..... |
Richard STRAUSS (1864-1949)
Die Frau ohne Schatten
(La femme sans ombre)
Opéra en 3 actes créé à Vienne le 10 octobre 1919
Livret de Hugo von Hofmannsthal
L’Empereur : Jess Thomas
L’Impératrice : Leonie Rysanek
La Nourrice : Grace Hoffman
Le Messager : Walter Kreppel
Barak : Walter Berry
Sa Femme : Christa Ludwig
Les frères de Barak : Siegfried Rudolf Frese/Ludwig Welter/ Erich Majkut
La voix du faucon/ Une voix au seuil du Temple : Lucia Popp
L’apparition d’un jeune homme : Fritz Wunderlich
Chœur et orchestre de l’Opéra de Vienne
Herbert von Karajan (direction)
Deutsche Grammophon (457 678-2)
171’20’’- textes de présentation
en anglais, allemand et français
et texte chanté en allemand-MONO
La quête de l’ombre
La femme sans ombre est sans conteste l’opéra le plus « opaque » du tandem Richard Strauss - Hugo von Hofmannsthal.
La complexité philosophique et la texture musicale de cet
imposant chef-d’œuvre le rendent difficile
d’accès. Le librettiste jugea d’ailleurs utile
d’en publier une version en prose, sous la forme d’une
longue nouvelle (à lire absolument et en allemand si possible,
afin de mieux goûter à l’art littéraire
incomparable du dramaturge - Fischer Verlag (1)), terminée en 1919,
la même année que la création de
l’œuvre à Vienne avec, entre autres, Maria
Jeritza (l’Impératrice) et Lotte Lehmann (le femme de
Barak). L’ouvrage n’eut pas le succès qu’il
méritait, son ésotérisme lui étant
reproché par la critique.
Les labels pour lesquels Karajan
a enregistré fêtent cette année le centenaire de sa
naissance. Si EMI a choisi de rééditer en deux coffrets
(de plus de 70 disques chacun !) les enregistrements que le
maître a confié à ses micros, DG
préfère ressortir nombre de CDs et autres coffrets
séparément. Cette version avait déjà
été rééditée lors du dixième
anniversaire de la mort du chef, il y a quelques années de cela,
dans la même présentation. Rien de vraiment neuf en
somme.
En montant cette œuvre à l’Opéra de
Vienne, pour un autre anniversaire - le centenaire de la naissance de
Strauss (1964) - Karajan se mesure à Karl Böhm, qui en
avait fait un de ses chevaux de bataille lors de son passage dans la
prestigieuse maison autrichienne. Au vu de la longueur de
l’opéra, des coupures y furent souvent apportées.
Cette version n’échappe pas à la règle
puisque le chef, en plus des raccourcis qu’il s’autorise,
va jusqu’à fondre deux tableaux en un (les tableaux 3 et 5
de l’acte 2) pour gagner… 10 minutes ! Autres temps,
autres mœurs.
Cette captation live nous fait malheureusement entendre une Leonie Rysanek
en petite forme vocale dans un rôle qu’elle marqua pourtant
de son empreinte, celui de l’Impératrice. Sa justesse
laisse souvent à désirer, pour frôler, ça et
là, la catastrophe (son entrée au premier acte). Jess Thomas campe un Empereur qui, sans être génial, n’en est pas moins tout à fait acceptable et Walter Berry aborde
le rôle de Barak avec une intelligence dramaturgique rare,
même s’il est difficile d’oublier José van Dam
dans la peau de ce teinturier rustique (avec Solti - Decca - et
à la scène – Théâtre Royal de la
Monnaie, juin 2006). La femme de Barak est incarnée à la
perfection par une Christa Ludwig
toujours charismatique et bouleversante. Le personnage de la Nourrice,
un des rôles secondaires les plus fascinants de l’histoire
de l’opéra, est très bien défendu par Grace Hoffman.
Karajan dirige avec
l’efficacité et l’opulence sonore qu’on lui
connaît. Dommage qu’il ne se sente pas investit d’une
mission exégétique et qu’il privilégie
tellement la séduction « directe ».
Il n’en demeure pas moins que le génie dramatique de cet
immense straussien opère plutôt bien (2) … La prise de
son (mono) de l’ORF ne rend pas justice à
l’orchestre dont les tutti sont parfois assez confus et surexpose
maladroitement quelques pupitres. En revanche, les solos instrumentaux
sont magnifiques (particulièrement au début du
troisième acte). Pour un plus grand moment d’opéra
encore, on écoutera les déflagrations orchestrales de
Solti en studio (Decca - version intégrale) ou Böhm en
public (DG).
Nicolas Derny
(1) Les internautes germanophones peuvent également le lire en ligne en suivant le lien. Pour les autres, une traduction française est disponible (Hugo von Hofmannsthal, La femme sans ombre. Conte. Traduit et présenté par Jean-Yves Masson. Paris, Editions Verdier, 160p).
(2)
Pour ne reprendre que les enregistrements d’opéra, il faut
rappeler ses trois Rosenkavalier (EMI et DG), Ariadne auf Naxos (EMI)
et une Salomé culte et toujours insurpassée avec Behrens
et Van Dam (EMI).
Acheter ce CD sur Amazon
|
|
|