......
|
BARCELONE
31/05/2008
Plácido Domingo (Siegmund) et Waltraud Meier (Sieglinde)
® Copyright photo Antonio Bofill
Richard Wagner (1813-1883)
DIE WALKÜRE (1870)
Drame musical en 3 actes
Livret et musique de Richard Wagner
Siegmund : Plácido Domingo
Hunding : René Pape
Wotan : Alan Held
Sieglinde : Waltraud Meier
Brünnhilde : Evelyn Herlitzius
Fricka : Jane Henschel
Gerhilde : Michelle Marie Cook
Ortlinde : Eugenia María Bethencourt
Waltraute : Jane Dutton
Schwertleite : Nadine Weissmann
Helmwige : Silvana Dussmann
Siegrune : Renate Spingler
Grimgerde : Inés Moraleda
Rossweisse : Gemma Coma-Alabert
Version de concert non statique
Orchestre symphonique du Gran Teatre del Liceu
Direction : Sebastian Weigle
Barcelone, Gran Teatre del Liceu, 31 mai 2008
|
Comme au bon vieux temps
Qu’il est réconfortant de retrouver, après chaque acte de cette Walkyrie,
quelque 10 minutes d’ovations, comme aux plus beaux jours de
l’ère Liebermann à Paris. Mais il faut dire que la
distribution a de quoi faire rêver.
Certes, me direz-vous, la rencontre Domingo-Meier dans Walkyrie
n’est pas une première : ils l’ont
chanté en concert à Paris et à Salzbourg, avant de
le jouer à Bayreuth. Mais le miracle se reproduit, encore
magnifié en donnant l’impression de suspendre les
années qui passent (Domingo a près de 70 ans…)
Plácido Domingo
a chanté pour la première fois au Liceo lors de la saison
1965-66, et y a depuis interprété près de 30
rôles différents. Après avoir joué dans le
monde entier tous les grands personnages du répertoire, il a
affiché une nette préférence pour le
répertoire allemand, qui l’a conduit à Bayreuth. Il
est actuellement un des meilleurs Parsifal, qu’il a notamment
chanté au Met et à l’Opéra Bastille. Plus de
40 ans après ses débuts, il revient donc au Liceo dans le
rôle de Siegmund. La voix est toujours aussi belle et puissante,
l’apparente facilité est confondante, rappelant celle de
Vickers, et la technique – sans faille – est un
véritable cours de chant comme l’était chaque
apparition d’Alfredo Kraus. Avec l’âge (les cheveux
ont blanchi…), il atteint une humanité profonde, et ses
duos avec Waltraut Meier touchent au sublime.
Waltraud Meier
reste l’une des plus grandes divas actuelle, et l’une des
meilleures chanteuses wagnériennes (Isolde, Ortrud et Venus). La
voix, très légèrement voilée, était
néanmoins en parfaite harmonie (volume, nuances et
interprétation) avec celles de ses partenaire. Quant à sa
personnification du rôle de Sieglinde, sans faire oublier
Régine Crespin, c’était là du grand art, et
son jeu scénique (bien que l’on soit en version de
concert) particulièrement convaincant.
Waltraud Meier (Sieglinde), Plácido Domingo (Siegmund) et René Pape (Hunding)
® Copyright photo Antonio Bofill
Jane Henschel (Fricka) et René Pape (Hunding) étaient chacun également exceptionnels, tandis qu’Alan Held,
sans égaler Hans Hotter, se positionne pour devenir l’un
des meilleurs Wotan de sa génération. Quant aux
Walkyries, il est rare d’entendre en
« live » un tel ensemble, d’une telle
perfection, d’une justesse absolue, et avec des voix et des
caractérisations de chacune d’entre elles aussi
parfaitement différenciées : du grand art.
Reste le cas d’Evelyn Herlitzius :
il est tout aussi rare d’entendre les célèbres
Hojotoho ! avec les notes hautes projetées aussi fausses et
aussi stridentes. Cette cantatrice allemande, spécialisée
dans les rôles wagnériens, a pourtant chanté le
rôle de Brünnhilde à Bayreuth de 2002 à 2004
et y a abordé Kundry au seul festival 2006 ;
s’agit-il donc d’une défaillance momentanée
ou du signe inquiétant d’une usure vocale ?
Passé ce premier moment fort désagréable, et des
jeux de scène déplacés (il ne faudrait pas
qu’elle continue de confondre, comme tant d’autres,
personnification d’un personnage avec agitation permanente), son
interprétation de Brünnhilde – aux antipodes de la
dureté d’une Birgit Nilsson – fut remarquable, et a
même atteint dans les duos avec Wotan, des sommets. Voix ample,
art des nuances, profond naturel du jeu malgré la version de
concert, bref, une Brünnhilde certes modernisée, mais
habitée de la moindre des nuances du texte et de la partition.
Alan Held (Wotan) et Evelyn Herlitzius (Brünnhilde)
® Copyright photo Antonio Bofill
Sebastian Weigle,
directeur musical du Liceo depuis le départ de Bertrand de
Billy, a hissé l’orchestre à un niveau
d’excellence, ce qui fait regretter pour les Barcelonais son
départ, dès la saison prochaine, pour occuper la fonction
de directeur musical de l’opéra de Francfort. Ce jeune
chef possède un répertoire éclectique dont une des
facettes l’a déjà mené à Bayreuth en
2007 (Les Maîtres chanteurs)
; sa direction à la fois précise et fougueuse,
malgré quelques rares et minimes décalages,
entraîne l’enthousiasme de la salle par ses solides
envolées lyriques : on l’aura compris, c’est un
nouveau grand chef wagnérien à suivre.
Ce concert exceptionnel – disons même historique –
donné deux fois, a été enregistré :
souhaitons donc le retrouver très rapidement sur CD ou DVD.
Jean-Marcel Humbert
|
|