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PESARO
16/08/2007
Tutti
© Studio Amati Bacciardi
Gioachino ROSSINI (1792-1868)
IL VIAGGIO A REIMS
(Le voyage à Reims)
Cantate scénique en un acte
Livret de Luigi Ballochi
Création, Théâtre Italien de Paris, juin 1825
Mise en scène initiale, Elisabetta Courir
Décors et reprise mise en scène, Emilio Sagi
Costumes, Pepa Ojanguren
Éclairages, Bonnie Beecher
Corinna, Amanda Forsythe
Marquise Mélibée, Cristina Faust Vidal
Comtesse de Folleville, Ina Kancheva
Madame Cortese, Marina Rebeka
Chevalier Belfiore, Rio-Ici Nakai
Comte de Libenskof, Tuomas Katayala
Lord Sidney, Jin Hwan Hyun
Don Profondo, Emilio Marcucci
Baron de Trombonok, Andrea Mastroni
Don Alvaro, Davide Bartolucci
Don Prudenzio, Hovhannes Gevorgyan
Don Luigino, Yuichi Soga
Orchestre du Théâtre communal de Bologne
Ryuichiro Sonoda
Pesaro, Teatro Rossini le 16 août 2007
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Rajeuni mais assagi
Œuvre de circonstance marquant le début de la
période française d’un Rossini en pleine possession
de son art, ce voyage à Reims qui n’aura pas lieu
dégage un parfum d’auto parodie qui ne peut
qu’enchanter les amoureux du cygne de Pesaro. De plus,
l’esprit de cette production, déjà reprise en 2002,
se prête parfaitement à l’exercice de style qui
permet de découvrir les jeunes chanteurs de l’Academia
Rossiniana dans le cadre du Festival giovane.
Changement de décor par rapport aux indications du livret. Nous
ne sommes plus à Plombières à l’hôtel
du Lys d’or, mais dans un institut de remise en forme très
chic, évoquant davantage la thalassothérapie que la cure
thermale. Une toile de fond bleu azur, une terrasse avec bastingage et
chaises longues en enfilade surplombe une mer supposée.
Personnages vêtus de blanc, peignoirs éponge laissant
entrevoir des corps bronzés et admirer les gambettes des jeunes
femmes en talons hauts… Pour la fête finale, les costumes
balnéaires seront remplacés à vue par
d’élégantes tenues de soirée noires.
Assurément, cette transposition favorise entre Madame Cortese,
son personnel et ses clients une charmante complicité ludique.
L’atmosphère ainsi créée apporte un vent de
fraîcheur, de jeunesse et de bonne santé. Les petites
attentions dont les voyageurs font l’objet, les jeux amoureux
entre les couples gagnent du naturel. Des échanges de regards et
des petits gestes soigneusement réglés, il se
dégage une sensualité charmante et légère
qui sied bien à l’humour et à la fantaisie
présente dans la musique. L’inconvénient
c’est que la caractérisation visuelle de chaque personnage
n’est pas évidente. En fait, tout se confond quelque peu
et la face comique de l’œuvre se trouve aplatie voire
escamotée.
Tutti
© Studio Amati Bacciardi
Trois de ces jeunes chanteurs nous ont semblé particulièrement à suivre : la soprano
Amanda Forsythe
(Corinna) pour son timbre velouté, sa musicalité et sa
légèreté naturelle agrémentée par un
délicat vibrato ; le ténor Tuomas Katayala (Libenskof) pour sa voix caressante, son expressivité dans la tendresse et ses aigus étincelants ; la basse Andrea Mastroni
(Baron de Trombonok) pour la chaleur de son chant et son aisance en
scène, évidentes dès ses premières notes.
Le reste de la distribution est satisfaisant en dépit de quelques réserves. La soprano Ina Kancheva
(Comtesse de Folleville) fait une entrée assez fracassante, mais
déçoit un peu par la suite car l’amusante gestuelle
devient vite répétitive et les aigus sont bien courts. Le
ténor Rio-Ici Nakai
(Belfiore) met beaucoup de cœur à l’ouvrage.
Malheureusement son timbre assez rêche le dessert. La mezzo Cristina Faust Vidal
(Marquise Mélibée) manque de folie guerrière pour
ce personnage bouffe. Ses duos avec le comte russe deviennent —
du fait des deux chanteurs — plus tendres que drôles. De
même l’absence de vis comica chez la basse Emilio Marcucci
(Don Profondo) nous fruste, dans son fameux monologue
« Medaglie incomparabili », des effets hilarants
obtenus par les caricatures des divers accents propres à chaque
pays.
Tutti
© Studio Amati Bacciardi
Chanté du balcon, l’aria « Arpa gentile », avec son exquis legato,
offre un moment de grâce qu’on voudrait ne pas voir
finir ; le sextuor avec son clin d’œil à Mozart
et le grand ensemble concertant à quatorze voix sont
impressionnants ; le duo entre Belfiore qui courtise toutes les femmes
et Corinna qui attire tous les hommes fait mouche.
Sous la conduite vive et précise du chef asiatique, Ryuichiro Sonoda, les musiciens servent bien cette partition incisive, malicieuse, hésitant entre buffo et serio,
pratiquant avec brio l’art du contraste et de la symétrie.
Railleries du chœur, parodies musicales, roulades, trilles et
montées chromatiques, chant syllabique d’une
précision horlogère, les exigences sont hautes mais
gratifiantes. Vive Rossini !
Brigitte CORMIER
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