C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
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Marcelo ALVAREZ

The tenor's passion

1. Che gelida manina : (Giacomo Puccini : La Bohème)
2. Addio fiorito asil : (Giacomo Puccini : Madama Butterfly)
3. Recondita armonia : (Giacomo Puccini : Tosca)
4. E lucevan le stelle : (Idem)
5. Donna non vidi mai : (Giacomo Puccini : Manon Lescaut)
6. Nessun dorma : (Giacomo Puccini : Turandot)
7. Lamento di Federico : (Francesco Cilea : L'Arlesiana)
8. Amor ti vieta : (Umberto Giordano : Fedora)
9. Come un bel di di maggio : (Umberto Giordano : Andrea Chenier)
10. Cielo e mar : (Almicare Ponchielli : La Gioconda)
11. M'appari : (Friedrich von Flotow : Martha)
12. Di rigori armato : (Richard Strauss : Der Rosenkavalier)
13. A te, o cara : (Vincenzo Bellini : I Puritani)
14. O Paradis : (Giacomo Meyerbeer : L'Africaine)
15. Vainement ma bien aimée : (Edouard Lalo : Le roi d'Ys)
16. La fleur que tu m'avais jetée : (Georges Bizet : Carmen)

Staatskapelle Dresden
Marcello Viotti

Sony Classical SK 0929372003
Durée : 55'48
Enregistré à Lukaskirche, Dresden, Juillet 2004


La photo de la pochette nous le rappelle : Marcelo Alvarez n'est plus le jeune homme de 25 ans, cet éternel duc de Mantoue pour lequel, longtemps, nous avons eu les oreilles de Gilda. Il l'affirme d'ailleurs lui-même : "J'ai la quarantaine. Je sens que le moment est venu de relever des défis". Ce disque en est un premier. Le chanteur argentin abandonne au vestiaire son allure légère et lyrique pour travailler les pectoraux. Un peu comme si Rupert Everett décidait de ressembler à Bruce Willis. Mais ce qui ne serait pas probant au cinéma convainc ici sans mal.

Car en changeant de technique, le ténor a su préserver les qualités qui lui valurent ses premiers succès : un timbre à l'immédiate séduction, viril mais gracieux, un chant clair, nuancé, homogène sur toute la tessiture que couronne un aigu sans ambages ; il les accompagne désormais d'un geste plus large, de teintes plus violentes dont le dramatisme correspond au répertoire qu'il désire explorer.

Le pari est gagné dès les premières plages. Le nouveau Marcelo porte le ténor puccinien comme Marlon Brando le tee-shirt déchiré. Calaf et ses frères se parent exactement du charme qui les caractérise : un brin pleutres, égoïstes certes, mais tellement séduisants. Plus que Mario dont l'attaque sur "Recondita armonia" (plage 3) manque encore d'assurance, Rodolfo ("Che gelida manina", plage 1) atteint là toute son ampleur poétique. La gradation des sentiments, justement conduite jusqu'à l'explosion libératrice sur le mot speranza, ravive une émotion que l'habitude avait fini par estomper. Des Grieux, dans un air moins enivrant ("Donna non vidi mai", plage 5), trouve des accents d'une égale sincérité. Le vincero de "Nessun dorma" (plage 6) un peu trop appliqué, claque comme un drapeau triomphant.

Les autres héros véristes ne sont pas moins bien servis. Andrea Chenier ("Come un bel di di maggio", plage 9), Federico (plage 7) savent éviter les écueils de la vulgarité, ce dernier quasiment anthologique par la noblesse de son désespoir. Seul "Cielo e mar" (plage 10), sans démériter, ne dégage pas l'urgence nécessaire.

Derrière cette galerie de portraits italiens de la belle époque se glisse une petite poignée d'intrus dont la présence, si elle est parfois heureuse, semble moins pertinente.

"Di rigori armato" (plage 12), trop souvent confié sur scène à un chanteur de troisième ordre, s'habille enfin de l'italianité voulue par Richard Strauss et, ainsi vêtu, sonne presque comme une découverte.

Avec "A te, o cara" (plage 13), Marcelo Alvarez démontre dans un bel exercice de souffle que s'il développe à présent la largeur, il n'en renonce pas pour autant à la longueur. Il n'est peut-être pas trop tard pour Arturo.

Reste le problème des trois airs français. Roberto Alagna nous a mal habitués. La prononciation de notre langue, bien que remarquable pour un chanteur étranger, ne peut totalement satisfaire une oreille francophone. Le "r" roulé au-delà du raisonnable, le "e" qui devient "é" (par exemple, Vainément ma bien aimée ou je me prrrénais à te maudirrre) gâchent immanquablement le plaisir. Dommage, car la romance du Roi d'Ys (plage 15) échappe à la mièvrerie qui souvent l'entache et "La fleur que tu m'avais jetée" (plage 16), même privée du contre si bémol pianissimo qu'exige la partition, frôle l'extase.

Marcello Viotti, lorsqu'il ne joue pas les sacristains de service (c'est lui qui donne la réplique dans "Recondita Armonia"), succombe au charme de son interprète et plonge son orchestre dans la même félicité sonore. Envoûté, il s'abandonne langoureusement jusqu'à trop privilégier la forme au détriment de l'intensité, principal apanage de ces héros sombres et nerveux. 
Mais ces quelques réserves n'entament pas l'enthousiaste général. En fait, le seul véritable reproche concerne le programme choisi, largement éculé, usé jusqu'à la bobine. Pour en revenir à Alagna, puisque les deux ténors sont souvent comparés, ses différents enregistrements proposent à côté des grands standards deux ou trois raretés qui, à elle seules, motivent l'achat du disque. Une fois Marouf de Rabaud ou Polyeucte de Gounod, une autre L'attaque du moulin de Bruneau, Joseph de Mehul, ou encore La cena delle beffe de Giordano, Chatterton de Leoncavallo, etc. Ici, il n'y a malheureusement rien pour titiller notre curiosité. Seuls alors les inconditionnels, les collectionneurs ou les néophytes trouveront leur bonheur. Les autres ont déjà tout ce qu'il leur faut.
 

Christophe RIZOUD




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