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Lyon
19/12/2006
© DR
Franz LEHAR (1870-1948)
LA VEUVE JOYEUSE
(version française)
Missia Palmieri, Véronique Gens
Prince Danilo, Ivan Ludlow
Baron Popoff, François Le Roux
Nadia / Manon, Magali Léger
Camille de Coutanson, Gordon Gietz
Figg, Robert Horn
D’Estillac, David Lefort
Lérida, Alexandre Guerrero
Kromski, Jean-Philippe Marlière
Olga Kromska / Une grisette, Claire Delgado-Boge
Bogdanovitch, Leandro Lopez-Garcia
Sylviane Bogdanovitch, Renate Arends
Pritschitch, Marcin Habela
Praskovia, Nicole Monestier
Gaetano, Gaetano Lucido
Hervé, Hervé Lassïnce
Les grisettes, Artistes des Chœurs
Chœurs et Orchestre de l’Opéra de Lyon
Gérard Korsten
Mise en scène, Macha Makeïeff
Chorégraphie, Thomas Stache
Lumière, Dominique Bruguière
Opéra de Lyon, le 19 décembre 2006
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Champagne de supermarché
Note à l’intention des spectateurs de l’opéra
de Lyon qui avoisinaient la place R 22 hier soir. Note en
général aux spectateurs qui raclent et toussent ;
éternuent et crachent ; gloussent et pouffent ;
déplient des bonbons et se font expliquer ce qu’ils
n’entendent ou ne comprennent pas ; qui discutent,
dialoguent etc…
Ras le bol ! Taisez-vous ! Oh ! Evidemment une salle
d’opéra n’est ni une chambre stérile, ni un
milieu aseptisé. Puisque l’on vit sur scène je
comprends bien l’impératif catégorique de vivre
aussi dans les gradins. Mais mademoiselle qui étiez devant moi,
lorsque vous toussez, éternuez, grognez… mettez votre
main devant votre bouche. Ce qui vaut en société vaut ici
aussi. L’anonymat de l’obscurité ne vous autorise
pas à vous conduire comme… Le mot ne me vient pas !
C’est peut-être mieux.
Non, dans une salle d’opéra, on n’est pas dans son
salon. On peut aimer, adorer, haleter au rythme de l’action,
s’en divertir ou s’en effarer sans forcément le
faire savoir aux trois rangs environnants !
Un opéra n’est pas tout à fait un produit de
consommation comme un autre. N’est-ce pas, madame, qui fredonniez
« Heure exquise » ! On n’est pas tout
à fait à la foire ! Voilà pour ceux qui ont
éructé, explosé de rire à
l’apparition d’un chien en tutu (ce qui est un gag dont la
portée drolatique méritait d’être
saluée comme vous le fîtes, chez docteur qui occupiez la
place derrière la mienne ; au moins autant que le ballet
mené par ce gros garçon en tutu, encore, qui vous a tant
amusé !). Et dire que l’on parle de
l’élitisme de l’opéra !
Un billet devrait être assorti d’une clause de
respect ; pour ses voisins et surtout pour ceux qui exercent leur
métier sur scène ! Bref vous m’avez
gâché mon plaisir… Enfin le peu de plaisir que
j’ai trouvé à la représentation.
Car décidément la soirée était celle des
déceptions ! Et d’abord parce que la mise en
scène était tout de même médiocrement
intéressante. On connaît d’autres personnes qui
savent dynamiter une opérette ; en faire imploser les
cadres ; les allumer ; les rallumer. Pas de
fièvre ; pas même de vaudeville. Quelques
manifestations d’un comique de répétition bon teint
(très répétitif quand même) ; des
ballets pseudo-fokloriques sans grande énergie ; des
trouvailles parfois (le double sombre de notre veuve qui n’est
par ailleurs que semi-joyeuse ; l’idée d’une
nuit de noce, au II, consommée dans un lit-catafalque) ;
une très très belle décoration, toujours (le II,
surtout, noyé dans les effluve sécessionnistes de Klimt).
Et il reste, finalement, bien agaçant de voir que Makeïeff
n’a pas su (voulu) aller jusqu’au bout de ses partis-pris
de mise en scène ; ni dans la pacotille de
l’ambassade, ni dans la faune interlope du cabaret du III (deux
travestis en chapeaux-cloches, c’est ou bien trop ou bien trop
peu).
Il faut dire que la direction n’aide pas à donner du
rythme à l’action. Quelle soupe ! Quel drôle de
bortsch ! Où sont toutes les finesses d’orchestration
de Lehar ? Sa verve mitteleuropa entre Strauss et Mahler ? La
saveur de ses danses ? La fièvre de ses ensembles ? La
décadence douce-amère de ses valses ? Pas dans la
pâtouille que nous sert le chef, je vous le dis ! Pas dans
ce flot filandreux étiré comme un aligot !
Du coup sur scène on fait ce qu’on peut. Et souvent avec
talent ! Ainsi Gens met toute sa (ses) ligne(s) dans une Missia
cocotte un peu gentillette et pas franchement fofolle.
« Vilja » lui va évidemment comme un gant,
comme aussi l’ « Heure exquise » que la
dame de devant m’a sabotée ! La voix est belle et
plus encore ; déliée ; souple et irisée
de mille couleurs ; moite presque ; moelleuse toujours ;
nuancée à l’extrême… Et comme elle
chaloupe bien ! Aussi bien que Magali Léger lève,
elle, la jambe ! La petite a du chien ; de la coquinerie
plein la gorge et une belle souplesse de la cheville au gosier !
Autour c’est ou bien bon (Le Roux qui trucule plus qu’il ne
chante ; mais Popoff a peu de musique à lui) ou bien
professionnel (Danilo et Coutançon font des amoureux un peu
pâlots qui, à ce train là, mettront longtemps
à se caser vraiment)… Je fais l’impasse sur un Figg
que Makeïeff a rendu insupportable d’omniprésence
inutile (c’est quoi ce numéro de stand-up de seconde zone
au II ?)…
Ceux qui s’en sortiront le mieux seront ceux qui entendront le
tout à la radio le 30 décembre. Oui, il subiront
Korsten ! Oui, ils auront droit à un Danilo un peu
terrien (même si la voix n’encourt guère de
reproches) ! Mais ils auront la quintessence de Gens sans les
inconvénients d’un live bruyant… Et ceux-là,
dans leur salon, pourront jouir du silence ! Heureuses gens…
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