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LAUSANNE
14/12/03
(@Opéra de Lausanne)
Franz SCHUBERT
WINTERREISE
Nathalie Stutzmann, contralto
Inger Södergren, piano
Opéra de Lausanne
Dimanche 14 décembre 2003
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Le Voyage d'Hiver ?
Un cycle poignant qui défie l'artifice et l'émotion à
bon marché. Une errance immobile, un arpentage du passé.
La contemplation aussi de la nature hivernale, comme un miroir de l'âme...
Et bien non, cette thématique n'est jamais aride car l'hypnotique
accompagnement du piano, présent, pesant, intense, dans un tempo
modéré, en osmose totale avec la limpidité du chant
dédouble ce monde de sentiments figés par l'hiver et l'imminence
de la mort, fait partie intégrante du lied car marquant de
manière implacable les étapes de cette marche inexorable
et solitaire.
Nathalie Stutzmann, après Nancy
a offert au public lausannois son Winterreise. Désormais
une référence. Nathalie l'aborde avec les meilleurs atouts
: elle est de la race des "diseurs" ! Elle a nettoyé les poèmes
de Wilhelm Müller de toute sensiblerie, de toute coquetterie et donne
un extraordinaire appétit de vie au Wanderer, même
à l'approche de la mort. On y a vu et entendu, il est vrai, ici
et là, certains se pétrifier peu à peu dans la douleur
ou l'extase. Son interprétation brûle d'une exaltation des
plus morbides et nous laisse, une fois passée l'ultime complainte
du joueur de vielle, au bord de l'hallucination et de la folie. Ardente,
convulsée, torturée, telle une héroïne d'opéra
s'engageant de tout son corps, Nathalie donne la sensation physique du
désespoir. Comment ne pas être aussi empoigné par cette
déclamation furieuse ? Comment ne pas se sentir éperdu devant
ce soliloque halluciné ? Une version donc fouillée et psychologique,
ciselée, raffinée qui terrasse l'auditeur sous la splendeur
d'une beauté rarement ouïe. Une conception si personnelle,
soutenue par une force intérieure si intense, n'est-ce pas ce qu'il
faut appeler le génie ?
Inger Södergren mérite
un chapitre à part. Jamais aucun piano n'avait donné jusqu'à
présent une telle véracité, effrayante. La belle artiste
suédoise joue en égal avec la contralto nancéenne,
murmure et vit chaque poème, chaque note, enveloppe le chant d'un
écrin des plus précieux, des plus chatoyants et nous laisse
aux notes ultimes saisis et pantois. Qui osera relever le défi et
proposer à Inger Södergren le bonheur de jouer un grand concerto
du répertoire ?
Christian COLOMBEAU
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