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SAINT DENIS
05/07/2007
Kurt Masur
© Christophe Abramowitz
Benjamin BRITTEN (1913-1976)
WAR REQUIEM
Poèmes anglais de Wilfred Owen
Création, Coventry, 30 mai 1962
Concert en hommage à Mstislav Rostropovitch
qui a dirigé cette œuvre dans la Basilique le 22 juin 1994
Olga Guryakova, soprano
Paul Groves, ténor
Hanno Müller-Brachmann, baryton
Maîtrise de Radio France, Toni Ramon
Chœur de Radio France, Stephen Jackson
Orchestre de Chambre, Fabien Gabel
Orchestre National de France
Kurt MASUR
Saint-Denis, Basilique Cathédrale, le 5 juillet 2007
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Une longue supplique pacifiste
Pour ses 80 ans, Kurt Masur nous offre, dans la basilique de
Saint-Denis, quatre-vingts minutes et quelques d’une musique
aussi ardente et complexe que peut l’être l’âme
humaine.
À l’origine, le War Requiem
est une commande pour la consécration de la nouvelle
cathédrale de Coventry construite pour remplacer
l’édifice du XIVe siècle détruit pendant la
Seconde guerre mondiale. En rappel de l’horreur des combats, les
ruines de l’ancienne cathédrale ont été
laissées visibles. À noter que l’on retrouve dans
cette œuvre mystique l’esprit pacifiste de musiques
populaires de l’époque liées aux mouvements de
protestation contre la guerre du Viêt-Nam, comme celles des
Beatles ou de Bob Dylan.
L’idée géniale de Britten a été de juxtaposer une messe de Requiem
en latin avec des poèmes anglais de Wilfrid Owen. Le chœur
principal, le chœur de garçons et la voix de soprano
chantent les textes liturgiques. Accompagnés par un orchestre de
chambre indépendant, incrusté dans l’ensemble
symphonique, le ténor et le baryton chantent les poèmes.
De cette structure recherchée naît un dialogue poignant.
Les prières et les appels à la miséricorde divine
alternent avec la description pathétique de la condition
humaine, première victime de ses propres cruautés et de
ses faiblesses.
Respectant les règles de la musique tonale, Britten joue entre
la tension dramatique et l’élan religieux contenus dans ce
thème universel. Malgré l’audace de sa composition
comprenant de nombreux intervalles disjoints, le compositeur a su
créer une œuvre dont le succès auprès
d’un large public ne s’est jamais estompé.
Au cours des six grandes parties de l’œuvre, un peu comme
la fumée dérive du feu, une musique surnaturelle semble
émaner de l’orchestre et des chanteurs. C’est une
longue supplique lancinante, faite de lourdes percussions, de
battements sourds, de tintements de cloches, de coups de clairons
tantôt menaçants, tantôt mélancoliques, de
cris moqueurs ou déchirants. Se succèdent les grondements
d’une nature en colère, mêlés aux cris de
souffrance, de révolte ou de résignation d’hommes
hurlant leur désespoir impuissant devant ceux qui
« meurent comme du bétail ».
Bien que le cadre grandiose et chargé d’histoire de la
basilique des rois de France ne manque pas d’allure pour ce Requiem,
le lieu est loin d’être idéal pour permettre aux
spectateurs d’apprécier dans de bonnes conditions les
divers éléments qui le composent. Il est
particulièrement dommage que l’orchestre de chambre
- si important musicalement que Britten tenait à le diriger
lui-même - soit noyé dans la masse. On regrette aussi que
le chœur d’enfants soit pratiquement invisible.
Malgré ses difficultés gestuelles, le chef allemand est
totalement impliqué dans cette partition bouleversante
qu’il vit avec une évidente acuité, il passe outre
les imperfections imparables en concert et réussit à
maintenir de bout en bout l’insoutenable tension dramatique.
À commencer par celles du Chœur et de la Maîtrise de
Radio France, les voix sont toutes excellentes. Vibrant de la
révolte contenue dans les mots anglais qu’il prononce
à la perfection, le ténor Paul Groves possède un feu intérieur communicatif. Son timbre lumineux contraste comme il se doit avec celui de Hanno Müller-Brachmann.
Le baryton allemand, lui aussi, se projette ardemment dans un texte aux
accents plus graves et plus matures, mais non moins touchants
(« Je suis l’ennemi que tu as tué, mon
ami »).
Quant à la jeune soprano russe Olga Guryakova,
avec sa voix puissante et l’intensité slave de son chant
viscéral, elle est une interprète idéale, digne de
succéder à la grande Galina Vishnevskaya.
Un concert qui laisse des traces.
Brigitte CORMIER
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