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Georg Friedrich HAENDEL (1685-1750)
ADMETO
Drame en trois actes (1727)
Livret de Nicolas Francesco Haym ou de Paolo Antonio Rolli
Admeto : Mathias Rexroth
Alceste : Romelia Lichstenstein
Antigone : Mechtild Bach
Trasimede : Tim Mead
Ercole : Raimund Nolte
Orindo : Melanie Hirsch
Meraspe : Gerd Vogel
Händelfestspielorchester Halle
Direction : Howard Arman
Mise en scène : Axel Köhler
Décors : Roland Aeschlimann
Costumes : Marie-Thérèse Jossen
Enregistrement live au Opernhaus Hall, 2006
ARTHAUS MUSIK (101257) 2 DVD-9/NTSC + 2 CD
196 minutes – FORMAT 16/9
Son dolby Digital 5.1/PCM STEREO
Ecoutez, il n’y a rien à voir
Demandez au crapaud ce qu’est la beauté et il
Vous
répondra que c’est la crapaude. Voltaire
Qui peut aujourd’hui, même parmi les plus fervents
haendéliens, citer de mémoire le titre d’un seul
air d’Admeto ?
Depuis le triomphe qui accueillit sa création londonienne, il
n’a jamais vraiment connu un regain de succès. A cet
égard, l’enregistrement pionnier d’Alan Curtis en
1977 (ressorti en CD chez VIRGIN VERITAS) fut un rendez-vous
manqué avec l’Histoire. C’était l’une
des toutes premières intégrales d’un opéra
de Händel, n’omettant aucun récitatif ni la moindre
reprise (1), mais Admeto
n’en a pas pour autant conquis le public ni surtout la
profession. Il faut dire que la performance ne fut pas
mémorable. Curtis n’a jamais eu le théâtre
dans le sang et passe à côté du formidable
potentiel de l’ouvrage – mais Malgoire fait-il mieux,
à la même époque, avec Rinaldo ?
En outre, si les tessitures originales sont respectées, ces
dames, Rachel Yakar et Jill Gomez, volent aisément la vedette
aux contre-ténors les plus dissemblables qui soient :
René Jacobs, écrasé par la stature du rôle
mais émouvant dans ses lamenti,
et James Bowman, en petite forme et terriblement prosaïque. En
janvier 1727, c’est le plus grand contralto du moment, Senesino,
qui donnait la réplique aux célèbres rivales
Faustina et Cuzzoni, un trio de haut vol réuni quelques
mois plutôt dans Alessandro. Anna Dotti (Orindo) ou Giuseppe Maria Boschi (Ercole) n’étaient pas non plus des seconds couteaux.
Toutefois, les carences de cette réalisation ne suffisent pas
à expliquer le peu d’intérêt que suscite Admeto.
Les causes sont peut-être d’abord inhérentes
à l’oeuvre. Des épisodes secondaires plutôt
insipides – ersatz de comédie espagnole et
d’opéra vénitien – sont maladroitement
greffés sur l’argument principal et entravent son
déroulement. C’est d’autant plus regrettable que la
légende d’Alceste et le dilemme d’Admeto, pris entre
deux amours, auraient pu inspirer un authentique
chef-d’œuvre à un musicien de la trempe de
Händel. Piégé par ce livret hybride, le compositeur
se concentre sur les figures de la tragédie auxquelles il
réserve le meilleur de son inspiration. Celle-ci prend la forme
d’accompagnati et d’ariosi
pathétiques chez Admeto (un rôle en or pour un
contre-ténor lyrique tel que David Daniels) et illustre les
états d’âme paroxystiques d’Alceste au
gré d’une lecture psychologique particulièrement
fouillée. Händel exploite mieux que personne les ressources
expressives de Senesino et Bordoni, unanimement salués pour leur
talent d’acteur, mais virtuoses modestes. Leurs interventions
sont difficiles à extraire de leur contexte et se
révèlent peu propices au récital ou au concert,
elles n’offrent pas la séduction immédiate de
numéros brillants qui mettent en valeur l’abattage vocal
des interprètes. De même, si les autres rôles
bénéficient d’airs payants, aucun n’est
inoubliable. A l’opposé, il est frappant de constater
qu’un ouvrage à bien des égards inférieur
comme Partenope recèle
au moins un tube, le virevoltant « Furibondo spira il
vento », grâce auquel son nom n’a pas
sombré dans l’oubli. Admeto n’a pas cette chance et les productions modernes se comptent sur les doigts de la main.
Malheureusement, ce spectacle qui nous arrive du Händel-Festspiele
Halle ne risque pas de changer la donne. Le travail d’Axel
Köhler, « altus und regisseur » comme il se présente lui-même, sur le Teseo de Händel n’avait pas soulevé l’enthousiasme de notre chroniqueur. Sa lecture d’Admeto
est du même acabit et ne déroge pas aux standards actuels.
L’action est transposée dans un hôpital
contemporain. Le verre, le métal, le plastic, les tons froids
dominent, lits et dessertes jonchées de médicaments
meublent chichement le plateau et au rayon accessoires, la seringue
remplace le poignard du livret. L’irruption d’une
camionnette rouge vif d’où sort Antigone, relookée
en ado américaine (jupe training et mèches blondasses),
pourrait apporter une touche de vie sinon de gaieté en
atténuant ce climat plombé et mortifère, mais la
sauce ne prend pas. Köhler se contente de recycler une imagerie
déjà périmée et de subir les faiblesses de
l’oeuvre, ne touchant le cœur du drame
qu’accidentellement. Les adieux d’Alceste à ses
suivantes, sobres et justes, échappent ainsi à la laideur
et à la trivialité de cette production qui verse
carrément dans le grand guignol avec le tableau des Enfers
où un Cerbère en blouse blanche retire les intestins
d’Alceste alitée et s’apprête à
engloutir ces mètres de boudin quand surgit Hercule
étincelant dans son costume de skaï noir –
énième avatar des SS ou de la Gestapo dont raffolent les
metteurs en scène d’opéra ? Le spectateur
devrait sans doute rire ou au moins sourire, mais cette farce gore nous
laisse de marbre. Inutile de tirer sur l’ambulance...
La réalisation musicale offre, hélas, de bien maigres
satisfactions, sauf à plonger directement dans la fosse en
ignorant la plupart des solistes. Howard Arman y déploie un
geste large et assuré, volontiers musclé – ce qui
nous vaut une superbe entrée dans le royaume
d’Hadès –, mais également suggestif quand il
le faut, tempérant l’ardeur du très professionnel
Händelfestspielorchester Halle qui relance le discours et soutient
l’intérêt de l’auditeur tout au long
d’une partition de près de trois heures. Seuls deux airs
d’Antigone passent à la trappe… et nous sauvent du
soprano fruste et pointu de Mechtild Bach. Beau gosse doté
d’un alto aux graves charnus mais pas toujours très
délié, Tim Mead se tire honorablement de sa partie
(Trasimede) mais reste sur son quant-à-soi et ne nous transporte
jamais. Dans le rôle-titre, Matthias Rexroth possède un
médium agréable et une réelle présence, ses
récitatifs sont habités, mais la vocalise est poussive,
les traits sont escamotés (« La tigre arde di
sdegno »), le legato
aléatoire et la dynamique réduite – est-ce la
raison de ce micro, par trop visible en DVD ? Hercule bien
timbré mais un peu court de Raimund Nolte, Orindo (Melanie
Hirsch) et Meraspe (Gerd Vogel) transparents... Au sein de cette
pâle distribution, Romelia Liechtenstein triomphe sans gloire et
impose un soprano épanoui, une vraie ligne de chant et une
incarnation sensible – à défaut d’être
bouleversante.
Certains albums classiques font l’objet depuis quelque temps
d’éditions de luxe qui comportent en bonus un DVD
(interviews, reportage sur l’enregistrement, etc.). ARTHAUS
emprunte la voie inverse en proposant dans le même boîtier
un condensé de l’opéra sous forme de best of en deux CD, sucrant quelques airs et les récitatifs secco.
En fait, cette pratique, relativement nouvelle, tend déjà
à se répandre dans la pop et la variété.
Quelques bruits de scène comme la fontaine dans l’air de
chasse de Trasimede (« Se l’arco avessi e i
strali ») nous rappellent l’origine de cet enregistrement,
mais aucune toux ou applaudissement intempestif ne perturbe
l’écoute. Pour découvrir Admeto, mieux vaut peut-être commencer par ces disques que par la vidéo…
Bernard SCHREUDERS
Note
(1) PONTO publiait l’année dernière un live
capté en mai 68 et jusque-là indisponible : une
version de concert, en anglais, nettement moins orthodoxe, qui fut
donnée à Birmingham sous la houlette d’Anthony
Lewis avec, notamment, Janet Baker, Maureen Lehane et Sheila Armstrong.
Le style comme le son de l’orchestre ont vieilli, mais la
tragédienne Baker (Alceste) est alors au sommet de son art
tandis que l’Antigone d’Armstrong nous rappelle de quel
charme irrésistible pouvait se parer le chant de cette artiste
trop vite tombée dans l’oubli.
Commander ce DVD sur www.integralmusic.fr
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