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Ruggero LEONCAVALLO (1857-1919)
PAGLIACCI
Canio, Roberto ALAGNA
Nedda, Svetla VASSILEVA
Tonio, Alberto MASTROMARINO
Beppe, Francesco PICCOLI
Silvio, Enrico MARRUCCI
Orchestre et Choeurs des Arènes de Vérone
Direction musicale, Viekoslav SUTEJ
Mise en scène et décors, David et Frederico ALAGNA
Costumes, Louis DESIRE
Lumières, Aldo SOLBIATI et Albert FAURA
Réalisation, George BLUME
Enregistré au Théâtre Philharmonique de Vérone, février 2002
1 DVD DG, 983 926-6 (juillet 2006)
79’
Canio et ses frères
Vous aviez rêvé de voir Alagna (Roberto) en Canio,
filmé et enregistré avec une technique
révolutionnaire, basée sur des micros et des
caméras au plus près des chanteurs, pour échapper
notamment à la post-syncro ? Et vérifier
si, comme notre ténor l’avait annoncé, le
genre bâtard du film d’opéra allait enfin franchir
une étape historique ? Las, faute de financements dit-on,
le projet ne s’est pas réalisé et nous devrons nous
contenter de cette représentation filmée d’une
soirée véronaise de février 2002 (où,
pour l’anecdote, nos clowns n’étaient pas
jumelés à Cavalleria Rusticana
mais … à un ballet de Mikis Theodorakis, "Zorba il
Greco", dont le DVD ne dit mot). Pour toute
« innovation », le réalisateur multiplie
les travellings avant et arrière, toujours les mêmes, avec
la caméra suspendue au dessus de la salle, comme sur le
central de Roland Garros. Un bref bonus permet aussi de glaner quelques
images « dietro le quinte ». Service minimum.
La soirée reposait largement sur les épaules de notre
Roberto national, qui n’est pas venu avec madame, mais avec ses
frères et sa sœur. Les premiers sont aux commandes pour
les décors et la mise en scène ; quant à
Marinelle, le générique la mentionne comme chargée
des relations publiques. Elle a, depuis, pris du galon
puisqu’elle devrait remplacer Lévon Sayan pour veiller aux
intérêts de Roberto. L’essentiel n’est
évidemment pas là. Côté production, en
provenance de Santander, David et Frederico (curieux, ce prénom,
pour des italiens d’origine…) ont fait le choix d’un
décor très sage d’une petite place du Sud de
l’Italie, façon crèche provençale, qui
permet au deuxième acte une mise en abîme traditionnelle
et fonctionnelle, avec le spectacle dans le spectacle. La mise en
scène est au demeurant parsemée de bonnes idées,
par exemple lorsque Canio, à la fin de « Vesti la
giubba » s’effondre en pleurs en arrachant
l’affiche qui annonce le spectacle du soir ou lorsque, au
début du II, il semble sur le point de rentrer dans sa roulotte
et de pardonner à Nedda pour tenter de repartir. Les costumes
sont de facture contemporaine, Nedda se déhanchant sur de hauts
talons, gainée de cuirs. Les frères Alagna n’ont
toutefois pas poussé cette logique jusqu’au bout et ne
transforment pas la femme du chef de troupe en nouvelle Carmen.
Svetla Vassileva, habituée du rôle, se sent manifestement
très bien dans son pantalon de cuir noir. Avec ses faux airs
d’Angela Gheorghiu, elle joue parfaitement le rôle de la
coquette qui s’ennuie dans cette vie routinière et qui
saisit la première occasion qui passe pour
s’évader. Car, dans Pagliacci, l’infidélité de Nedda paraît beaucoup plus superficielle que celle, par exemple, de Giorgetta dans Il Tabarro,
que l’âge et le drame familial éloignent peu
à peu de Michele. Ici, Nedda et Canio sont jeunes et, comme
il le lui dira vertement avant de la poignarder, elle devrait lui
être reconnaissante de l’avoir recueillie,
épousée et donné une
« situation ». Vocalement, le rôle ne pose
aucun problème à la soprano bulgare, qui a cependant une
tendance dangereuse à forcer les aigus. Sa prestation gagne en
conviction au fur et à mesure de l’avancée du drame.
Le drame, Roberto Alagna, il connaît par cœur et ça se voit. Les portamenti,
les sanglots et les cris sont parfaitement dosés, dans la plus
pure tradition vériste. Ni trop, ni trop peu, car Alagna sait
nuancer pour toucher. L’incarnation est ainsi totalement
convaincante. Vocalement, Canio n’est sans doute pas le
rôle le mieux adapté au ténor. Mais, en
février 2002, la forme est excellente et le plaisir de chanter
évident et communicatif. Son « Recitar … Vesti
la giubba », avec une ligne de chant et un soutien
admirables, est poignant et fait passer des frissons. Rien que pour
cela, ce DVD vaut le coup !
La distribution est complétée par Alberto Mastromarino,
manifestement en méforme. Son prologue laisse bien mal augurer
de la soirée, avec de sérieux problèmes
d’intonation et de justesse, des aigus tirés et une
absence de tonus préoccupante pour un tube de ce genre en
ouverture de soirée. Rien à dire en revanche du
Beppe de Francesco Piccoli, qui assure sa sérénade du
second acte. Le Silvio d’Enrico Marrucci, en revanche,
paraît bien falot (mais pourquoi diable Nedda se jette-t-elle
dans ses bras ?), avec une prononciation pâteuse. Orchestre
et chœurs de routine, sous la baguette de Viekoslav Sutej.
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