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ROUEN
18/01/04

(Mireille Delunsch)
Giuseppe VERDI

LA TRAVIATA 

Opéra en trois actes sur un livret de Francesco Maria Piave
d'après La Dame aux Camélias d'A. Dumas

Production 2003 du festival d'Aix-en-Provence
Coproduction Staatsoper Unter den Linden (Berlin)

Direction musicale : Oswald Sallaberger
Mise en scène : Peter Mussbach
Décors : Erich Wonder
Costumes : Abdrea Schmidt-Futterer
Lumières : Franz-Peter David
Images vidéo : Anna Henkel-Donnersmark, Stefan Runge

Choeur de l'Opéra de Rouen / Accentus
Chef de choeur : Laurence Equilbey / David Bargier
Orchestre de l'Opéra de Rouen- Leonard De Vinci

Violetta Valery : Mireille Delunsch
Flora Bervoix : Damiana Pinti
Annina : Geneviève Kaemmerlen
Alfredo Germont : Valeriy Serkin
Giorgio Germont : Angelo Veccia
Gestone de Letorières : Enrico Marabelli
Marchese d'Obigny : Jozsef Dene
Dotter Greenvil : Janne Sundqvist
Giuseppe : Jean-Vital Petit

Rouen, théâtre des Arts :
Janvier 2004 : 13, 16, 18 * (16h), 20, 23, 25 (16h)

En tournée au Grand théâtre de la Ville du Luxembourg :
31 mars, 2, 4 (15h), 6 avril 2004

Lire également la critique de Sophie ROUGHOL
pour la la production au Luxembourg



Dès le lever du rideau on sent que cette Traviata ne sera pas traditionnelle. Outre le principe du retour en arrière déjà utilisé dans le film de Zeffirelli, Peter Mussbach nous met immédiatement dans l'ambiance.
Durant le prélude, sur la scène plongée dans le noir (comme trop souvent maintenant), s'avance très lentement une silhouette dans une robe longue blanche et vaporeuse qui s'éclaire de plus en plus pour laisser apparaître la blonde Violetta, au physique de Marylin Monroe. Elle marche, entre des bandes phosphorescentes sur l'asphalte, vers sa mort inexorable et s'écroule sur le devant de la scène, près du public. Les décors sont inexistants et figurés seulement pas des rideaux servant d'écran aux jeux de lumière, à la projection d'images vidéo, omniprésentes, des virages et des piliers de ce souterrain routier où mourut Lady Diana, princesse triste adulée, tout aussi blonde et tout aussi glamour. Les spectateurs assistent, impuissants, au déroulement de l'action, assis dans une voiture un soir de pluie, derrière un pare-brise balayé par un immense essuie-glace qui rythme, telle l'aiguille d'une horloge, les changements de tableaux.

(Mireille Delunsch)
© Elisabeth Carecchio

L'atmosphère est d'emblée et définitivement installée : tout est et restera triste, noir, inéluctable, sans aucune lueur d'espoir ni de joie. Le Brindisi est une succession de sons lugubres qui donnent le frisson. La scène de la salle de jeux est faite de convives en habits, robes, complets, masques noirs déambulant les uns derrière les autres, de part et d'autre du plateau, gommant toute notion de fête... Le public sait que Violetta (qui, physiquement, restera constamment présente sur scène) va mourir d'un mal inguérissable. Elle ne cesse de chanceler, de s'écrouler et se relever parfois pour mieux retomber. Elle ne lutte pas, elle laisse les évènements aller bon gré mal gré. On ne perçoit aucun abandon amoureux dans les duos, car les protagonistes sont face à la salle, l'un derrière l'autre, et se regardent à peine.
Le seul échange de chaleur humaine se produit dans la scène avec Germont père. Elle rencontre pour la première fois un homme qui lui parle des principes de la société et qui incarne une stabilité inconnue pour elle, une sagesse devant laquelle elle consent à plier et à se sacrifier. Chez lui, cela ne va pas sans tiraillements : à son tour, il apprend d'elle la noblesse de coeur. Cet homme est devant Violetta comme il serait devant une sainte : il y a chez elle cette exaltation des grandes mystiques, cette connaissance de l'au-delà de l'amour devant lequel il met genou à terre.


© Elisabeth Carecchio

Ce climat de solitude est encore exacerbé dans l'acte de la mort où Violetta, assise par terre face au public, offre les impressions de la dernière trajectoire d'une femme fataliste, sinon désireuse de quitter cette terre où tout n'a été que tristesse, abandon, douleur. Elle agonise seule pendant que Germont père et fils, Annina, le docteur qui devraient l'entourer, l'accompagner, en fait, lui tournent le dos et sortent de scène en semblant s'en désintéresser totalement. Elle se relève pour pousser un dernier cri et le plateau redevient totalement noir, ne laissant briller que Mireille/Marylin/Diana dans sa robe immaculée. L'émotion est là et comme avait dit Beethoven venue du coeur, puisse-t-elle y retourner !".

Grâce à son immense talent de tragédienne, Mireille Delunsch a, de toute façon, donné une grandeur immatérielle à Violetta et a su parfaitement traduire la conception de Peter Mussbach en communiquant la poignante désespérance de l'héroïne. Annoncée souffrante au début du spectacle, il est donc difficile de témoigner en détail de sa voix . Il semble, néanmoins, que pour ce rôle aussi tendu et diversifié que l'a voulu Verdi, ses aigus soient un peu courts, sa voix un peu mince, alors que son médium laisse trop apparaître certaines fêlures, peut-être occasionnelles... A suivre.


© Elisabeth Carecchio

En Alfredo, Valeriy Serkin n'a pas été à la hauteur : voix mal timbrée, sans puissance, parfois à la dérive et gestuelle très en retrait. Bref ce n'est pas du tout son emploi. Par contre, Angelo Veccia a séduit en Germont-père. Il a une réelle projection de baryton verdien, sa voix est pleine, ronde et colorée et il semble concerné par son rôle. Une mention spéciale pour Geneviève Kaermmelen (Annina) et Janne Sundqvist (Dr .Grenvil). Cet ouvrage est aussi défendu par le choeur Accentus emmené par sa chef attitrée, Laurence Equilbey. L'orchestre (sous la baguette de Oswald Sallaberger), plus effacé tant la mise en scène est puissante, a accompagné, soutenu sans outrance et enveloppé les chanteurs, mais sans grand éclat.

Certes, La Traviata figure parmi les opéras les plus connus et les plus interprétés, il faut savoir la dépoussiérer sans excès ni complaisance et cette production ne peut en aucun cas laisser indifférent, mais n'est-ce pas aussi réduire et même trahir la conception du compositeur que de peindre cette "traviata" sous les seuls traits d'une "disperata" ? au risque de désespérer aussi un peu le spectateur !...
 

E.G. SOUQUET
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