demeure correcte, mais ne transporte pas. Ses
deux grands airs ne sont pas indignes mais sentent l'effort.
Lorsque la dernière intégrale
de Tosca est sortie chez Decca, certains critiques ont signalé
que Fiorenza Cedolins était une Tosca de studio, favorisée
par les ingénieurs du son. On doit reconnaître que la voix
n'est pas volumineuse. La soprano est prudente dans le grave qu'elle évite
de poitriner de manière systématique. Ses aigus n'ont pas
un rayonnement exceptionnel, mais dans un théâtre de la taille
de l'Opernhaus, ils sont suffisants. Et ma foi, il faut aussi des Tosca
pour les théâtres moyens; il n'y a rien de déshonorant
à cela. Pour le reste, son chant est très musical et son
"Vissi d'arte" phrasé dans les règles du beau chant, servie
par un timbre agréable.
Au final, pas une Tosca exceptionnelle,
mais un cru satisfaisant que le public applaudit généreusement.
Valéry FLEURQUIN