AU
ROYAUME DE L'ECLECTISME...
Il y avait foule en ce dimanche après-midi
à Carnegie Hall, dans l'auditorium Isaac Stern, lieu mythique s'il
en est, salle gigantesque à l'acoustique fabuleuse, qui a vu se
produire les plus grands artistes et où l'on croise Marylin Horne
dans l'ascenseur....
Ce concert au programme fort éclectique,
accordant une place non négligeable au répertoire du XXème
siècle était aussi l'occasion, après l'avoir entendu
sonner superbement la veille dans Pelléas, de découvrir
dans un autre genre d'exercice le formidable orchestre du Met, toujours
dirigé par son mentor, James Levine, très apprécié
ici dans son fief new-yorkais, et surtout de réentendre José
van Dam, qui, au départ, pourtant, n'était pas prévu
parmi les festivités.
Une série d'annulations avait
en effet fait "boule de neige", si l'on peut dire, car une semaine auparavant,
le dimanche 23 janvier, alors que la tempête de neige faisait rage
sur New York, Anne-Sofie von Otter, présente pour les répétitions
de Pelléas (la première avait lieu le samedi suivant)
avait déjà remplacé Lorraine Hunt, souffrante, dans
Le
Chant de la Terre. Mais voilà que peu de temps après,
survint une nouvelle annulation, celle de Thomas Quasthoff, prévu
le 30 janvier, et qu'on pensa le remplacer également par Anne-Sofie
von Otter dans Shéhérazade de Ravel. En fin de compte,
deux remplacements à une semaine d'intervalle, cela fait un peu
beaucoup pour une même artiste, et c'est finalement à José
Van Dam qu'on demanda d'assurer la partie vocale de cette matinée.
Ce formidable chanteur, entendu la
veille dans un Golaud d'anthologie, n'a décidément rien perdu
de sa verve. Visiblement en pleine forme, avec le style, l'intelligence,
la présence, l'implication dramatique et la générosité
qu'on lui connaît, il fait une magistrale démonstration de
son grand art, aussi bien dans l'air de concert de Mozart, compositeur
dont il est un immense interprète, que dans les oeuvres de Mendelssohn
et Mahler : ses trois Rückert Lieder sont profonds et émouvants
et son air d'Elias d'une grande noblesse. Il est ovationné
par le public new-yorkais qui, d'ailleurs, lui voue une véritable
dévotion.
Quant à l'orchestre, après
une rutilante ouverture du Freischütz où il brille de
mille feux (en particulier les cordes, vraiment somptueuses), il s'avère
intéressant de l'entendre dans un effectif nettement plus réduit,
quasiment chambriste, la partition de la Symphonie opus 21 de Webern
prévoyant
deux clarinettes, deux cors, une harpe et un quatuor à cordes. Cette
prestation confirme, si cela était nécessaire, l'immense
talent et la qualité de ses instrumentistes, rompus à tous
les styles. Il en va de même pour le Grand Bamboula donné
en présence du compositeur américain Charles Wuorinen, courte
pièce d'une durée de six minutes composée en 1971
pour orchestre à cordes, très rythmique et contrastée,
où l'on entend les influences croisées de Schoenberg, Stravinsky
et Eliot Carter.
Mais c'est sans aucun doute la célèbre
Symphonie
n° 8 de Dvoràk qui met en relief de manière la plus
éclatante la splendeur opulente, quasiment voluptueuse - avec une
légère tendance à en faire "un peu trop" dans le dernier
mouvement, un rien clinquant - de l'illustre formation, de nouveau au grand
complet.
Il n'empêche qu'il reste bien
agréable d'assister à ce concert au programme riche et varié.
Dans cette salle pleine à craquer, le public est lui aussi très
mélangé et de tous les âges, avec pour dénominateur
commun une attention très palpable et un enthousiasme débordant.
En conclusion, une ambiance chaleureuse
et bon enfant qui n'est pas sans rappeler celle des "Prom's" de Londres.
Juliette BUCH