Franz Schubert
(1797 - 1828)
Lieder avec orchestre
harmonisés par Johannes Brahms, Hector Berlioz, Benjamin Britten,
Franz Liszt, Jacques Offenbach, Max Reger, Anton Webern
Anne-Sofie von
Otter, mezzo soprano
Thomas Quasthoff,
baryton-basse
Chamber Orchestra
of Europe
Direction Claudio
Abbado
PROGRAMME
Anne-Sofie von
Otter :
Romanze D.
797 n° 3b, extrait de "Rosamunde Princesse de Chypre"
(musique de scène
pour le drame d'Helmina von Chezy)
Die Forelle
D. 550 (Benjamin Britten)
Ellens Zweiter
Gesang D. 838 (Johannes Brahms)
Gretchen am
Spinnrade D. 118 (Max Reger)
An Sylvia
D. 891 (orch. anonyme)
Im Abendrot
D. 799 (Max Reger)
Nacht und Traüme
D. 827 (Max Reger)
Gruppe aus dem
Tartarus D. 583 (Max Reger)
Erlkönig
D 328 (Hector Berlioz)
Die Junge Nonne
D. 828 (Franz Liszt)
Thomas Quasthoff
:
Tränenregen
D. 795 n° 10, extrait de "Die schöne Müllerin" (Anton
Webern)
Der Wegweiser
D. 911 n° 20, extrait de "Winterreise" (Anton Webern)
Du bist die
Ruh D. 776 (Anton Webern)
Ihr Bild
D. 957 n° 9, extrait de "Schwanengesang" (Anton Webern)
Prometheus
D. 674 (Max Reger)
Memnon D.
541 (Johannes Brahms)
An Schwager
Kronos D. 369 (Johannes Brahms)
An die Musik
D. 547 (Max Reger)
Erlkönig
D. 328 (Max Reger)
Les bis des Concerts
de Paris (Cité de la Musique) :
Geheimes
D. 719 (Johannes Brahms)
Anne-Sofie von
Otter (concert du 25 mai 2002)
Ständchen D.
957 n° 4, extrait de "Schwanengesang" (Jacques Offenbach)
Thomas Quasthoff
(concert du 28 mai 2002)
1 CD DG 471 586
- 2
Enregistré
en public à la Cité de la Musique à Paris en mai 2002
Ombre et lumière : Schubert revisité par des interprètes
d'exception...
En soi, l'entreprise pouvait paraître plutôt hasardeuse
aux yeux et aux oreilles des puristes : confier à un orchestre -
de chambre il est vrai - et si prestigieux soit-il, l'accompagnement de
ces lieder, pour la plupart très célèbres,
conçus à l'origine pour trouver dans le piano comme une seconde
voix répondant magiquement à celle du chant (exception faite
de la "Romance de Rosamunde" figurant en début de programme) constituait
une parfaite hérésie...
Et pourtant le résultat fut au-delà de toutes les espérances
lors de ces deux mémorables concerts donnés les 25 et 28
mai 2002 à la Cité de la Musique à Paris, dans le
cadre des manifestations relatives à l'exposition "L'invention du
Sentiment - Aux sources du Romantisme".
Le choix des interprètes, certes, y était pour quelque
chose : le maestro Claudio Abbado y dirigeait le Chamber Orchestra of Europe,
dont on commémorait à l'occasion les vingt années
d'existence, et puis Anne-Sofie von Otter et Thomas Quasthoff, deux chanteurs
d'exception passés maîtres dans l'interprétation des
lieder
en général et de ceux de Schubert en particulier, prêtaient
leurs voix somptueuses et leur sensibilité extrême à
cette aventure passionnante.
Le choix des "orchestrateurs" avait aussi de quoi surprendre dans sa
diversité : Brahms, Berlioz, Britten, Reger, Liszt, Webern et...
Offenbach. Il est vrai que le génie mélodique de Schubert
avait, peu de temps après la mort de ce compositeur, déjà
donné à nombre de musiciens l'envie d'harmoniser ses mélodies
et, en particulier, à l'un de ses plus fervents admirateurs, Johannes
Brahms.
Par ailleurs, il y a quelques années, à Salzbourg, Claudio
Abbado avait, déjà avec von Otter et Quasthoff, donné
une série de concerts comportant des lieder de Schubert accompagnés
à l'orchestre. De plus, ces chanteurs avaient également enregistré
Schubert au disque : von Otter, avec Abbado aussi, et la Philharmonie de
Vienne, en gravant la "Romance de Rosamunde" dans une intégrale
de la musique de scène écrite pour le drame d'Helmina von
Chezy en 1991 (CD 631 655 - 2). Six ans plus tard, la mezzo-soprano suédoise,
qui jusqu'alors avait souvent exprimé une relative réticence
à l'égard de l'univers schubertien, enregistra en 1997, accompagnée
par son fidèle pianiste Bengt Forsberg, un disque qui fit date,
constitué par un choix savant de mélodies très connues
mêlées à d'autres plus rares. ( CD n° 453 481 -
2). Elle en avait d'ailleurs inclus quelques-unes dans son fameux récital
d'avril 1999 au Palais-Garnier. Quant à Thomas Quasthoff, il enregistra
en 2001 pour DG le "Schwanengesang" dont deux extraits figurent
ici (CD 471 030 - 2).
L'an dernier, à la Cité de la Musique, le programme de
chaque concert comportait des oeuvres symphoniques et un choix de lieder
par un seul chanteur pour chacune des soirées. La décision
de rassembler sur un même disque ces deux artistes renouvelle leur
partenariat précédent pour le "Knaben Wunderhorn"
de Gustav Mahler (CD DG 459 646 - 2) également avec Abbado, cette
fois à la tête du Berliner Philharmoniker et produit un "effet
miroir" à la fois troublant et passionnant. La voix sombre et chaude
de Quasthoff, pareille à du bronze en fusion, confrontée
au vif-argent du timbre moiré de von Otter, culmine dans une "rencontre
au sommet" d'anthologie avec deux versions du "Roi des Aulnes" : l'une
orchestrée par Berlioz (von Otter) et l'autre par Max Reger (Quasthoff).
Entre les deux interprétations, le choix est difficile. On peut
préférer l'hallucinante version qu'en donne von Otter, alternant
toutes les voix : celle du père angoissé, de l'enfant effrayé
et enfin celle, caressante et inquiétante de la mort ; mais la lecture
de Quasthoff, plus monochrome, plus délibérément noire
et sombre, un peu moins nuancée, peut aussi séduire par sa
force dramatique. Une petite remarque, cependant : l'orchestration de Berlioz
est plus proche de l'accompagnement original que celle de Reger.
En résumé, il s'agit d'un enregistrement tout à
fait exceptionnel qui, outre le nouvel éclairage qu'il apporte à
l'oeuvre immense de Schubert, met aussi en évidence la part d'ombre
et de lumière de chacune des personnalités de ces deux magnifiques
chanteurs : von Otter, maniant avec maestria la demi-teinte et l'art du
contraste, passant, telle Maria Callas lors de ses célèbres
récitals, de la langueur crépusculaire au drame le plus noir,
de la sensualité à l'humour ; Quasthoff plus monolithique,
plus violent, plus délibérément noir et mélancolique.
On ne peut que saluer l'initiative de DG d'avoir, grâce à
cette publication, permis aux heureux spectateurs de ces deux soirées
inoubliables de renouveler l'émotion ressentie à la Cité
de la Musique. Il s'agissait donc bien là d'une véritable
"réinvention du sentiment"...
Notons qu'Arte diffusera dimanche 8 juin 2003 à 19 heures dans
son émission "Maestro" le concert von Otter.
Juliette Buch
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