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GENEVE
19/12/2007
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
DIE ZAUBERFLÖTE
Singspiel en deux actes
Livret d’Emmanuel Schikaneder
Mise en scène, Omar Porras
Décors, Freddy Porras
Costumes, Coralie Sanvoisin
Masques et perruques, Cécile Kretschmar
Lumières, Mathias Roche
Création son, André Serré
Sarastro : Alfred Reiter
Tamino : Christoph Strehl
L’Orateur : Diogenes Randes
Premier prêtre / Premier Homme d’armes : Marc-Olivier Oetterli
Deuxième prêtre / Deuxième Homme d’armes : Martial Defontaine
La Reine de la Nuit : Jane Archibald
Pamina : Jennifer O’Loughlin
Première Dame : Christine Buffle
Deuxième Dame : Pauline Sabatier
Troisième Dame : Elodie Méchain
Papageno : Brett Polegato
Papagena : Valérie Debize
Monostatos : Alexandre Kravets
Tríos garçons : Christel Chappuis, Joris Callot, Gaëtan Basset
Chœur du Grand Théâtre
Direction : Ching-Lien Wu
Orchestre de la Suisse Romande
Direction musicale : Gabriele Ferro
Genève, 19 décembre 2007
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L'enchantement n'était pas au rendez-vous
Tournant le dos aux interprétations analytiques qui cherchent
à mettre en lumière les ambiguïtés
d’une œuvre où la superstition est
dénoncée sans être définie, où les
femmes sont par nature inférieures aux hommes, où une
enfant a été enlevée à sa mère et
où l’humanité la plus haute semble
intrinsèquement liée à la position sociale, Omar Porras aborde La Flûte Enchantée
avec la seule ambition de donner vie à une féérie.
La verve ébouriffante avec laquelle il avait animé un
spectacle autour du personnage de Don Juan laissait espérer une
lecture pétillante ; las, malgré les feux
d’artifice du tableau final il s’agit plutôt
d’un pétard mouillé.
Pourquoi les accessoiristes qui portent les segments du serpent
monstrueux, au premier acte, piétinent-ils si bruyamment ?
Pourquoi l’apparition de Pamina dans un cadre est-elle
confiée à une danseuse ? La minceur de celle-ci fait
paraître épaisses les formes de l’interprète
du rôle, contenues par son costume blanc. Les continus
changements des éléments du décor semblent ensuite
tenir lieu de mise en scène, l’intervention d’un
maître d’œuvre se bornant à faire
apparaître ou disparaître les personnages. Pour si
soigné qu’il soit visuellement, par la
variété des costumes, leur fantaisie, les couleurs, la
diversité des éléments servant de décor et
leurs déplacements, le spectacle ne met pas clairement en
évidence la direction générale de
l’œuvre, en tout cas celle qui importait pour Mozart - le
passage de l’ombre à la lumière symbolisant
l’abandon de l’erreur et la quête de la
vérité - que les lumières ne soulignent pas de
façon évidente. Ajoutons que l’exubérance
des costumes repose parfois sur de jolies idées – les
trois dames ne sont-elles pas des lucioles ?- mais
l’étrangeté décorative qui préside
à la réunion d’êtres intermédiaires
entre l’humain et l’animal semble plus un moyen de
séduire que d’illustrer, et les réminiscences de
Shakespeare (les andouillers de Sarastro) ou de Harry Potter
(éléments de décor gothiques) moins une intention
syncrétique que l’aveu involontaire d’une
appropriation incomplète.
Mais si notre attente a été déçue,
signalons cependant que la version donnée, en incluant des
passages souvent supprimés, permet de comprendre clairement
l’enjeu réel de la lutte de la Reine de la Nuit –
entrer en possession du Cercle enchanté qui donne la
maîtrise du monde - et la détermination de
Sarastro à l’empêcher de parvenir à ses
fins.
Sur le plan musical, Gabriele Ferro
imprime au début de l’ouverture une lenteur solennelle
accordée aux visions mystiques de l’œuvre, bien
secondé par les musiciens de l’orchestre de la Suisse Romande.
Par la suite cette approche s’estompe et il reste une
exécution honnête, sans défaut mais sans
qualité d’exception. Le chœur en revanche fait belle
impression tout au long de la soirée.
Chez les solistes, les trois dames
sont bien différenciées vocalement ; hormis un
dérapage isolé de la première dû à un
mauvais réglage de volume, leurs interventions n’appellent
pas de remarque particulière. Les trois garçons –
en fait une fille et deux garçons - ont la fraîcheur un
peu acide attendue ; mais on est mal à l’aise pour
eux tant la nacelle qui les suspend dans l’espace semble si peu
d’aplomb. Alexandre Kravets
obéit-il à des indications précises ? Son
Monostatos a chaussé de gros sabots et sa transformation en
folle dansante durant la danse des esclaves maures a un air de
déjà vu. Prêtres et Hommes d’Armes sont dans
leurs personnages efficaces et convaincants.
La Papagena honnête donne la réplique à un Papageno de bonne tenue. Brett Polegato,
hôte régulier de la scène genevoise, soutient fort
honnêtement sa partie, même si un soupçon
d’énergie supplémentaire ne déplairait pas.
En Orateur, Diogenes Randes impressionne par les profondes résonances de son timbre et son autorité. La Reine de la Nuit de Jane Archibald gagnera
sans doute en autorité mais déjà le rôle est
affronté crânement et la qualité
d’émission du registre aigu, où les sons restent
pleins et charnus, procure une jolie satisfaction.
Le couple Tamino-Pamina déçoit pour des raisons opposées. Physiquement et scéniquement Christoph Strehl
a beaucoup d’atouts ; c’est vocalement que les choses
sont problématiques, avec des aigus, ce soir là, bien
serrés. Jennifer O’Loughlin,
quant à elle, chante bien, voire de mieux en mieux au fur et
à mesure ; mais la malheureuse est affublée du
maillot blanc déjà signalé, d’antennes
– sa mère est un grand paon de nuit – et
d’oreilles en forme de trompes qui émergent de sa
crinière aussi rouge que celle de Fifi Brindacier, si bien
qu’elle est dépourvue de la moindre distinction. En fait
on a l’impression qu’une erreur s’est produite et de
voir Papagena dans le rôle de Pamina. Quand au Sarastro d’Alfred Reiter, pour ses moyens de vraie basse et sa tenue scénique, il est irréprochable.
Le public très ménager de ses applaudissements pendant le
spectacle s’est rattrapé à la fin, acclamant durant
plusieurs minutes les interprètes. Pour certains dont
c’était la première sortie à
l’opéra peut-être cette entrée en
matière était-elle la plus indiquée ?
Maurice Salles
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