C O N C E R T S 
 
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PARIS
10/12/04
© Cheryl Studer
Richard Wagner (1813-1883)

Tristan und Isolde (prélude)
Siegfried Idyll
Tannhäuser (ouverture)
Die Walküre (Acte I) 
En bis : La chevauchée des Walkyries

Cheryl Studer : Sieglinde
Alan Woodrow : Siegmund
Jyrki Korhonen: Hunding

Orchestre de l'Opéra de Rouen / Haute-Normandie
Direction : Oswald Sallaberger

Paris, Cité de la Musique, vendredi 10 décembre 2004


Un concert entièrement dédié à Wagner est devenu un événement suffisamment rare pour attirer l'attention, d'autant que la présence à l'affiche de Cheryl Studer était propre à aiguiser la curiosité. Diva assoluta du CD triomphant, la cantatrice américaine a participé, de la fin des années 80 au milieu des années 90, à un nombre impressionnant d'intégrales lyriques, sous la direction des plus grands chefs, parmi lesquels Sawallisch, Sinopoli, Marriner, Abbado, Gardiner et Plasson, couvrant un répertoire aussi vaste qu'éclectique où se côtoient La Reine de la nuit et Salomé (celle de Strauss comme celle de Massenet), L'Impératrice et Odabella, Sémiramis et Senta, ainsi que Marguerite, Eva, Lucia di Lammermoor et même Hanna Glawari ! Elle s'est produite sur toutes les scènes internationales et par deux fois, en 1988 et 1989, elle a ouvert la saison de la Scala (Guglielmo Tell et I Vespri Siciliani) avec Riccardo Muti - soirées publiées en CD et DVD. Puis, quelques enregistrements discutables, voire indignes (La Traviata et surtout Rigoletto avec Levine) et un accueil plutôt hostile dans certaines maisons d'opéra l'ont contrainte à s'éloigner des studios. Consciente sans doute d'avoir un peu trop abusé de ses grands moyens, elle a depuis poursuivi sa carrière au théâtre -essentiellement en Autriche et en Allemagne - en limitant judicieusement son répertoire à quelques rôles straussiens et wagnériens comme cette Sieglinde qu'elle nous propose ce soir. 

La première partie du concert nous permet d'apprécier les grandes qualités de l'Orchestre de l'Opéra de Rouen/ Haute Normandie. Créée en 1998, cette phalange jeune et dynamique s'est hissée en peu de temps au rang des meilleures formations de l'Hexagone, exploit réalisé grâce à l'excellent travail accompli par Oswald Sallaberger qui nous donne à entendre un prélude de Tristan d'une grande solennité teintée de mysticisme et une superbe ouverture de Tannhäuser  qui met en valeur la transparence des cordes et la beauté des bois et des cuivres. Les références aux grands anciens - Knappertsbusch, Furtwängler - sont évidentes. Si l'on a apprécié la clarté et la délicatesse du Siegfried Idyll, judicieusement intimiste (ici, l'orchestre est réduit à une quinzaine de musiciens), on demeure un peu plus réservé devant la Chevauchée des Walkyries, donnée en bis et dans laquelle le chef se fait visiblement plaisir en faisant sonner son orchestre jusqu'à l'excès.

Mais le clou de la soirée était constitué par le premier acte de La Walkyrie dont Sallaberger nous donne une lecture exaltante sans pouvoir éviter toutefois de couvrir par instant les chanteurs. Il est vrai que l'équilibre n'est pas aisé à trouver lorsque l'orchestre est sur la scène. Si Studer en fait parfois les frais, cela ne gêne guère, en revanche, Jyrki Korhonen. Doté d'une voix large, au timbre de bronze et aux graves abyssaux, la jeune basse finlandaise, qui s'est déjà fait remarquer notamment à Bayreuth, campe un Hunding bourru et autoritaire proprement impressionnant.

Alan Woodrow est un  Siegmund touchant, plus apte à exprimer le désarroi que la passion amoureuse. Cependant, si le médium sonne clair et généreux, la voix a tendance à plafonner dans l'aigu, souvent un peu bas, à l'exception des "Wälse ! Wälse !" particulièrement réussis. Plus à son affaire dans les passages vaillants - "Siegmund heiss'ich" - que dans les pages plus élégiaques - son "Winterstürme" manque quelque peu de sensualité, le ténor canadien semble par moment un peu fâché avec la justesse, ce qui est regrettable dans une phrase telle que "Ein Weib sah ich, wonnig und hehr" ! Fatigue passagère ? On le souhaite car ce chanteur ne manque pas de qualités et ces quelques réserves ne sauraient toutefois entacher une interprétation finalement solide et efficace.

Et Cheryl Studer ? Avouons que la surprise est plutôt agréable car sa Sieglinde, sans atteindre la splendeur vocale de ses prestations passées, notamment dans l'enregistrement de Haitink, est pleinement convaincante. La ligne de chant a conservé toute son homogénéité et le timbre sa rondeur et sa séduction immédiate dans le médium. Force est de reconnaître malgré tout que l'aigu, un rien tendu, a perdu de son insolence et de sa précision d'autrefois. Cependant, tous les affects du personnage sont bien là : la cantatrice américaine campe une jeune femme frémissante et exaltée, profondément humaine, une interprétation sans faille qui emporte aisément l'adhésion.

Au final, ce concert au programme ambitieux mérite amplement le triomphe que le public enthousiaste réserve à tous les interprètes. Une bien belle soirée.
 
 

Christian PETER
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