C O N C E R T S 
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
 
......
LIEGE
19/10/03

(Chantal Perraud & Christophe Crapez)
André Modeste Grétry (1741-1813)

Zémire et Azor
 

Opéra féerique en quatre actes
Livret de Jean-François Marmontel
d'après le conte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont "La Belle et la Bête" (1759)
créé le 9 novembre 1771 au Château de Fontainebleau 

Zémire : Chantal Perraud 
Azor/Ali : Christophe Crapez
Sander : Lionel Peintre
Lisbé : Claire Geoffroy-Dechaume
Fatimé : Isabelle Obadia
Marionnettistes : Karin Oberndorfer
Hélène Philippe 

Ensemble Carpe Diem
Direction musicale : Jean-Pierre Arnaud
Mise en scène : Mireille Larroche
réalisée par : Alain Patiès
Costumes : Danièle Barraud
Lumières : Hervé Barillet

Liège, Théâtre Royal - 19 octobre 2003



Un peu d'astuce, de fantaisie...
 

Le favori et protégé de Marie-Antoinette n'est guère fêté en sa patrie : il faut remonter à 1987 pour retrouver Zémire et Azor à l'affiche du Théâtre Royal de Liège, dans une production dirigée par Alan Curtis. L'Opéra Royal de Wallonie s'est associé à La Péniche Opéra et à la Ville de Fontainebleau pour cette reprise du spectacle, subtil et rafraîchissant, conçu l'année dernière par Mireille Larroche autour du chef-d'oeuvre de Grétry. La mise en scène renonce aux fastes de la comédie-ballet, avec ses changements de décor, ses machines et bien sûr ses danses, pour se concentrer sur un castelet, délicieusement suranné, où trône un ravissant théâtre de marionnettes qui permet une mise en abyme et un jeu de miroirs à la fois ingénieux et très poétiques, en particulier lorsque Zémire se tourne vers le théâtre miniature et reçoit du double articulé de son père la rose fatale. Avec peu de moyens, mais de l'imagination à revendre, de l'humour et une bonne dose d'autodérision - les artifices sont volontairement mis à nu, qu'il s'agisse des bruitages ou du faux nuage manoeuvré par Monsieur Grétry au vu et au su d'un auditoire complice - cette réalisation opère des miracles. Les quatre actes sont donnés sans entracte, avec toutefois un court interlude durant lequel Madame du Barry (Fatimé) et Mademoiselle de Beaumont (Lisbé) distribuent quelques douceurs aux premiers rangs du parterre... autant dire que l'ambiance est décontractée, pour ne pas dire bon enfant !

Cette version de salon joue aussi la carte de l'économie sur le plan musical : point de choeurs et seulement une poignée d'instrumentistes (violon, alto, contrebasse, flûte traversière, hautbois et cor anglais), qui soutiennent admirablement l'action. Si la voix parlée de Chantal Perraud (Zémire) évoque de manière frappante celle de Jane Birkin [sic], sa diction, bien que dépourvue d'accent, laisse à désirer dès qu'elle se met à chanter. Elle affronte néanmoins avec un bel aplomb son grand air à roulades, d'ailleurs salué par des applaudissements nourris, et son jeu n'appelle que des éloges. A défaut de séduction et d'éclat (il est même un peu court de souffle et de projection dans la menace "... Sur la terre et sur l'onde ma puissance s'étend"), le ténor du jour, Christophe Crapez, signe une composition irrésistible de drôlerie en Ali (il faut entendre le duo de l'acte I, où le valet ensommeillé refuse de se lever) et livre une leçon de style et de musicalité dans le rôle d'Azor ("Ah quel tourment d'être sensible"), monstre vulnérable et touchant. Excellent acteur, Lionel Peintre commente l'intrigue avec ce qu'il faut d'esprit et incarne un Sander très crédible, dont la douleur arracherait des soupirs au plus insensible des coeurs. Enfin, Claire Geoffroy-Dechaume (Lisbé) et Isabelle Obadia (Fatimé) se tirent avec les honneurs de parties ingrates et brillent même dans les ensembles (superbe trio des soeurs à l'acte I).

Le public familial de ce dimanche après-midi, toutes générations confondues, est conquis. Il faut dire que l'opéra féerique de Grétry n'a rien à envier au célèbre film de Cocteau et mériterait de figurer plus souvent au programme des maisons d'opéra. A bon entendeur...
 
 

Bernard SCHREUDERS
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]