Adolphe ADAM (1803-1856)
Si j'étais
roi
Opéra-comique en 3 actes
Livret : Adolphe Dennery et Jules
Brésil
Néméa : Liliane
Berton
Zéphoris : André
Mallabréra
Le roi : René Bianco
Kadoor : Henri Médus
Zizel : Pierre Héral
Piféar : Bernard Alvi
Zélide : Andrée
Gabriel
Choeurs, Orchestre de la Société
des Concerts du Conservatoire
Direction : Richard Blareau
Un double CD Accord
La série "Opérette" éditée par Accord élargit
son répertoire en publiant l'unique enregistrement connu (réalisé
en 1960) d'un ouvrage qui n'est nullement une opérette, mais un
"grand" opéra-comique, le dernier succès majeur de l'auteur
de
Giselle et du
Postillon de Lonjumeau, créé
en 1852. Dans le
dossier
consacré l'an dernier par Forum Opéra au genre, nous déplorions
l'absence de cet enregistrement au catalogue : cette lacune est aujourd'hui
comblée. Qu'on ne se laisse pas effaroucher, donc, par les couleurs
pimpantes (fuchsia et orange) de la pochette, ni par le voisinage, dans
la même collection, de titres comme
Un de la Canebière
ou
Ignace, avec Fernandel : ce disque est en réalité la
seule publication importante de l'année dans le domaine de l'opéra
français du XIXe !
L'oeuvre est sans doute plus difficile à monter aujourd'hui que
l'ironique Postillon, en raison d'un livret nettement plus nunuche
et médiocrement ficelé qui mériterait un sérieux
remaniement. Les aventures de Zéphoris, jeune pêcheur du royaume
de Goa (en Inde), qui, monté pour un seul jour sur le trône
grâce à la seule fantaisie du véritable roi, réussit
à conquérir la belle princesse Néméa en déjouant
les sinistres machinations de l'infâme ministre Kadoor, ne sont pas
des plus palpitantes... Mais l'art d'Adam est ici à son sommet :
la veine mélodique est toujours généreuse, la verve
et le métier ne font jamais défaut, et le professeur de composition
au Conservatoire ose, par-ci par-là, des finesses d'écriture
capables de lui attirer l'indulgence des délicats sans trop désorienter
le public populaire qui était le sien. La brillante ouverture "pot-pourri",
page très développée utilisant les meilleurs thèmes
de l'opéra, est dans son genre un chef-d'oeuvre.
Le premier atout de cet album est la présence, dans un emploi
idéal, de la plus jolie voix française de ténor léger
du siècle dernier. L'émission absolument naturelle d'André
Mallabréra, ses couleurs irisées et suaves, la douceur unique
d'un timbre parfaitement phonogénique font oublier sans peine un
vibrato
qui s'apparente parfois un peu trop à un "grelot" et quelques ports
de voix à la limite du salonnard (on en pardonne de bien pires à
Léopold Simoneau dans Don Ottavio... ). Beaux moments, donc, que
les deux célèbres romances du premier acte : "J'ignore son
nom, sa naissance" et "Un regard de ses yeux" (rappelons que la première
figurait dans le récital d'airs français de Rockwell Blake)
; mais on citera aussi le solo plein de ferveur amoureuse, "Ce trésor
de jeunesse", qui ouvre le final du deuxième acte, où le
lyrisme d'Adam atteint à un abandon qui fait presque penser à
Gounod.
A ses côtés, Liliane Berton, délicieuse et charmeuse,
est irréprochable vocalement, même si on aurait pu souhaiter
un peu plus d'audace dans son grand air de séduction (gravé
naguère par Sumi Jo), qui appelle une virtuosité plus ébouriffante.
La Néméa idéale, hélas à jamais perdue
pour les studios, sera la toute jeune et vertigineuse Natalie Dessay (à
l'Opéra de Nantes en 1990). L'inégal René Bianco peine
sensiblement dans la haute tessiture du Roi, et son style un peu brut de
fonderie, convient moins bien aux préciosités d'Adam qu'au
Geôlier des Dialogues des carmélites. Les seconds rôles
sont très bons, notamment la basse Henri Médus et le ténor
Bernard Alvi (déjà présent dans les rééditions
de Phi-Phi et de La Mascotte), dont l'émission vocale
est à juste titre proche de la haute-contre à la française
- comme celle de Mallabréra d'ailleurs. Tous ces artistes, comme
l'ensemble des chanteurs français de l'époque, ont une diction
impeccable ; leur jeu de comédien dans les dialogues est en revanche
légèrement daté (et la voix parlée de Mallabréra,
si c'est bien la sienne, nous fait tomber de très haut !)Ö
Dans une prise de son acceptable, les choeurs et l'Orchestre de la Société
des Concerts du Conservatoire ont l'énergie et le brio requis, sous
la baguette de Richard Blareau, grand spécialiste de ce répertoire
déjà très présent dans cette collection. La
seule vraie déception provient donc des coupures, substantielles
: outre de nombreuses reprises, secondes strophes et autres choeurs d'introduction,
on perd quatre des quinze numéros que compte la partition, dont
le ravissant nocturne du 1er acte. Vu la faible probabilité que
ces morceaux figurent un jour dans une version concurrente, il va de soi
que cela ne saurait faire obstacle à l'acquisition de ce disque...
Geoffroy BERTRAN
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