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Christoph Willibald GLUCK (1714-1787)
EZIO
Drame en 3 actes (version praguoise de 1750)
Livret de Pietro Metastasio
Velentiniano III : Max Emanuel Cencic
Fulvia : Mariselle Martinez
Ezio : Matthias Rexroth
Onoria : Netta Or
Massimo : Mirko Roschkowski
Varo : Andreas Post
Neue Düsseldorfer Hofmusik
Direction : Andreas Stoehr
Classics (COV 20713)-3CDs
3h 5m 31s
textes de présentation en allemand et anglais,
textes chantés en italien, allemand et anglais.
Ennui quand tu nous tiens…
Ezio
n’est certainement pas l’œuvre la plus connue de
Gluck ; à juste titre d’ailleurs.
L’opéra existe en deux versions, une de 1750 et une
seconde datant de 1763. Le présent enregistrement propose la
première version (donc antérieure à la
réforme de Gluck de 1762) et on comprend d’autant plus mal
pourquoi la page de garde du manuscrit de 1763 est reproduite dans le
livret, par ailleurs inaccessible aux mélomanes ne lisant pas
l’anglais ou l’allemand…
L’opéra est conçu sur un livret de Métastase,
comme plus d’un millier d’œuvres lyriques du XVIIIe
siècle, et met en scène empereur, hauts militaires et
femmes de la cour se livrant joyeusement à toutes sortes de
trahisons et de conspirations. Les arias da capo allongent inutilement
l’œuvre, qui dure ici plus de 3 heures. On en arrive
même à se demander si quelques coupures dans ces arias
n’eussent pas été salutaires… Par
contre, quelqu’un a-t-il pensé à aller voir dans la
version de 1763 si les scènes manquantes de la version praguoise
n’y figurent pas ? (Acte 1 scène 1 et Acte 2
scène 9)
Vocalement parlant, la distribution laisse à désirer.
Notons que, conformément au goût de l’époque,
Gluck confie les rôles de l’empereur Valentiniano III et de
son chef militaire Ezio à des castrats, remplacés ici par
des contre-ténors. Mais on a bien du mal à croire que
l’Ezio sans beaucoup de charisme de Matthias Rexroth
ait réellement pu mettre en fuite Attila et ses Huns comme il
est censé l’avoir fait ! Rexroth ne s’investit
pas dramatiquement, et ses récitatifs avec un Max Emanuel Cencic (l’empereur Valentiniano) pas plus réveillé et parfois maniéré (Dubiosso amante)
ne distillent qu’un ennui profond (la scène 9 de
l’acte 1 est presque surréaliste de manque de
conviction !). La même carence dramatique est à
souligner pour le reste de la distribution. Seule Mariselle Martinez,
dans le rôle de Fulvia, s’investit réellement dans
son personnage. Elle relève le niveau d’un plateau vocal
plutôt moyen. Dommage que son vibrato soit souvent un peu
encombrant car la pose de la voix est excellente et les écarts
de justesse qui émaillent la prestation des autres
interprètes (partiellement excusés par les conditions du Live)
sont heureusement absents chez cette Fulvia passionnée. Ecoutez
ses exceptionnelles et impressionnantes notes graves du Quel fingere affetto !
Les rôles secondaires sont également assez décevants. Le Massimo de Mirko Roschkowski
est bien maîtrisé mais manque singulièrement
d’agressivité lorsqu’il expose ses intentions de
vengeance meurtière (Pria che sorga l’aurora). L’Onoria de Netta Or a bien du mal avec la prononciation, ce qui rend certains passages incompréhensibles (dans le Quanto mai felici sieste
elle « mange » chaque début de mot pour
accentuer systématiquement la dernière syllabe tel un
chanteur de karaoké qui n’arriverait pas à suivre
le défilement des paroles sur l’écran). Le manque
d’investissement dramatique de la presque totalité
d’une distribution en petite forme est certainement à
mettre sur le compte d’une version de concert sans mise en
scène. A l’écoute de cet enregistrement on peut
facilement imaginer les chanteurs se lever lorsqu’ils doivent
intervenir, lire outrageusement leur partition et se rasseoir ensuite.
Dommage que l’intérêt musical en prenne tellement
ombrage…
Heureuse surprise cependant : la Neue Düsseldorfer Hofmusik
tire son épingle du jeu. Certes, les cors naturels ne sont pas
irréprochables dans la Sinfonia d’ouverture, mais il faut
dire que l’instrument est très difficile à jouer et
que, même pour les meilleurs musiciens, le résultat est
souvent aléatoire. Le tout est très bien dirigé
par un Andreas Stoehr plein de
raffinement et d’imagination. S’il n’atteint pas au
génie d’un René Jacobs dans ce type de
répertoire, rendons lui justice en soulignant qu’il sauve
ces trois heures de musique pas toujours passionnante.
Nicolas Derny
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