C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
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Fritz Wunderlich

The art of Fritz Wunderlich

CD 1
BACH
Easter oratorio, Christmas Oratorio, St Matthew passion, Magnificat, Cantata BWV31

CD 2
MOZART
Die Enftührung aus dem serial, Die Zauberflöte

CD 3
ROSSINI : Il barbiere di Siviglia, BELLINI : La sonnambula,
VERDI : Rigoletto, La Traviata, Don Carlos, 
PUCCINI : La Bohème, Tosca, STRAUSS : Die schweigsame frau, Daphne, 
TCHAIKOVSKY : Eugène Onéguine

CD 4
HAENDEL : Serse, Giulio Cesare, GLUCK : Iphigénie en Tauride,
MONTEVERDI : L'orfeo, MAILLART : Les dragons de Villars,
KREUTZER : Das nachtlager in Granada,
LORTZING : Der waffenschmied, zar und zimmermann,
BIZET : Les pêcheurs de perles

CD 5
SCHUMANN : Dichterliebe,
BEETHOVEN : 4 lieder, SCHUBERT : 9 lieder

CD 6
Popular songs

CD 7
Viennese songs

Alarie, Fassbaender, Güden, Hallstein, Janowitz, Köth, Lear, Ludwig, Schädle, Fisher-Dieskau, Hotter, King, Krebs, Prey, Talvela

Böhm, Gerdes, Kubelik, Leitner, Stein

Fritz Wunderlich, tenor

Deutsche Grammophon (7 CDs 477 530-5)


Implacable destin ; le 17 septembre 1966, Fritz Wunderlich fait une chute dans l'escalier et, transporté à la clinique de Heideberg, meurt peu de temps après. Il allait avoir 36 ans. Ténor lyrique au timbre flamboyant, foudroyé dans la force de l'âge, il parvint en une brève carrière à inscrire durablement son nom au firmament et, prouesse non moins remarquable, embrasser un répertoire aussi large que varié, de l'opéra à la chanson populaire, de Bach à Puccini. Deutsche Gramophon le démontre dans une édition pléthorique qui reprend des extraits de ses meilleurs enregistrements.

De son premier rôle, Tamino en 1954 à l'Opéra de Stuggart, à son dernier, le même Tamino au festival d'Edimbourg en 1966, le parcours de Fritz Wunderlich dessine un cercle dont Mozart forme le centre. A cet égard, le deuxième CD du coffret, entièrement dédié au compositeur salzbourgeois, constitue la meilleure exposition d'un art du chant remarquable : noblesse du timbre, élégance de la ligne, souplesse de l'instrument, ardeur et perfection du phrasé, rayonnement de l'aigu. Les extraits de Die enftührung aus dem serail et surtout Die Zauberflöte porté par la direction sensible de Karl Böhm le prouvent. L'auditeur pressé pourra s'en remettre à ce seul témoignage même si il ne manquera pas de regretter les Ferrando, Don Ottavio ou Tito qui le compléteraient avec bonheur.

Teutonneries

Toutefois, si le temps le lui permet, il explorera les volumes 3 et 4 consacrés eux aussi à l'opéra. Il retrouvera souvent tout ou partie des qualités qui l'ont séduit auparavant, mais à condition de ne pas se montrer trop puriste et d'effacer de sa mémoire les références qui jusqu'à présent la jalonnent. Car les airs proposés, qu'ils proviennent d'ouvrages italiens, français ou russes sont tous traduits en allemand (exception faite de L'Orfeo de Monteverdi). "E lucevan la stelle" se chante "Und es blitzen die Sterne", "Dieu, tu semas dans nos âmes" devient "Gott, der entflammte der Liebe heibe Glut", etc. Il devient difficile dans ses conditions de s'abandonner totalement au plaisir de l'écoute. Le métal reste rare, alliage précieux de suavité et de fermeté, mais la raideur saxonne ne se prête pas toujours aux débordements de l'opéra transalpin. L'interprétation hésite. Trop guindée elle prive la musique de sa sensualité mais quand elle tente de se relâcher, elle peut alors friser la vulgarité. D'autant plus que les partenaires, qu'il s'agisse du soprano désuet d'Erika Köth, transfuge germanique de Mady Mesplé, ou d'un Hermann Prey aux manières de hussard, se montrent peu collaboratifs. La barque navigue parfois à faible distance des rivages du ridicule avec, au détour d'amusantes surprises, quand le brindisi de La Traviata prend des allures d'opérettes de Johann Strauss par exemple. 

Les incursions dans l'opéra baroque rendent la croisière encore plus périlleuse. Un long chemin a été parcouru depuis ces quarante dernières années ; "Ombra mai fu" et la partition de Sesto dans Giulio Cesare chantés en allemand par un ténor relèvent aujourd'hui de l'exotisme même si l'allure reste aristocratique, le maintien exemplaire. 

Le véritable bonheur se trouve au détour de Daphné ou Die Schweigsame Frau qui, malgré un son cacochyme (enregistré "live" et mono lors du Festival de Salzbourg de 1959), délivre un lyrisme ardent. L'éblouissement survient sans crier gare, à la fin du troisième CD avec une déploration de Lenski, "Kuda, kuda..." devenu pourtant ici "Wohin seid ihr entschwunden", qui, de mémoire de lyricomane, n'a jamais atteint au disque une telle intensité, une telle résignation dans le désespoir, une douceur douloureuse à la limite du supportable. 

De la promenade à l'intérieur de cette vaste galerie de portraits, naît l'implacable regret des figures qui ne pourront jamais être contemplées, wagnériennes essentiellement, Walther, Erik, Lohengrin et peut-être Parsifal, à l'instar de Siegfried Jerusalem qui avant d'aborder le chaste fol fut lui aussi un Tamino d'exception. 

Romantiqueries

Il est impossible pour un chanteur d'origine palatine (Fritz Wunderlich est né à Kusel dans le Palatinat) de ne pas emprunter les sentes du lied. Le cinquième CD effeuille quelques pages du genre. La clarté de la diction étincelle au travers du cycle complet des dichterliebe de Robert Schumann et de morceaux choisis signés Ludwig Van Beethoven et Franz Schubert. Les premières chansons des amours du poète trouvent là leur fraîcheur et leur jeunesse. Les orages romantiques de "Ich grolle nicht", les sarcasmes de "Dast ist ein Flöten und geigen", les claudications désespérées de "Die alten bösen Lieder" conviennent moins à la nature lumineuse du ténor. L'accompagnement appliqué du pianiste, Hubert Giesen, ne contribue pas à renforcer le relief de l'ensemble. Les mêmes remarques s'appliquent aux mélodies suivantes. Le soleil de la voix est trop ardent pour laisser à la musique la part d'ombre qu'elle réclame parfois. Les palettes douces des sentiments, tendresse, élégie, nostalgie s'étalent mieux sur la toile sonore que les teintes violentes et les gouaches complexes.

Bondieuseries

Les oratorios et cantates de Bach appartiennent eux aussi de manière inévitable à la culture lyrique germanique. Ils ouvrent d'ailleurs ce recueil ; le premier CD est totalement dévolu au Cantor de Leipzig. Là encore, comme pour les enregistrement de Handel et Gluck, le souffle de la révolution baroque a profondément modifié l'oreille qui, habituée à d'autres dynamiques et d'autres couleurs, se trouve un peu désorientée. La grâce illumine cependant toujours l'interprétation avec, péché de jeunesse, un manque d'intériorité et aussi un certain narcissisme dans un chant qui ne devrait se dévouer qu'à Dieu. 

Sucreries

Les chansons populaires et viennoises arrivent un peu comme les mignardises à la fin d'un bon repas. Comblé, l'appétit déclare forfait tandis que, machinalement, la main se tend vers les petites pâtisseries et, les attrape une par une jusqu'à ce que l'assiette soit vide. L'amateur de sucreries, réprimant sa gourmandise, laissera de côté les indigestes et un rien débraillés "Granada", "Mattinata" et autres "Non ti scordar di me" claironnés dans la langue de Goethe. Il se régalera plutôt des extraits de ces opérettes dont le seul nom évoque la vanille et la crème fouettée Der Singende Traum, Frühjahrsparade, Gräfin Mariza. Il goûtera aussi avec bonheur les délices viennois qui occupent le septième disque, certes riches en glucose mais légers, le coeur tendre, qui jamais n'écorchent le palais. Diffusés le soir de Noël au pied du sapin, ils constitueront une heureuse alternative aux traditionnels "Jingle bell" et "Stille nacht" criaillés habituellement par une armée de petits chanteurs en socquettes blanches.

Fritz Wunderlich écrivait en 1953 (il avait alors 23 ans) : "J'aimerais te faire pénétrer ce secret inconcevable qu'on appelle musique véritable". Bien que la vie lui en ait peu laissé le temps, il peut, du haut du ciel , se féliciter d'avoir, à travers la plupart de ces enregistrements, réalisé son souhait.
  


Christophe RIZOUD




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