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Amor e gelosia

HAENDEL : duos d'opéra

Poro : Caro amico amplesso
Rinaldo : Scherzando sul tuo volto
Rodelinda : Io t'abbraccio
Silla : Sol per te, bell'idol mio
Sosarme : Per te porte del tormento
Faramondo : Caro, tu m'accendi
Atalanta : Amarilli ? Oh Dei ! che vuoi ?
Muzio Scevola : Vivo senz'alma 
Orlando : Finché prendi 
Poro : Se mai più saro geloso
Poro : Se mai turbo il tuo riposo
Serse : Gran pena è gelosia !
Poro : Se mai turbo il tuo riposo
Admeto : Alma mia, dolce ristoro
Flavio : Ricordati, moi ben
Teseo : Addio, mio caro bene

Patrizia Ciofi, soprano
Joyce Di Donato, mezzo-soprano

Il Complesso Barocco
Alan Curtis

Virgin "Veritas" 7243 5 35628 2 2
Enregistré en juin 2003
Durée : 73'35''


L'opera seria n'a accordé qu'une place marginale aux ensembles, leurs préférant l'aria, plus apte à traduire un sentiment et à mettre en valeur les prouesses de l'interprète. Entre deux intégrales d'opéras peu connus de Händel, Alan Curtis nous propose donc un exercice de style assez rare : explorer la rhétorique des affetti baroques au travers de la forme du duetto.

Le programme, on ne s'en étonnera guère, délaisse les grandes pages de Giulio Cesare ou Ariodante pour jouer la carte de la rareté. Tout au plus rencontrera-t-on furtivement Rinaldo, Serse ou Orlando. Poro, rè dell'Indie constitue quant à lui le cúur de ce disque avec rien moins que deux duetti, deux arie et une sinfonia. Parmi les autres extraits, on pourra s'amuser à trouver des mélodies devenues célèbres par la suite : esquisse de l'air "Ama, sospira" de Morgana dans le duo de Silla, réminiscences de cantates romaines telles que le Delirio amoroso ou Apollo e Dafne dans celui de Sosarme, ou reprise d'Agrippina dans le duo de Flavio...

L'exercice est périlleux et Alan Curtis s'en sort plutôt bien. Seules ombres au tableau pour que la réussite soit tout à fait enthousiasmante : le choix des extraits et la variété de la direction. Pourquoi, en effet, avoir choisi les duos de Muzio Scevola ou d'Admeto qui ne révèlent rien du génie händélien et n'apportent rien au prestige des interprètes ? Duos conventionnels du point de vue musical auxquels on aurait préféré le rare "No, no ch'io non apprezzo" d'Aggripina, l'enchanteur "Notte cara" d'Ottone ou encore le sublime "Ama, si sarai tu quella" de Riccardo Primo. D'autant que l'enchaînement des duos n'échappe pas à une certaine monotonie. La diversité mélodique et le recourt ponctuel au recitativo ne parviennent pas à masquer une certaine pauvreté de la forme (da capo systématique) et une incapacité évidente de la part du chef à diversifier et contraster les affetti, ce qui handicape à plusieurs reprises les solistes.

Les cas de Rodelinda et d'Orlando sont les plus flagrants. Le choix de tempi trop rapides empêche le premier d'atteindre la plénitude dans la déploration que l'on est en droit d'attendre d'époux qui se disent adieu. Ce moment d'éternité est vite expédié et martelé au métronome. De même pour Orlando dont le tempo hâtif empêche à la fois la fureur du paladin de s'exprimer et la plainte d'Angelica de s'épanouir. Sa mélodie, digne d'un choral de Bach, ne parvient pas à nous émouvoir et nous restons totalement étrangers au drame que vit chacun des personnages.

Les autres duetti nous offrent heureusement des splendeurs innombrables : Poro et Teseo par exemple, qui ouvrent et referment le programme dans une atmosphère doloriste, conviennent à merveille aux deux chanteuses. Ces duos aux accents "poppéens" permettent aux timbres de s'accorder parfaitement pour ne plus faire qu'une ligne mélodique au souffle inépuisable. 

Rinaldo et Silla brillent par une maîtrise des trilles et du souffle digne des plus grandes vocalistes, alors que messa di voce souveraine, volutes et mélismes enivrants font de Sosarme une des grandes réussites de ce disque. Citons également le triptyque formé par les deux airs de Poro, dont les thèmes sont ensuite repris dans le duo qui conclut le premier acte. Il est frappant de voir (ou plutôt d'entendre) comment les individualités qui s'illustrent successivement dans les solos savent ensuite s'assagir lors de leur duo pour servir la musique de Händel.

De fait, il est difficile de distinguer les prestations de Patrizia Ciofi et de Joyce Di Donato tant elles ne font qu'un. On pouvait craindre que de telles personnalités ne se marchent dessus. Leur rencontre fait des étincelles : dans les duos d'amour ou de déploration, certes, mais aussi dans ceux où s'expriment la haine et la jalousie, la fusion et l'entente sont idéale.

Côté ornementations, on pouvait néanmoins attendre davantage de ces éminentes rossiniennes, rompues aux bel canto baroque et romantique. Les da capo et cadences sont un peu chiches : trille par-ci, mordant ou gruppetto par-là, formant l'essentiel des reprises et des codas.

Un disque qui comblera les händéliens, qui ravira les inconditionnels des deux dive et prouvera aussi combien il est difficile de donner vie et théâtralité à cette musique.
  


Sévag TACHDJIAN


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