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22/10/03
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Il Trovatore Opéra en 4 actes
Leonora : Ines Salazar
Orchestre et Choeurs de l'Opéra
de Marseille
Opéra de Marseille, 22 octobre 2003
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C'est depuis toujours une tradition à l'Opéra de Marseille, l'ouverture de saison est italienne ! Renée Auphan a donc décidé de ne pas contrarier le public dans ses habitudes et a programmé cette année Il Trovatore. On sait quel casse-tête représente la mise en scène de cet ouvrage : la direction a choisi de prendre un minimum de risques en faisant appel à Charles Roubaud qui, la saison dernière, avait signé la plus grande réussite de la maison avec Elektra. Fidèle à son style, il signe une mise en scène sobre et très efficace sur le plan visuel, s'appuyant sur des décors très réussis, une Espagne classique telle qu'on pouvait la rêver du temps de Verdi, et sur des costumes somptueux, mais sans vraie originalité. Un tel parti pris de "bon" classicisme est en soi tout à fait estimable - et cela fonctionnait parfaitement dans Ariadne auf Naxos ou Elektra - à cela près que dans le cas d' Il Trovatore, il ne résout en rien les problèmes dramaturgiques que pose l'oeuvre. Le spectacle affiche alors les habituelles longueurs et maladresses sans qu'aucun effort ne soit fait pour les atténuer : la méprise de Leonora au deuxième tableau, l'affrontement entre Manrico et Luna, la tentative d'enlèvement et l'apparition de Manrico devant l'église, le sacrifice de Leonora et son suicide, tous ces évènements, tragiques, sont ici tellement conventionnels que le spectateur n'est jamais saisi. Plus réussis, le récit d'Azucena, la reconnaissance de celle-ci par Ferrando au troisième tableau, et l'exécution de Manrico, encore que cette dernière, apparaissant en ombre chinoise, nous est montrée sous la forme d'une décapitation, ce qui nous prive de la vengeance par le feu qui couronnait logiquement l'obsession d'Azucena. Plus grave en revanche, la direction d'acteurs est quasiment inexistante, et les chanteurs nous présentent alors un catalogue de tics et de gestes stéréotypés qui ajoutent à la lourdeur du spectacle. En vrac, une soprano qui se tient le ventre avant chaque aigu, un baryton qui tape du pied dès qu'il veut être "expressif", un Ruiz qui bat la mesure... autant de détails bien excusables chez les chanteurs, mais qui auraient dû être corrigés par le metteur en scène. Sur le plan musical, cette soirée réservait de bonnes surprises, à commencer par la présence au pupitre d' Evelino Pido. Sa direction, à la fois vive et très précise, emporte l'Orchestre de l'Opéra de Marseille dans des élans tantôt festifs, tantôt passionnés, avec une richesse de son et de couleurs à laquelle cet orchestre ne nous avait pas habitué. Les chanteurs n'y répondent pas tous avec le même bonheur. Le Ferrando de Carlo Cigni sait créer une atmosphère envoûtante pour son récit, mais il est un peu trop à court de graves. Robert Hyman, bien qu'annoncé souffrant, donne un Luna très convaincant, vocalement comme scéniquement, toujours musicien, qualité trop rare dans ce rôle ingrat ! Acclamée lors des saluts, l'Azucena de Mzia Nioradze est effectivement la plus belle incarnation de la soirée : elle sait donner à sa voix puissante des accents sauvages et aussitôt après faire preuve d'une tendresse à l'égard de son fils véritablement touchante. Cette Azucena n'est ni hystérique, ni vieille radoteuse, ni simplement folle, comme trop souvent, elle est seulement humaine, détruite par ses blessures qu'elle raconte comme pour la première fois. A coté d'une telle aura, la Leonora d' Inès Salazar fait pâle figure. La voix est belle et le rôle semble à sa portée, mais l'instrument parait vraiment fatigué. Si les vocalises sont nettes, c'est la ligne qui a disparu et aussi bien Tacea la notte placida que D'amor sull'ali rose ressemblent à des champs de ruines : registres déconnectés, toutes les notes attaquées par en dessous, voyelles systématiquement assombries, consonnes absentes, lignes hachées... Alors, grosse fatigue ou mauvaises habitudes ? Car les vocalises et les cabalettes étaient, elles, brillantes et exemptes de ces défauts ? Vladimir Galouzine a ses admirateurs, je n'en suis pas. Si la voix est indéniablement exceptionnelle (véritable barytenor !), elle parait toujours au bord de la rupture, ce qui confère au personnage un aspect geignard qui sied mal à l'héroïque Manrico. De plus, l'émission, parfois vraiment engorgée, donne une couleur trop peu italienne, et ce trouvère "exotique" est finalement hors style. Je veux également citer l'excellente Inès de Nicole Fournié, et Thomas Macleay, Ruiz à l'émission franche et efficace. Enfin, si l'orchestre montre des progrès remarquables, ce n'est pas le cas des choeurs, toujours aussi peu homogènes et qui nous ont gratifié d'attaques hasardeuses par trop nombreuses, et étaient systématiquement pris en défaut dans les passages a capella, si périlleux. Alors les quatre (voire cinq !) meilleurs
chanteurs du monde ? Cela reste, après tout, très subjectif,
et les applaudissements chaleureux du public marseillais montrent, à
mon sens, que le chef a su emmener ce quatuor discutable vers la réussite.
Thomas Henrard
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