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TOULOUSE
19/06/2007
© Patrick Riou
Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)
DIE ZAUBERFLÖTE
Singspiel en deux actes
Livret d’Emmanuel Schikaneder
Mise en scène, Nicolas Joel
Décors, Emmanuelle Favre
Costumes, Gérard Audier
Lumière, Vinicio Cheli
Sarastro, Arutjun Kotchinian
Der Sprecher, Detlef Roth
Die Königin der Nacht, Anna Kristiina Kaappola
Tamino, Daniel Kirch
Pamina, Henriette Bonde-Hansen
Papageno, Thomas Oliemans
Papagena, Céline Scheen
Erste Dame, Brigitte Hool
Zweite Dame, Blandine Staskiewicz
Dritte Dame, Qiu Lin Zhang
Monostatos, Colin Judson
Erster geharnischter Mann, Zweiter Priester, Philippe Do
Zweiter geharnischter Mann, Patrick Semper
Erster Priester, Hector Guedes
Knaben, Emmanuel Da Silva, Louis de Lavignère
Wenceslas Ostasenko-Bogdanoff
Orchestre National du Capitole
Choeur du Capitole
Direction, Patrick Marie Aubert
Solistes de la Maîtrise des Hauts-de-Seine
Direction, Gaël Darchen
Direction musicale, Claus Peter Flor
Toulouse, le 19 juin 2007
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La conquête de l’harmonie
Avant-dernière proposition de la saison toulousaine, La Flûte enchantée
retrouve la Halle aux Grains pour laquelle elle avait été
conçue pendant la fermeture du Théâtre du Capitole
lors de sa rénovation en 2003-2004. Depuis son inauguration, ce
lieu de forme hexagonale met à l’épreuve metteurs
en scène et scénographes. Les solutions trouvées
par l’équipe de cette Flûte séduisent doublement, de par leur élégance et leur pertinence.
Dans l’espace central est installée une fosse circulaire
où l’orchestre prend place, sous une plate-forme
circulaire elle aussi qui tient lieu de scène et recrée
les conditions d’une fosse classique. Deux rampes
d’accès épousant les parois de la fosse et des
escaliers permettent la circulation entre les deux plans. Plongeant
leurs assises dans la fosse, deux escaliers hélicoïdaux
s’élancent vers les hauteurs jusqu’à sembler
se rejoindre, voire s’étreindre. A la fois fluides et
solides, reliant les espaces distants, alliant les contraires, ils
rendent manifeste l’idée de la
complémentarité nécessaire qui
génère l’harmonie et le bonheur. Leur forme
suggère assez la structure en hélice de l’ADN pour
voir en eux une représentation de la vie, de ses aléas,
et des options ouvertes, l’ascension ou la chute. A
l’arrière de la plate-forme, deux pylônes dont
l’un, pourvu de portes géantes qui
s’entrebâilleront le moment venu, figure
l’entrée du Temple de la Sagesse.
Ce dispositif permet donc des déplacements dans la fosse le long
des rampes, sur le praticable qui la cerne, sur la plate-forme qui la
surplombe et sur les escaliers, sans oublier les dégagements et
les tribunes de la salle. Sûrement fatigant pour les
interprètes, contraints à des parcours qui pour certains
relèvent presque de la performance sportive, il contribue, comme
les mouvements de la fosse tournante et du praticable susceptible de
basculer, à créer des images variées et du
même coup à rendre sensible l’idée que les
apparences, fluctuantes par essence, sont trompeuses.
Les costumes participent quant à eux de la transmission du
message humaniste : leur diversité ethnique et
géographique tient compte aussi bien des données du
livret que de son sens général. Tenues
amérindiennes ou d’inspiration persane voisinent avec
vêtements japonisants, livrées nubiennes, soutanes de
derviches ou tchadors de vestales. C’est la société
des hommes de bonne volonté qui acceptent leurs
différences au nom de la valeur commune, l’amour de la
sagesse. La présence d’éléments
contemporains – les bicyclettes, le glockenspiel à piles
– indique sans insister que la représentation nous
concerne.
La mise en scène ne s’écarte pas du livret :
sa clarté permet à ceux qui découvrent
l’œuvre de s’interroger sur ses thèmes, ses
personnages, leurs relations, la valeur exemplaire ou symbolique de
leur parcours et les dispense de se torturer les méninges pour
comprendre des intentions obscures. L’aspect comique n’est
pas négligé, le petit ballet que les esclaves nubiens de
Monostatos entament avec leur tambour à broder sur la
ritournelle du glockenspiel vaut son pesant de cacahuètes !
L’aspect féerique pas davantage, avec les animaux
charmés par la flûte de Tamino descendant des cintres, ni
la dimension théâtrale de l’ouvrage soulignée
par les transformations de la reine de la nuit, apparition splendide au
début et vieille femme enlaidie par sa haine et ses
échecs à la fin du singspiel. Une lecture profonde,
respectueuse et responsable.
© Patrick Riou
Thomas Oliemans (Papageno) et Céline Scheen (Papagena)
Si les chanteurs rassemblés ne sont pas tous
irréprochables, car chanter Mozart n’a rien de facile, la
plupart s’exécutent avec les honneurs. Certes, le Tamino
de Daniel Kirch, venu remplacer Kobie Van Rensburg primitivement
annoncé, est plus convaincant physiquement que vocalement, mais
sa prestation n’est pas indigne, pas plus que celle d’Anna
Kristina Kaappola,
Reine de la nuit qui s’essouffle sur la dernière note de
son premier air, chanté avec l’expressivité
souhaitable, et dont le deuxième, techniquement réussi,
ne donne qu’une faible idée du déchaînement
émotionnel d’une femme ivre de ressentiment. Oui, le
Sarastro d’Arutjun Kotchinian, tout noble qu’il soit,
pourrait avoir parfois un peu plus d’ampleur, mais la voix est
celle du rôle. Ses suivants, prêtres, orateur, hommes
d’armes, sont globalement bien tenus. Les trois enfants sont
presque toujours justes et les trois Dames s’accordent bien,
même si l’on remarque surtout le contralto de la
troisième. Colin Judson campe plaisamment le libidineux
Monostatos et se tire avec aisance de son air. Céline Scheen est
une Papagena d’autant plus délicieuse en squaw
qu’elle disparaît dans la première partie de son
rôle sous une crinière digne d’un personnage de la
Famille Adams. Henriette Bonde-Hansen, aussi belle que son rôle
le requiert, chante à ravir ; on croit volontiers à
ses malheurs et l’on se réjouit de la fin de ses peines.
Quant à Thomas Oliemans, déjà remarqué
l’an dernier à Genève dans Così, il confirme
ses qualités avec un Papageno de haute volée, d’une
présence vocale et scénique de tout premier plan.
© Patrick Riou
Henriette Bonde-Hansen (Pamina)
Comme très souvent à Toulouse, le chœur est
impeccable. Mais le plus grand bonheur de la représentation
vient de la fosse : en osmose avec un orchestre d’une
souplesse et d’une réactivité de rêve, qui
accompagne les chanteurs comme un partenaire de musique de chambre,
avec des vents d’une puissance exactement dosée, Claus
Peter Flor dirige une grande soirée de musique. La
première section de l’ouverture, lente et
cérémonielle, pose le climat d’un enjeu
essentiel ; puis les flûtes et les hautbois bondissent et
les cordes les soutiennent, légères et
cohérentes ; la gravité des cuivres rappelle les
règles et les échéances. Toute la dialectique est
en place, et l’exécution court jusqu’à son
terme sans la moindre baisse de tension. Bravo !
Très chaleureux saluts d’un public attentif ;
à l’applaudimètre, Papageno et Pamina
l’emportent justement, suivis de la Reine de la Nuit et de
Sarastro. Le rideau de scène circulaire comme elle et
constellé de planètes en mouvement peut alors se
refermer : l’harmonie du monde est restaurée.
Maurice SALLES
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