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TOULOUSE
13/04/06
Rolando Villazon - Natalie Dessay
© Patrice NIN
Concert au Capitole
Villazon / Dessay
Giuseppe VERDI (1813 -1901)
LUISA MILLER
Ouverture
Air de Rodolfo : « Quando le sere al placido », acte II
LA TRAVIATA
Duo de Violetta et Alfredo : « Un di felice », acte I
Air de Violetta : « E strano…Sempre libera », acte I
Gaetano DONIZETTI (1797-1848)
LUCIA DI LAMMERMOOR
Duo de Lucia et Edgardo : « Lucia, perdona… », acte I
Henri DUPARC (1848-1933)
Aux étoiles
Charles GOUNOD (1818-1893)
ROMEO ET JULIETTE
Duo de Juliette et Roméo : « Hélas, moi, le haïr »,acte II
Duo de Juliette et Roméo : « Va, je t’ai pardonné », acte IV
Air de Juliette : « Dieu, quel frisson », acte IV
Jules MASSENET (1842-1912)
LE CID
Air de Rodrigue :
« Tout est bien fini…O souverain », acte III
MANON
Duo de Manon et Des Grieux :
« Pardonnez-moi, Dieu de toute puissance … Toi ! Vous ! »
Natalie Dessay, soprano
Rolando Villazon, ténor
Orchestre National du Capitole
Direction musicale, Jean-Yves Ossonce
Toulouse, 13 avril
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Paire gagnante
Complet depuis près de deux mois, ce concert concentrait toutes
sortes d’attentes et de curiosités, liées à
la personnalité des artistes et au programme proposé.
Ophélie acclamée sur cette même scène en
avril 2000, Natalie Dessay avait-elle surmonté ses
problèmes vocaux ? Ce soprano léger colorature,
malgré l’évolution de son répertoire et de
sa voix, n’allait-il pas dans le mur en s’attaquant
à Traviata ? Et ce ténor, était-il à la hauteur de l’exubérante promotion qui en est faite ?
Dans un Capitole archiplein, l’orchestre est en place, et Nicolas
Joel fait son entrée. On s’attend tout de suite au pire,
sachant que Rolando Villazon a un début de
trachéite ; mais le maître des lieux nous
rassure : non, il ne va pas diriger le concert, simplement
annoncer une modification du programme, la suppression du duo de Gilda
et du Duc de Mantoue de l’acte I de Rigoletto, à la demande du ténor, qui malgré son indisposition a décidé de chanter.
Les lumières baissent et Jean-Yves Ossonce fait son
entrée. Naguère il dirigeait l’orchestre du
Capitole dans Mignon ; l’osmose est immédiate et l’ouverture de Luisa Miller
est déjà un moment fort. La direction, à la fois
vigoureuse et attentive aux nuances, est épousée par un
orchestre impressionnant de précision et de souplesse. Ce sera
le cas tout au long de la soirée, et particulièrement
évident dans la pièce de Duparc jouée en
début de deuxième partie, dont l’orchestration
subtile et l’exécution raffinée font un moment
musical délectable.
Analyser les morceaux chantés un par un serait évidemment
possible, et, pour certains, non seulement souhaitable mais
indispensable. Le problème est que, quand on est
d’emblée pris sous le charme d’un timbre et
d’un engagement comme ceux de Rolando Villazon, on renonce vite
à jouer les pions et à retenir les sons trop ouverts, les
accents trop appuyés, parce que ce à quoi nous assistons
n’est pas une exécution académique, mais un moment
musical et émotionnel dont la force communicative est assez
puissante pour désarmer les réserves possibles. La
fascination connue à Lyon en 1999 lors de sa Traviata
en concert en présence de ce chanteur, qui interprète les
airs comme si sa vie en dépendait et réussit
malgré l’absence des béquilles scéniques
à nous émouvoir comme s’il souffrait
véritablement, joue à nouveau à plein . Sans
doute, çà et là, on souhaiterait un diminuendo
mieux contrôlé, un son moins écrasé, mais on
s’en voudrait presque de gâcher la fête.
Car c’en est une, et elle ne va pas cesser, même si le
retour de Nicolas Joël sur scène après
l’entracte fait craindre que la générosité
avec laquelle le ténor s’est donné jusque là
n’ait été excessive pour son état vocal. Il
n’en est rien, heureusement ; les programmes ayant
été épuisés, le directeur artistique est
seulement venu lire la deuxième partie du programme pour ceux
qui n’ont pu en acheter. Pendant de l’air de Rodolfo de Luisa Miller, l’air du Cid en deuxième partie soulève les acclamations.
Et la fête, évidemment, tient à la constatation que
Natalie Dessay a bien surmonté ses épreuves : sa
voix, qui s’est élargie dans le grave, sonne plus ronde
que jamais et les aigus sont nets, sans la moindre dureté. Mais
elle tient aussi à ce que l’on connaît de ses
interprétations, où elle s’investit tout
entière, sortant ainsi les personnages de la routine et du
désuet. C’est pourquoi, dès qu’elle attaque
Violetta, on ne doute plus : oui, elle est là, cette jeune
femme vibrante, qui brûle sa vie en bamboches dont elle reste
inassouvie, qui n’a d’autre horizon que la prochaine, et
que le discours d’Alfredo panique. Sans doute un registre grave
plus ample ne nuirait pas, mais tel qu’il est déjà,
et avec l’aisance et la précision connues dans
l’aigu, cette interprétation vocale et dramatique annonce
une Traviata qui fera date.
Naguère Manon éblouissante et plus récemment
Juliette bouleversante, Natalie Dessay semble se jouer de ces
personnages, qu’elle nourrit de son incarnation
frémissante avec la plus exigeante musicalité.
La réunion de ces deux artistes, à la démarche si
proche, qu’il s’agisse d’interprétation ou de
choix de répertoire, ne pouvait, on l’escomptait, que les
porter l’un l’autre à des sommets. Espoir
comblé tout au long des duos, joués autant que
chantés, où leur énergie singulière semble
fusionner en un courant unique qui fait de ces morceaux de bravoure
autre chose que des numéros musicaux , mais bien
l’effusion commune de deux âmes . A ce niveau
d’émotion, pas la moindre toux intempestive, le public
captif s’assouvit en rugissant de plaisir à la fin
de chaque air. Le concert, prolongé par plusieurs bis, dont le madrigal de Roméo et Juliette et l’Addio de Rigoletto, finit dans la houle d’acclamations d’une salle debout qui crie son bonheur et sa gratitude.
Maurice SALLES
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